Les nouvelles caméras vidéo qui fleurissent sur nos téléphones mobiles en ce moment posent des problèmes de protection de la propriété intellectuelle.

Un logiciel récemment développé au Japon par NEC (Nippon Electronics Corporation) et le NAIST (Nara Institute of Science and Technology) pose quelques problèmes d'éthique et de protection de la propriété intellectuelle.

En effet, ce programme, qui pourrait être installé facilement sur les téléphones mobiles de dernière génération, permet de se servir de la caméra vidéo qui équipe ces appareils comme d'un scanner; il devient ainsi possible pour le voyageur nippon qui attend son train de banlieue de se rendre chez un marchand de journaux, et de subrèpticement scanner dans certaines publications les pages et articles qui l'intéressent, puis de partir sans rien payer, et de consulter les documents scannés à sa guise, par exemple durant le trajet vers son travail.

Jusqu'ici, le phénomène était marginal, et ne provoquait d'émoi que chez les marchands de journaux concernés, qui voyaient s'évaporer une partie de leur recette. Prendre, au moyen de son téléphone portable, des clichés d'une couverture de magazine ou de plusieurs articles est monnaie courante au Japon, mais le caractère rudimentaire des logiciels de reconnaissance optique des caractères nippons ne permettait pas jusqu'à présent au voyageur peu scrupuleux de mémoriser sur son téléphone plus de quelques paragraphes.

Avec ce nouveau logiciel, il deviendrait possible de scanner une page entière au format A4 (21x29,7 cm) en 4 à 5 secondes. En fait, ce programme est si perfectionné qu'il tient compte de la courbure de la page (si vous tenez le document d'une main, et le téléphone de l'autre) et corrige les distorsions de l'image. Dans les faits, au fur et à mesure que vous passez votre téléphone au dessus de la page à numériser, le logiciel prend plusieurs clichés fixes, puis recompose la page dans son ensemble. Ainsi, pour une page au format A4, ce sont entre 21 et 35 images qui sont enregistrées avant d'être repositionnées par le programme. Même les caractères près de la marge gauche (près de la reliure) sont nettement reproduits, ce qui est traditionnellement le point faible des scanners actuels.

Devant une telle prouesse technique, se pose la question de la protection de la propriété intellectuelle des oeuvres écrites: les journaux, magazines et livres mis en vente doivent rapporter à leurs auteurs des revenus, parfois substantiels. Scanner des pages entières de ces documents sans contre-partie financière ne représente pas seulement pour eux un manque à gagner; c'est aussi une entorse à la réglementation qui protège ces mêmes auteurs contre toute copie privée ou publique de leurs oeuvres sans leur consentement explicite.

Chez NEC, on se défend bien entendu d'avoir cherché à contourner la loi, et encore moins d'encourager la piraterie. L'explication du géant nippon est que son logiciel permet d'améliorer les performances des appareils photos et vidéo inclus dans les téléphones mobiles actuels. L'utilisation qui en est faite par l'utilisateur ne regarde que lui.

Cependant, dans un souci d'appaisement, NEC indique que le logiciel, s'il est utilisé, provoquera l'émission d'un bip qu'il sera impossible de supprimer, afin de décourager un usage frauduleux. Inutile de vous dire que nombreux sont les hackers du dimanche qui songent déjà à faire disparaître cette sécurité sonore...



Source : New Scientist