Une start-up californienne détient peut-être entre ses mains la réussite de la future migration d'Apple vers les processeurs Intel.

Transitive est une jeune pousse de la Silicon Valley, comme il en existe des milliers, mais elle présente pour Apple Computer un intérêt majeur: elle a conçu le moteur qui se cache dans le logiciel Rosetta, qui 'traduit' les applications utilisées sous PowerPC de manières à ce qu'elles soient utilisables avec les processeurs Intel qu'Apple compte employer d'ici à 2007 (voir notre news).

Le processus, quoique complexe dans son fonctionnement, est facile à décrire dans ses grandes lignes: au fur et à mesure qu'il lit les instructions destinées au processeur IBM/Motorola PowerPC contenues dans le code Macintosh, ce logiciel de traduction convertit lesdites instructions d'une manière intelligible par un processeur x86, comme ceux que fabrique Intel.

Même si des limites bien réelles existent, ce logiciel promet énormément, et devrait à la fois rassurer les développeurs habitués à travailler sur les produits Apple, et les clients déjà conquis.

Ce lundi 6 juin, le PDG d'Apple Computer, Steve Jobs, a fait la démonstration de la célérité et de l'efficacité de Rosetta en faisant tourner des versions PowerPC d'Adobe Photoshop, Microsoft Word et Microsoft Excel, trois applications essentielles pour le succés futur de la transition vers les processeurs Intel.

Le test, effectué, rappelons-le, en 'live', s'est très bien déroulé, merci, mais tant Apple que Transitive savent que la route est encore longue, et parsemée d'embûches. La stabilité des applications réécrites sera le défi majeur à relever pour nos cyber-Champollions (désolé, je n'ai pas pu résister).

Selon un analyste spécialisé dans ce domaine, l'histoire démontre que la traduction d'instructions binaires ne fonctionne pas. Nombreux sont ceux qui s'y sont essayés, sans résultats vraiment probants à mettre à leur actif.

Mais la jeune firme de Los Gatos (les chats retombent toujours sur leurs pattes, c'est bien connu), Californie, maintient que son logiciel peut réussir là où tout le monde a jusqu'à présent échoué. Et de rappeler que par le passé, elle a collaboré avec Silicon Graphics lorsque ce dernier tentait de porter ses applications conçues pour un ancien processeur vers une nouvelle puce, leur permettant de fonctionner à 80% de leur vitesse en natif.

Transposé à des applications complexes, on peut estimer à 60 ou 80% la vitesse de fonctionnement après 'traduction' du programme.

Les sceptiques rappellent toutefois que ceux qui promettaient autrefois 50% ou 60% durent se satisfaire de 30% à 40% tout au plus, comme Digital Equipment lorsqu'il tenta de faire fonctionner son programme FX!32 sous Windows x86 avec des puces Alpha, ou encore Hewlett-Packard et son logiciel Aries, conçu pour tourner sous HP-UX (version HP d'Unix) avec des puces PA-RISC, et bien ralenti lorsqu'on lui adjoint une configuration Itanium et des processeurs x86. Idem pour Intel lors de la migration de l'application maison IA32-EL vers les mêmes puces Itanium.

Steve Jobs avait cependant tout lieu d'être satisfait, mais ne saurait oublier que lors de sa démonstration, il utilisait un PC équipé d'un Intel Pentium cadencé à 3,6Ghz, et de 2Go de mémoire vive...

Apple rappelle volontiers qu'en 1994, quand la décision fut prise de passer des processeurs Motorola 680x0 aux PowerPC, les utilisateurs devait recourir à un émulateur pour faire fonctionner leur anciennes applications sous le nouvel environnement.

La transition est une étape primordiale, à double titre: pour Transitive, outre la question de crédibilité bien légitime, se profile la perspective d'un contrat bien juteux, avec à la clé une expansion comme en rêvent toutes les start-ups de par le monde; pour Apple, il s'agit plus de rassurer ceux parmi ses clients qui s'apprêtent à changer leur matériel que le passage de témoin se fera en douceur, et que Mac sera toujours Mac.

Bien sûr, tout n'est pas encore parfait avec Rosetta: par exemple, ce logiciel ne peut pas retranscrire les instructions AltiVec, ni celles qui nécessitent un processeur G4 ou G5, ou encore celles écrites pour MacOS 9; les extension du noyau lui sont également interdites, de même que les programmes qui en dépendent, ou le code qui insère des préférences dans les Préférences Système.

En fait, insiste-t-on chez Transitive, les applications qui nécessitent une interaction importante avec l'utilisateur, ou des ressources machine faibles, sont tout à fait compatibles avec Rosetta. Les logiciels utilisant OpenGL le sont aussi, pour la plupart, mais ceux qui nécessitent des ressources importantes de la part du processeur lui sont interdits.

Apple indique enfin que pour l'utilisateur, rien ne laisse transparaître qu'une application est réécrite: tout au plus note-t-on qu'une boîte de dialogue dans le Finder peut se matérialiser, afin de déterminer si une application ouverte nécessite obligatoirement du binaire PowerPC pour fonctionner.

Le futur est en marche. Reste à savoir dans quelle direction...

Source : CNET News