Le système des dépôts de brevets pourrait être sérieusement modifié dans les prochains mois aux Etats-Unis, afin de mieux coller à l'évolution sans cesse plus rapide des technologies.

En théorie, le dépôt d'un brevet est, pour une entreprise, le seul moyen de s'assurer que son savoir-faire ne pourra être copié ou utilisé sans son accord. Certes, des méthodes de contournement existent, pas toujours légales d'ailleurs, comme le fameux " reverse engineering " (ingéniérie à rebours) qui s'est fait un nom ces dernières années, notamment dans l'industrie du logiciel, mais pour l'essentiel, le système actuel fonctionne plutôt bien lorsqu'il s'agit de protéger la propriété intellectuelle ou industrielle.

Pourtant, dans le domaine informatique, tout va si vite que rares sont les entreprises qui peuvent se permettre d'attendre plusieurs années avant d'obtenir un brevet pour une technologie sur laquelle elles travaillent parfois depuis fort longtemps. En cause, la nécessité pour le déposant du brevet de préciser ad nauseam le fonctionnement de son invention, mais également ses applications supposées ou espérées, et les développements qu'elle est sensée connaître une fois concrétisée. Les formulaires de demande de brevet sont donc devenus de plus en plus compliqués, et surtout de plus en plus longs à rédiger. Ils réclament dans quasiment tous les cas l'intervention de juristes spécialistes de ces questions, et ce surtout aux Etats-Unis où, comme chacun sait, sommeille dans tout citoyen un procédurier qui s'ignore...

De ce constat est né un projet de loi, actuellement débattu en commission au Congrès américain, qui vise à simplifier et hiérarchiser la procédure de dépôt de brevet : le Patent Reform Act 2005. Certains envisageaient même de supprimer purement et simplement les brevets, et de les remplacer par une évolution des actuels copyrights (littéralement : droits à copier), mais le projet a été abandonné, car contrairement aux brevets, dont la durée excède rarement 20 ans, il n'est pas rare de voir des copyrights déposés pour des périodes de 95 ans, voire plus. Vingt années sont déjà un bail, pour l'industrie informatique. Que dire alors de près d'un siècle '!

Une réforme du système des brevets devrait donc voir le jour, sauf imprévu, comme par exemple un bouleversement cataclysmique de la composition du Sénat des Etats-Unis, lors des prochaines élections, en novembre de cette année. Parmi les points qui seront examinés, figure la notion de description exhaustive, qui, comme évoqué plus haut, est un art difficile. Trop peu de précisions laissent la porte ouverte à des copies incontrôlables du logiciel breveté, alors qu'a contrario, trop de détails conduisent à un usage tellement restrictif du brevet que n'importe qui peut s'inspirer du principe de la découverte (par exemple : une nouvelle méthode de stockage de données informatiques), et développer une technologie approchante, mais suffisamment différente pour ne pas tomber sous le coup de la loi qui protège le produit brevété. Les laboratoires pharmaceutiques sont passés maîtres dans cette forme artistique si particulière.

L'USPTO ( United States Patents and Trademarks Office) est l'organisme qui enregistre les brevets aux Etats-Unis, et qui surveille leur application et leur protection. Cet organisme est le premier à reconnaître que ses méthodes de traitement des demandes de brevets est en inadéquation avec la nécessité, dans l'industrie informatique, d'obtenir une protection efficace, et surtout rapide, à l'invention ou le perfectionnement d'une technologie. Les logiciels sont frappés d'obsolescence à un rythme bien plus rapide que dans le reste de l'industrie, et la moindre perte de temps dans la recherche d'une protection de propriété intellectuelle et/ou industrielle peut avoir des conséquences financières désastreuses.

D'où l'idée, proposée par la branche américaine de l'IEEE ( Institute of Electrical and Electronics Engineers ), de créer une nouvelle forme de protection spécifique au logiciel, comme il en existe dans d'autres pays, telle l'Australie. Aux antipodes, le système du mini-brevet, institué à l'automne 2004, prévoit un droit à la protection de l'innovation, plutôt qu'à la seule découverte technologique. Il est dès lors inutile de déposer un nouveau brevet à chaque fois que l'on fait évoluer une technologie dont on est déjà propriétaire, ce qui simplifie les démarches, et limite les risques d'erreur. La date d'entrée en vigueur du brevet est celle où les premières applications commerciales sont présentées, ce qui permet de ne pas inhiber les capacités d'innovation sur un marché donné. Bien sûr, le prix à payer pour une telle forme de protection est une durée de validité du brevet réduite à seulement quelques années (on parle de quatre ans dans un premier temps), elle mais apporterait au système actuellement en vigueur outre-Atlantique une souplesse dont il ne peut que rêver pour l'instant...

Si ce système était institué aux Etats-Unis, il garantirait de meilleurs recours contre les contrefaçons, mais n'empêcherait pas pour autant la recherche d'une protection élargie, ce qui, dans le cas des entreprises qui oeuvrent dans la recherche fondamentale, serait un plus : bien souvent, les laboratoires de recherche se lancent dans des projets dont ils ignorent les possibles applications industrielles, ou ne peuvent en deviner tous les développements futurs. Un brevet courant à compter du lancement sur le marché leur apporterait un délai de grâce supplémentaire vis-à-vis de leurs concurrents, sans scléroser pour autant la recherche et la compétition. De plus, chaque nouvelle innovation (pléonasme !) se verrait à son tour couverte par sa propre protection quadri-annuelle, garantissant la continuité de la recherche.

Les critères d'obtention d'un brevet seraient eux aussi un peu modifiés. Il ne serait plus nécessaire de démonter la faisabilité d'une invention, mais simplement de prouver sa nouveauté manifeste. Pour autant, ce système ne serait pas parfait, puisqu'il prévoit, au nom de la liberté d'entreprendre si chère à nos amis américains, que tout un chacun puisse, moyennant finance, demander à examiner les demandes de mini-brevet déposées dans son domaine d'activité. En cas de litige, cela promet quelques belles empoignades devant les tribunaux, mais le principal avantage de ce nouveau système serait le gain de temps dans l'obtention d'une protection pour une nouvelle technologie. Il faut actuellement plusieurs années avant qu'un brevet soit accordé par l'USPTO. Avec le principe du mini-brevet, on raisonnnerait en mois, voire en semaine.

Ce serait toujours ça de gagné...



Source : Slashdot