La guerre des brevets prend peu à peu une nouvelle orientation avec la critique de plus en plus forte contre l'utilisation de brevets fondamentaux ( qui ne peuvent être contournés par d'autres brevets ), qui entrent normalement dans un cadre FRAND ( Fair, Reasonable and Non Discriminatory ) et sont soumis à un politique de droits de licence particulière, dans le cadre de plaintes entre fabricants.

Le cadre FRAND impose que les détenteurs de brevets essentiels proposent un droit de licence raisonnable dans la mesure où leur propriété intellectuelle fait l'objet d'une standardisation. Cela permet notamment de ne pas créer de goulets d'étranglement dans l'innovation industrielle.

Or plusieurs acteurs ont précisément fait porter leurs attaques contre des concurrents en s'appuyant sur ces brevets FRAND et en demandant une renégociation des droits de licence. Ce type d'initiative a commencé à attirer l'attention des régulateurs qui entendent calmer le jeu pour ne pas voir émerger un déluge de plaintes par rapport à ce type de brevet, ce qui aurait des conséquences fâcheuses sur l'économie mondiale.

Le régulateur antitrust européen a déjà ouvert les hostilités en lançant une procédure contre Samsung pour abus de position dominante sur des brevets 3G utilisés pour attaquer Apple. Le groupe de Cupertino a par ailleurs demandé une enquête contre Motorola Mobility ( et par extension Google ) pour les mêmes motifs.


Le cadre FRAND, arme à double tranchant

Et c'est maintenant Microsoft qui fait de même, toujours contre Motorola Mobility, toujours pour une question de risque d'abus de position dominante associé à l'utilisation de brevets FRAND dans ses plaintes, avec un cadre élargi aux technologies vidéo Web, notamment H.264.

Le groupe de Redmond affirme que Motorola Mobility demande des droits exorbitants pour une cinquantaine de brevets FRAND. Dave Heiner, vice-président exécutif, en charge des questions de propriété intellectuelle chez Microsoft, menace aussi de s'en prendre à Google, qui est aussi le récent propriétaire de Motorola Mobility, faute d'obtenir des éclaircissements sur sa position.

Alors que Microsoft et Apple ont promis de ne pas faire reposer leurs plaintes sur des brevets FRAND, Google s'est contenté d'envoyer des courriers aux régulateurs pour les rassurer mais sans prendre d'engagements, laissant planer quelque doute.

Microsoft profite de cette attitude ambiguë pour mettre en garde contre un comportement potentiellement agressif de Google, avec un credo : " Google: please don't kill video on the Web ", qui vient s'ajouter au fait que Motorola Mobility a refusé de négocier des droits de licence vis à vis d'Android avec le groupe de Redmond.

Ce dernier n'a pourtant pas ménagé ses efforts ces derniers trimestres pour obtenir des droits de la plupart des fabricants d'appareils Android ou Chrome OS. Il a fallu dans le cas de Motorola passer par une plainte auprès de l'ITC ( International Trade Commission ) aux Etats-Unis, avec quelques victoires préliminaires.

Il s'agit maintenant pour Microsoft de créer un climat de défiance autour du couple Google / Motorola et de retourner l'arme des brevets FRAND contre ceux qui les utilisent. A voir si le régulateur européen sera sensible à cette vision.

Source : CNet