Ubuntu et Oracle cachent de moins en moins leur envie—ou leur besoin—de s'associer, d'une manière ou d'une autre. Le tout est de savoir comment se traduirait cette union.


Cluedo...
Cela fait un moment que le fait d'employer les noms "Ubuntu" et "Oracle" dans la même phrase fait apparaître des sourires entendus et des clins d'oeil un brin moqueur : ces deux-là sont en contact étroit depuis des mois, et comme les rumeurs autour de l'éventuel développement d'une suite logicielle 100% Oracle incluant Ubuntu se font sans cesse plus persistantes, il devenait urgent de faire le point. Une brique de plus à cette théorie vient d'être apportée par Katherine Egbert, analyste chez Jeffries & Co, qui déclare : "Nos recherches effectuées au cours des deux dernières semaines indiquent qu'Oracle se prépare à commercialiser sa propre suite logicielle, autour d'Ubuntu Linux. Nous avons appris qu'Ubuntu est en pleine phase de certification de ses derniers systèmes pour serveurs avec les produits Oracle, y compris les bases de données et les applications Business-to-Business". Mlle Egbert ajoute que la conférence Oracle Open World, prévue pour la semaine prochaine, serait le moment et l'endroit rêvés pour dévoiler les projets des deux firmes. Ce qui a fait chuter l'action Red Hat de 7% au NASDAQ, le même jour. Le pouvoir des mots...

Il convient d'ajouter à ce qui précède les paroles de Christopher Kenyon, responsable des relations avec les entreprises chez Ubuntu, qui a déclaré qu'Oracle mettait en ce moment même ses produits 10G Express en conformité avec Ubuntu. Oracle 10G Express est un logiciel de base de données gratuit dont l'usage est limité à un seul serveur, et qui supporte jusqu'à 4Go de mémoire vive. Il est la porte d'entrée à la gamme 10G, laquelle comprend des produits qu'Ubuntu espère compatibles avec sa distribution Linux dans un avenir proche. Tout ceci, bien sûr, après que le PDG d'Oracle, Larry Ellison, ait mentionné en avril dernier son intention de proposer une offre logicielle complète, incluant de fait un système d'exploitation, et qu'il ait dit à haute voix tout le bien qu'il pensait d'Ubuntu...


La sécurité avant tout
Tout n'est pas rose pour Oracle, cependant : l'éditeur californien vient de publier un monstrueux ensemble de correctifs pour ses logiciels, le plus gros de son histoire, avec pas moins de 101 (non, pas dalmatiens) failles en point de mire. Ces dernières affectent les logiciels Database Server, Application Server, Application Express, Collaboration Suite, E-Business Suite, PeopleSoft Enterprise et JD Edwards EnterpriseOne. Rien que pour les bases de données à proprement parler, ce sont 22 vulnérabilités qui ont dû être attaquées de front, notamment au niveau de l'injection d'adresses au format SQL et de dépassements de mémoire. Ce dernier point fait remarquer à certains spécialistes de la sécurité informatique que l'on est en pays de connaissance : Oracle avait à plusieurs reprises "patché" ses produits contre des failles similaires, et ce n'est pas bon signe. Dans le cas des Database Server, c'est encore plus problématique, puisque ces produits interagissent avec d'autres applications Oracle (CRM et ERP, notamment), et peuvent transmettre contaminations et données corrompues de l'une à l'autre.

La prochaine fournée de correctifs est attendue chez Oracle pour le 16 janvier 2007.


Le futur sera festif, pas sur les dents...
Ubuntu, de son côté, se prépare au lancement de la version 6.10 de sa distribution Linux, mais planche déjà sur son prochain opus, dénommé "Feisty Fawn" en interne, et qui devrait faire son apparition, si tout va bien, le 19 avril prochain. Il mettra l'accent sur l'intégration dans les PC portables, sans délaisser les machines de bureau, et se tournera plus que jamais vers les serveurs. Il donnera la part belle au graphisme et au multimédia, ce qui laisse à penser qu'Ubuntu a sérieusement pensé la question de l'affichage en trois dimensions, faiblesse traditionnelle des distributions Linux. Mark Shuttleworth, fondateur d'Ubuntu, attend de "Feisty Fawn" qu'il soit aussi gratifiant pour les utilisateurs que pour les développeurs, et compte motiver ses troupes à l'occasion d'une prochaine réunion de travail, le mois prochain, à Mountain View, près de chez qui-vous-savez... Accessoirement, la version 7.0x "Feisty Fawn" marquera le troisième anniversaire du lancement du projet Ubuntu, et sera la sixième version à être diffusée au public. Shuttleworth admet sans fausse honte que la précédente déclinaison, "Edgy Eft", dont le lancement est prévu ces jours-ci, a été plus difficile à mettre au point que prévu, et espère qu'il en ira différemment avec "Feisty Fawn".

Cela lui apprendra à donner des surnoms aussi équivoques à ses distributions*... (Sourire)


* Le nom "Edgy Eft" a été traduit, assez librement et pas toujours avec justesse, par "Salamandre Aventureuse" ou "Triton Aventureux", alors que l'adjectif "edgy" signifie en anglais "nerveux, tendu", et que "eft" désigne le premier stade de passsage de la vie aquatique à la vie terrestre dans l'évolution des espèces. "Feisty Fawn" renvoie quant à lui à un "faon exubérant".