La situation est plus que jamais propice au débat. Il y a quelques jours, le Syndicat des énergies renouvelables indiquait que l'électricité verte ne comptait encore que pour 20% de la production en France.

On sait désormais que la transition énergétique sera plus longue que prévu, et ce, malgré divers incidents frappant le parc nucléaire depuis quelques mois. On se souviendra ainsi de la mise à l'arrêt (sur ordre de l'Autorité de Sureté Nucléaire) d'une majorité des réacteurs suite à un défaut constaté sur les générateurs à vapeur, qui a provoqué des inquiétudes quant à un éventuel blackout cet hiver en France. Une situation qui avait également ravivé la question de l'autonomie de la France en matière de production électrique et qui a relancé le débat concernant la promesse faite par le président François Hollande de fermer le site nucléaire de Fessenheim, le plus vieux de France.

EDF nucléaire

Plus récemment, c'est la centrale de Cattenom qui soulevait les inquiétudes après qu'un incendie s'y déclare dans la journée d'hier. Selon les premiers rapports, l'incendie n'aurait pas porté atteinte à la sécurité du personnel ni de ses installations.

C'est dans ce contexte tendu qu'intervient la publication d'un rapport parlementaire abordant la "faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires de base." Et le bilan est sévère pour EDF : selon le rapport la société aurait largement sous-estimé les charges liées à la fin de vie des centrales et peu ou mal anticipé la complexité de la tâche.

Si la déconstruction du parc nucléaire n'a pas été planifiée pour l'instant, on estime qu'EDF n'a pas provisionné suffisamment de fonds pour amorcer ce chantier dont l'ampleur a été très largement sous-évaluée. C'est en partie ce qui expliquerait la volonté affichée d'EDF à repousser cette échéance au plus tard possible.

EDF-centrale-nucleaire

Actuellement, neuf réacteurs anciens et déjà à l'arrêt sont en cours de démantèlement. Ce parc ancien est constitué de six réacteurs de la filière uranium graphite-gaz (Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Bugey), du réacteur à eau lourde de Brennilis (Finistère), d'un surgénérateur à neutrons rapides Superphénix (Creys-Malville Isère) et du réacteur à eau pressurisée de Chooz dans les Ardennes.

Si EDF maintient son objectif de ramener le nucléaire à hauteur de 50% de la production électrique d'ici 2025, la tâche s'annonce complexe pour ce qui est de la mise à l'arrêt et la déconstruction des centrales.

Pourtant, à déconstruction représente un sujet complexe qui nécessite une grande préparation. Il faut ainsi en premier lieu stopper la centrale progressivement, puis retirer, traiter et stocker le combustible. Il faut ensuite procéder à la déconstruction des bâtiments, de l'extérieur vers l'intérieur avant de découper les circuits de la cuve qui constitue un milieu fortement radioactif... Le processus doit être réalisé par des robots, prend des dizaines d'années et nécessite des investissements colossaux.

De l'ensemble du parc nucléaire d'EDF né dans les années 60, aucune centrale n'a à ce jour été entièrement déconstruite. Cela fait 30 ans que la déconstruction a débuté sur ces centrales graphite-gaz et selon les estimations du Commissariat à l'énergie atomique, les chantiers devraient durer jusqu'en 2040.

EDF a annoncé un budget en charges brutes estimé à 75 milliards d'euros, sur lequel seulement 36 milliards ont été provisionnés (et là encore, avec seulement 23 milliards couverte en actifs dédiés.). Reprenant exemple sur les démantèlements initiés, le rapport parlementaire rappelle ainsi le cout initial de la déconstruction de Brennilis déjà multiplié par 20... La déconstruction du réacteur Superphénix devrait quant à lui représenter 2 milliards d'euros au moins...

Le parlement indique par ailleurs qu'EDF a oublié de comptabiliser une part importante du processus de déconstruction, notamment la question des assurances et taxes, du traitement des sols contaminés ou des déchets ainsi que du combustible usager...