Après la NSA, et plus récemment encore la Maison Blanche et le Pentagone, c’est au tour de plusieurs parlementaires américains de se faire surprendre en flagrant délit de gourmandise…

Dans un récent article, nous vous avons conté les mauvaises habitudes prises par la National Security Agency en matière de respect de la vie privée. La loi américaine interdit aux agences gouvernementales de collecter des informations sur les citoyens des Etats-Unis sans leur accord ou celui d’un juge, mais cette règle ne s’applique pas aux parlementaires. Nombre d’entre eux, cependant, se sont exprimés sur le sujet par le passé, et ont critiqué avec véhémence de telles pratiques ; ils s’étaient en outre engagés à ne jamais y recourir. Les faits semblent prouver le contraire.

Ainsi, vingt-trois Sénateurs et quarante-trois Députés américains des deux partis ont laissé leur site Internet professionnel (ils en ont tous un) installer des cookies sur les ordinateurs de leurs visiteurs sans les en avertir. La durée de vie de ces cookies semble également disproportionnée par rapport à leur utilité supposée : certains auraient une date de péremption fixée à trente ans après leur activation. S’agissant des sites Web d’hommes—et de femmes—politiques qui ont pour certains allègrement dépassé la soixantaine, et malgré les progrès enregistrés ces dernières années en matière d’espérance de vie, on peut voir là, soit une volonté de conjurer le mauvais sort, soit le reflet d’une confiance en la médecine qui confine au mystique…

Les parlementaires nient avoir tenté d’espionner qui que ce soit, et invoquent pour la plupart le recours à un logiciel signé Adobe (ColdFusion) pour la conception de leur site, logiciel qui fixerait par défaut la durée de validité des cookies sur "indéterminée", ce qui aurait pour effet de leur attribuer une longévité de trente ans. Tout webmestre qui se respecte pourrait sans difficulté modifier ce réglage, et réduire la durée de validité desdits cookies, voire les supprimer purement et simplement, mais il semble que cet aspect des choses ait été occulté.

Il ne faut toutefois pas voir ici de volonté délibérée de se procurer des informations sur les visiteurs des sites en question. Comme l’indique une analyste californienne du Pacific Research Institute, il est plutôt question dans ce cas "d’ignorance des choses de l’informatique, associée à une certaine hypocrisie. Les parlementaires en question ont souvent critiqué les entreprises qui utilisent les cookies pour rassembler des informations sur les gens qui visitent leur site, mais ils n’ont pas pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas tomber dans le même piège."

Les cookies, rappelons-le, n’ont pas à la base pour vocation de nous espionner : ce sont de petits fichiers texte dans lesquels sont rassemblés certains détails de votre (vos) précédente(s) visite(s) sur un site donné. Ils permettent, notamment, de ne pas avoir à renseigner certaines rubriques à chaque fois que vous vous rendez sur ledit site, et ont donc pour but premier de faciliter votre visite. Cette vocation est parfois détournée à des fins moins avouables, hélas.

En fait, ce que la presse américaine reproche à ces parlementaires n’est pas tant l’usage de ces fameux cookies que l’incohérence entre la position officielle de ces Députés et Sénateurs en la matière et leurs actes. Le Sénateur John McCain (Républicain - Arizona), par exemple, avait en 2000 tenté, sans succès, de faire voter par le Congrès une loi interdisant purement et simplement l’utilisation des cookies sur Internet, au nom du respect de la vie privée. L'entourage du Sénateur indique aujourd’hui tout ignorer de la présence de ces fameux cookies sur son site, admettant que la conception de ce dernier a été sous-traitée à une société privée, qui s’est servie d’Adobe ColdFusion, lequel pourrait bien jouer les boucs émissaires si l’affaire allait plus loin…

Certains parlementaires annoncent clairement dans les conditions d’utilisation de leur site la présence de ces cookies. Certains autres le font à moitié (ils en font état dans les conditions d’utilisation rédigées en anglais, mais omettent d’en faire de même dans celles écrites en espagnol, par exemple; ou inversement), mais tous plaident la bonne foi et l’ignorance des choses de l’informatique.

Plus ennuyeux : dans certains cas, il est proposé au visiteur de traduire la page d’accueil en espagnol au moyen du moteur de traduction d’AltaVista.com, implantant sur le PC de l’internaute un cookie d’AltaVista sans le prévenir.

Il n’y a pas péril en la demeure pour autant, bien sûr, mais en ces temps troublés de propagation rapide des menaces sur le Web, de failles mal ou pas comblées, et de protections logicielles de la propriété intellectuelle qui jouent avec la sécurité de nos machines, on peut légitimement lever les sourcils et réclamer quelques explications, non '

Le Sénateur McCain promet en tout cas de poursuivre sa croisade pour le respect de notre vie privée. A bientôt soixante-dix ans, le parlementaire a toujours bon pied, bon oeil.

D'aucuns diraient qu'il a encore la frite...



Source : CNET News