Les fondeurs (entendez par là les fabricants de composants électroniques, non les skieurs de fond...) n'ont de cesse de faire évoluer leur matériel. Et ils s'inspirent parfois de Dame Nature...

Les Dieux de l'électronique et, partant, de l'informatique, ont pour nom Carbone et Silicium. On trouve le premier dans nos modules mémoire, qu'ils soient destinés au stockage de courte ou de longue durée, et le second est omniprésent lorsqu'il est question de processeurs, aussi affectueusement surnommées puces, ces super-machines à calculer capable d'effectuer des milliards d'opérations par seconde. Mais dans ce dernier domaine, la technologie actuelle est vieille comme l'informatique elle-même : on prend une couche d'un matériau isolant, appelé substrat, et on y appose autant de minuscules transistors que la surface dudit substrat peut en accepter. Les limites, comme nous l'avons déjà mentionné à plusieurs reprises, sont presque atteintes, et de nouvelles technologies sont sur le point d'éclore.

Mais dans le cas de nos puces mémoire, l'évolution est bien plus rapide. Dernière en date dans la liste des nouveautés, la proposition du finisseur Nantero, qui reçoit habituellement des galettes de micro-processeurs ou de puces mémoires en provenance des fondeurs (comme Intel, Samsung ou AMD - Advanced Micro Devices ) eux-même, avant d'en séparer les puces. Nantero, basé dans le Maryland, expérimente une nouvelle technique de fabrication de puces mémoire à l'aide de nano-tubes de carbone dont le diamètre est 50.000 inférieur à celui d'un cheveu humain, même un cheveu traité avec un shampooing miracle qui lui redonne volume, vitalité, luminosité et... mais je m'égare...

Les nano-tubes de carbone--également dénommés " buckytubes ", en référence aux " buckyballs " dont nous vous avons déjà parlé--ne sont pas en soi une nouveauté. On est capable d'en produire à l'échelle industrielle depuis plusieurs années, même si la science fait encore des miracles dans leur miniaturisation. Pour autant, leur inclusion en qualité de matériau de base dans la fabrication de puces mémoire serait une première, que Nantero compte bien s'offrir d'ici la fin de l'année sur des modules de type DIMM ( Dual In-line Memory Modules ). Et la firme américaine a pris exemple sur ce que la Nature propose depuis des millénaires, notamment au bout des pattes du Gecko... Pardon, du gecko. L'animal, pas son alter-ego informatique, que les amateurs des Mozilla Firefox et autres Camino ont appris à apprécier.

Le gecko (la bestiole, donc...) est un petit reptile qui a la particularité de savoir grimper aux murs. Pour pouvoir se livrer à de tels exploits, le gecko est pourvu de pattes aux extrêmités assez étonnantes : elles sont recouvertes de fines lamelles, les setae, munies de poils microscopiques, et qui agissent au niveau moléculaire avec la surface à laquelle elles adhèrent. De par la grâce conjuguée de ces poils et de l'effet ventouse que ces lamelles souples lui autorisent, toutes les facéties sont possibles pour notre petit lézard, puisqu'il peut même grimper sur une vitre !

Les nano-tubes de carbone imaginés par Nantero offrent un potentiel d'adhérence 200 fois supérieur à celui des setae d'un gecko, et permettent d'y faire coulisser des microscopiques plaques de carbones, qui servent de passerelles aux électrons, aliments incontournables des matériels électroniques, du moins pour l'instant. Selon que les passerelles sont ou non en contact avec leur support en silicium, les électrons sont transmis ou non. Les sempiternels 1 et 0 de l'informatique moderne sont bien là, mais la petite taille de la structure qui transmet les électrons permet des vitesses de lecture de bits de l'ordre de la demi-nanoseconde !

A comparer aux 10 nanosecondes nécessaires aux modules de mémoire RAM les plus performants disponibles à ce jour. Reste la question du prix : en 2003, un gramme de nanotubes de carbone vous aurait coûté, eut-il été en vente libre, la bagatelle de 21.000 euros. Aujourd'hui , les prix sont, disent les industriels spécialisés, "devenus raisonnables", sans plus de précision.

Et puis, comme le souligne, non sans humour, notre confrère britannique Roger Howorth, ces puces du futur ne grimpent peut-être pas aux murs, mais elles savent certainement stocker des données mieux que n'importe quel lézard transgénique...


Source : Slashdot