On le sait bien : ce qui apparaît aux Etats-Unis à un moment donné finit toujours par trouver son chemin jusqu'à nous, parfois avec plusieurs années de retard. Ce fut le cas pour la plupart des nouveautés technologiques de ces quarante dernières années, mais il est une "invention" dont l'internaute européen se passerait volontiers...


Bagarre homérique
Un grand et houleux débat a lieu en ce moment au Parlement américain. Il concerne ce que l'on appelle là-bas la neutralité d'Internet, c'est-à-dire la certitude que tous les consommateurs de la chose Internet, qu'ils soient puissants ou misérables, seront traités de la même manière par leur fournisseur d'accès. Une récente proposition des députés démocrates s'est vue opposer une fin de non-recevoir par leurs homologues républicains, lesquels estiment que rien ne permet de dire que les FAI américains ont l'intention de se forger un Internet à plusieurs vitesses. Pourtant, les signes avant-coureurs ne manquent pas...

Les institutions américaines fonctionnent différemment des nôtres. Là bas (c'est beau, on dirait du Goldman), un projet de loi ou de révision législative peut être tué dans l'oeuf au stade des commissions parlementaires, et c'est justement ce qui vient de se produire à la Chambre des Représentants (l'équivalent de notre Assemblée Nationale), avec le rejet, à 34 voix contre 22, d'un projet visant à inclure dans la prochaine loi de régulation des télécommunications un article interdisant aux fournisseurs d'accès de moduler la qualité du service auprès de leurs clients en fonction des sommes qu'ils sont décidés à dépenser.


Intérêts contraires
Le projet démocrate, soutenu, on le verra plus loin, par quelques grands noms de l'informatique, était depuis sa présentation il y a quelques semaines sous le feu des professionnels de l'Internet américain. Des sociétés comme Verizon ou AT & T faisaient pression sur les députés pour ne pas inclure de clause restrictive dans le futur projet de loi, et pour l'instant ils ont obtenu gain de cause. Reste à savoir comment réagira le Sénat, qui a le dernier mot en matière législative aux Etats-Unis. Mais comme les deux assemblées sont à majorité républicaine, il y a gros à parier que l'article revendiquant la "neutralité d'Internet" passera à la trappe.


La Dream Team à la rescousse
On ne peut pourtant pas reprocher aux défenseurs d'un Internet identique pour tous de ne pas s'être mobilisés : Google, Amazon, eBay, Intel, Microsoft, entre autres, sont montés au créneau. Même Yahoo, qui est pourtant un fournisseur d'accès à Internet outre-Atlantique, a rejoint la fronde. Pendant ce temps, les parlementaires républicains des deux chambres martelaient que même en incluant des restrictions légales dans la future loi de régulation des télécommunications, il n'y aurait aucune garantie qu'un Internet à plusieurs vitesses ne voit jamais le jour.

Les FAI, de leur côté, et à l'exception de Yahoo, rappelons-le, estiment qu'il serait normal de réserver certains services, comme les transferts de vidéo à haute définition, par exemple, aux clients les plus fortunés. Cela permettrait, paraît-il, de proposer des tarifs plus avantageux à celles et ceux qui n'ont pas recours à ces services.


En sursis
L'affaire suit son cours, mais il est fort probable que le Sénat ne réintroduira pas la proposition d'amendement démocrate, ni ne la remplacera par une modification de son crû. Tout n'est pas perdu pour autant, car 2006 est une année électorale aux Etats-Unis (une partie du parlement pourrait être renouvelée en novembre prochain), et même si la loi sur les télécommunications était votée avant l'automne, il resterait au Président Bush à la ratifier.

Ce qui n'est pas vraiment rassurant pour nous autres Européens, c'est que nombre de services en ligne nous arrivent tout droit des Etats-Unis, et que certains contenus aujourd'hui librement accessibles, y compris moyennant finance, pourrait être subitement bloqués, ou assortis des conditions draconiennes...


Source : MSNBC