Le Net à 320 km/h, une première mondiale

C'est une première mondiale, mais encore à un stade expérimental, que lance la SNCF ce 7 décembre 2007 : l'officialisation d'un portail de services et d'un accès à Internet par WiFi dans les rames de TGV grâce à une connexion par satellite.

Assurer une liaison Internet stable dans un TGV roulant à 320 km/h constitue un énorme défi technique pour lequel la SNCF n'a pas lésiné sur les moyens : 19 millions d'euros ont été investis, constituant l'un des deux plus gros projets de recherche de la société, l'autre étant de faire passer le TGV de 320 à 360 km/h.

Et pour en assurer la mise en oeuvre, plusieurs partenaires ont été sélectionnés. Orange Business Services, tout d'abord, maître d'oeuvre du projet, qui gère les liaisons WiFi à bord et au sol, Capgemini pour la gestion du portail de services, Alstom Transport pour le choix et l'installation d'équipements répondant à des normes ferroviaires, et Eutelsat, en charge de la liaison satellite et de l'antenne créée spécifiquement pour le projet.

A partir du 7 décembre, trois rames expérimentales du TGV Est Européen offriront, gratuitement dans un premier temps, un accès au portail de services et à l'Internet, et ce jusqu'au mois de mars 2008, afin d'évaluer la réaction de la clientèle à cette offre.

Si le service répond aux attentes, il sera étendu aux 52 rames du TGV Est Européen d'ici 2009, puis éventuellement décliné sur l'ensemble des 400 rames de TGV, mais pas avant 2010.

De quoi s'agit-il ?

La SNCF souhaite lancer un portail de services accessibles par liaison WiFi, offrant diverses possibilités de divertissement ( vidéos, jeux, fils d'information, idées voyages...) mais également tourné vers l'univers du TGV et du rail.

Le portail permettra ainsi de visualiser le trajet en cours grâce à une balise GPS située à proximité de l'antenne satellite et de connaître la vitesse du train. Des offres et promotions seront également proposées en vue de planifier un futur voyage ou de se renseigner sur une destination.


Mais le portail SNCF sera également le point de départ de l'accès à Internet grâce à un lien par satellite, afin de consulter des sites Web ou de relever le contenu de sa messagerie. Du fait du coût et de la nature de la connexion ( temps de latence, principalement ), certains usages ne pourront être possibles, comme par exemple la voix sur IP.

Détail important, l'accès au portail se fera directement depuis l'ordinateur portable du voyageur et le service Internet offrira un débit de l'ordre de 2 Mbps en débit descendant et 512 kbps en débit montant.

Les enjeux de ce défi technique

Pourquoi un tel service ?

Tout d'abord pour répondre à une demande des clients. Dans les enquêtes réalisées préalablement, 58% des voyageurs déclarent posséder un accès personnel à Internet et pour 94% d'entre-eux d'un accès en haut débit. D'autre part, 25% disposent d'un accès WiFi et 50% ont un ordinateur portable.

C'est pour permettre aux voyageurs qui le désirent de retrouver une expérience similaire à bord des TGV que la connectivité WiFi a été privilégiée. Les enquêtes montrent également que 75% des personnes interrogées sont favorables à l'idée d'un accès à Internet ou à leur intranet dans le train.

C'est là qu'intervient la liaison satellite, à la fois pour mettre à jour les contenus du portail, qui seront diffusés en local, et pour assurer l'accès à Internet de façon continue et transparente pour l'utilisateur.

Mais il existe un autre enjeu de taille : à partir de 2010, les lignes de chemin de fer seront ouvertes à d'autres prestataires que la SNCF. Il faudra alors se démarquer pour continuer d'attirer la clientèle. Ce projet technique apporte la possibilité d'offrir des services assurant cette différenciation par rapport à de futurs concurrents et permettant de mettre en avant la qualité de la marque TGV.

Comment ça marche ?

L'infrastructure du réseau sans fil à bord du TGV est relativement complexe. L'accès au portail se fera depuis les ordinateurs portables des voyageurs, par l'intermédiaire de bornes WiFi placées dans le faux plafond des wagons. Les données transitent de wagon en wagon via un pont radio jusqu'au wagon porteur de l'antenne satellite et des baies serveurs, correspondant au wagon 3 ou 13.

Dans le cadre de ce projet, c'est en effet un lien satellite qui a été choisi. Des essais ont été menés à partir de réseaux de téléphonie mobile mais les résultats n'ont pas été concluants en terme de stabilité de la connexion et de couverture réseau.

Le choix du satellite a toutefois comporté son lot de difficultés techniques. Comme l'a expliqué Jean-François Frémaux, directeur du développement Marchés et Produits d'Eutelsat, il a fallu adapter les technologies pour répondre au cahier des charges.

Et c'est là l'un des points forts du projet. La parabole satellite placée sur le toit a été optimisée pour offrir les mêmes performances qu'une antenne de grande taille mais avec des dimensions compatibles avec les contraintes liées à la hauteur des rames.

Le projet étant né après la conception de ces dernières, l'antenne ne peut être intégrée à la structure et se trouve donc placée sur le toit. Elle doit être suffisamment réduite pour passer sous les caténaires et  dans les tunnels et être capable d'assurer la transmission d'un important volume de données dans les deux sens.

D'autre part, pour s'accommoder de la grande vitesse de déplacement, l'antenne satellite est dotée de servo-moteurs lui permettant de rester pointée en permanence vers le satellite géostationnaire ( Atlantic Bird 2 ) qui sert de lien avec un centre au sol.

Et dans les tunnels, lorsque les signaux satellite deviennent inaccessibles, Orange Business Services a disposé des bornes WiFi assurant un relais temporaire. La transition est réalisée à la manière des réseaux cellulaires : à l'approche du tunnel, le réseau bascule du satellite au WiFi au sol de façon transparente pour l'utilisateur ( handover ), tandis qu'en sortie, la transmission repasse par le satellite, l'antenne étant capable de pointer à nouveau vers son satellite très rapidement, en moins de quatre secondes en moyenne.

Un modèle économique à l'étude

Combien cela va-t-il coûter ?

On l'a vu, le projet de portail de services et d'accès à Internet est crédité de 19 millions d'euros. Ce budget concerne le développement des techniques et l'équipement des trains, estimé à 250.000 euros par rame. Mais il faut également tenir compte du coût de la liaison satellite, correspondant à 80 millions d'euros pour une exploitation courant de 2008 à 2012.

Actuellement, le modèle économique n'est pas encore validé. La période d'essai qui s'étendra jusqu'au mois de mars 2008 sera l'occasion d'évaluer différentes possibilités grâce à deux enquêtes qui y seront menées. Le choix d'une expérimentation menée sur le TGV Est Européen n'est pas anodin car il permettra également d'évaluer les attentes des voyageurs d'Allemagne, du Luxembourg et de Suisse et, pourquoi pas, d'exporter la technologie et son modèle commercial vers d'autres pays.

Selon les données du moment, la SNCF privilégie un modèle ouvert à tous ( 1ère et 2e classe ) qui pourrait tourner autour de 3 € de l'heure pour l'accès à Internet et de 6 à 7 € pour la location d'un film. Il n'est pas envisagé de répercuter le prix du service sur les billets de train. Celui-ci sera donc uniquement à la charge des voyageurs souhaitant profiter du portail.

Gratuit pendant la phase de test, le portail aura vocation à devenir un service commercial. Si pour l'instant, l'offre vidéo ne comporte que des courts-métrages et des journaux d'information, la possibilité de visionner des films récents est à l'étude. De même, des services utilitaires ( achat de places de spectacle, location de véhicules ) seront progressivement intégrés.


Avec quelle configuration ?

Chaque rame pouvant accueillir jusqu'à 50 connexions simultanées, les projections tablent sur 25 à 30 utilisateurs par voyage ( pour une rame de 350 passagers ) avec une répartition homogène des usages et donc de la consommation en bande passante du réseau WiFi.

Pour ce qui est du lien satellite, une optimisation est prévue pour une utilisation diurne réservée à la clientèle et aux mises à jour légères ( flux d'information actualisé toutes les 15 mn, météo deux fois par jour, etc ) et nocturne pour le téléchargement de contenus lourds, comme les offres vidéo, par exemple.

Typiquement, et du fait du coût de la connexion par satellite, l'idée est d'utiliser au maximum des contenus locaux stockés sur des serveurs à bord du train et de n'utiliser la connexion que pour l'usage Internet des clients et la mise à jour périodique des contenus.

La transmission des données a également fait l'objet d'un développement technique particulier, reposant sur un protocole spécialement créé pour l'occasion, le CRMA ( Code Reuse Multiple Access ) dérivé du standard CDMA ( Code Division Multiple Access ) couramment employé dans les réseaux de téléphonie mobile.

Enfin, l'architecture logicielle assurant les échanges entre les divers éléments et développée par Capgemini fonctionne sous Linux ( FreeBSD notamment ), pour des questions et de coût et surtout de contraintes techniques. Le matériel informatique, durci et dont les composants répondent aux normes ferroviaires de résistance aux vibrations et aux instabilités électriques a été sélectionné par Alstom et utilise de "faibles" configurations ( processeurs cadencés à 630 MHz, 1 Go de RAM ) mais adaptées à l'environnement.