Assemblee_nationale Pour tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel, un projet de loi complémentaire à la loi Création et Internet a été concocté et présenté hier en Conseil des ministres par la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie. Ce projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet doit mettre en place le dispositif judiciaire ( et donc pas administratif ) pour sanctionner les abonnés à Internet qui auront téléchargé illégalement et ignoré les lettres d'avertissement transmises sous l'égide de la Hadopi.

Selon le communiqué du Conseil des ministres, ce projet de loi s'articule autour de cinq articles. Il autorise les agents de l'autorité Hadopi à " constater les infractions à la protection des œuvres via Internet " et à " recueillir les observations " des justiciables concernés. Toujours selon ce même communiqué, des procédures en justice simplifiées sont évoquées pour prononcer des sanctions, et il est précisé : " Un traitement rapide et efficace du contentieux sera ainsi assuré par la voie d'ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique ".

Rappelons qu'une procédure d'ordonnance pénale est une procédure judiciaire simplifiée où la décision est prise par un juge non contradictoirement. Le juge statue au seul vu dossier transmis, et sa décision est notifiée au justiciable par une lettre avec accusé de réception.

Ce projet de loi prévoit ainsi des sanctions pénales dites adaptées, alors que la suspension de l'abonnement à Internet est toujours d'actualité, dans le cadre " d'atteintes aux droits d'auteur et droits voisins commises sur Internet ".

Pour rajouter à cela, le quotidien La Tribune a également révélé que le recours à des amendes de 1 500 € est aussi envisagé, faisant l'objet d'un décret. Avec ces amendes, ce serait le retour de la présomption de culpabilité sous une forme consentie par le Conseil constitutionnel ( contrairement à celle entraînant la coupure de l'accès à Internet ), venant sanctionner un défaut de surveillance de l'accès à Internet.


Les mêmes opposants sur le front : une loi encore plus onéreuse
La perspective de ces mesures a provoqué une levée de boucliers, à commencer par l'association La Quadrature du Net pour qui ce nouveau texte relève de " l'acharnement thérapeutique ".

" Ce texte abolit certes les décisions automatisées en masse et restaure, ce qui est la règle en démocratie, le traitement par le juge. Mais celui-ci recevra de l'Hadopi des dossiers mal ficelés à partir de preuves sans valeur, forcément bourrés d'erreurs et accusant inévitablement des innocents. Pour tenter de contourner cette faille intrinsèque, le gouvernement va donc permettre au juge d'ordonner de façon expéditive des coupures d'accès afin de forcer des aveux. Tout le monde saura très vite qu'il ne faut pas céder à ce chantage et nier en bloc les accusations. La nouvelle Hadopi sera encore plus coûteuse et inefficace que la précédente ! "

L'eurodéputé Guy Bono, connu pour être l'auteur de l'amendement 138 du Paquet Télécom, se dit consterné et parle d'un " pur scandale " pour une proposition qui viserait à " taxer les jeunes plutôt que les fournisseurs d'accès à Internet qui sont les vrais bénéficiaires du téléchargement ".

" Le système Hadopi corrigé et révisé par le gouvernement prévoirait une double sanction : la suspension de l'accès à Internet par la loi ainsi qu'une amende par décret : l'abonné qui aura par négligence laissé un tiers commettre un acte de contrefaçon sur sa ligne encourra une amende de 1 500 euros. […] Là où l'amende était abordée comme une injustice pour sanctionner le téléchargement, elle deviendrait raisonnable une fois appliquée au défaut de sécurisation. […] Au-delà des contradictions qui en disent long sur la volonté répressive du gouvernement, le projet de loi n'en reste pas moins techniquement irréalisable, économiquement contreproductif pour les artistes et coûteux pour les contribuables. "

La promesse de nouveaux débats houleux à l'Assemblée nationale dès le 20 juillet prochain.