Le compromis qui semblait s'être dégagé autour du fameux amendement 138/46 du Paquet Télécom n'a finalement pas été retenu. L'obscure formulation parlant d'un " tribunal indépendant et impartial " plutôt que d'une autorité judiciaire est à jeter aux oubliettes. C'est en effet la version originelle de l'amendement 138 qui a été réintroduite hier suite au vote des députés de la Commission Industrie du Parlement européen.

À 40 votes pour, 4 contre et 2 abstentions, ils ont décidé " qu'aucune restriction ne peut être imposée sur les droits fondamentaux et les libertés des utilisateurs, sans la décision préalable des autorités judiciaires ". Ces utilisateurs sont ceux de l'Internet avec pour droit fondamental son accès.

Une épine dans le pied du projet de loi Création et Internet voulu par le gouvernement français dont la mesure phare prévoit la suspension de l'accès à Internet pour les récidivistes du téléchargement illégal, dans le cadre d'une sanction mise en œuvre par une autorité non pas judiciaire mais administrative. Une contradiction à l'échelle européenne est donc en vue dans la mesure où l'amendement 46 sera adopté par les députés européens réunis en séance plénière dans la semaine du 4 au 7 mai 2009. Une période cruciale puisque c'est aussi à cette période que les députés français de l'Assemblée nationale devraient se prononcer sur le projet de loi Création et Internet après nouvelle lecture.


Rien n'est encore acquis
On peut toutefois imaginer que le Conseil de l'Union européenne qui détient le pouvoir législatif marquera comme par le passé son opposition à l'amendement 46. Comme les élections européennes approchent également, le projet de loi Création et Internet en France semble bénéficier d'un calendrier favorable. Sans doute l'une des raisons de sa ré-inscription rapide après son rejet par l'Assemblée nationale le 9 avril.

Reste à savoir si le Conseil avec la voix de la France osera rejeter le Paquet Télécom pour conciliation ultérieure et donc lointaine, alors qu'il ne porte évidemment pas que sur la seule question soulevée par l'amendement 46 mais aussi sur la régulation du marché des télécoms dans le Vieux Continent.

Instigateur de l'amendement, l'eurodéputé socialiste Guy Bono a toutefois fait part de sa satisfaction, et de déclarer : " encore une fois, l'ensemble des députés de la Commission Industrie du Parlement européen a voté l'amendement 138 à l'exception de la droite française, reflet de son archaïsme ". Il poursuit:

" Il est incroyable de voir que Nicolas Sarkozy est prêt à bloquer un accord européen aussi important pour faire plaisir à ses amis du Fouquet's ! [...] Si le gouvernement français veut un accord sur le Paquet Télécom, il doit renoncer au nom de l'intérêt général européen aux dispositions liberticides du projet de loi Hadopi ! "