Les fermes de brevets ont prospéré ces dernières années en essayant souvent de forcer la main des entreprises par la menace d'un procès. Si les grands groupes ont les ressources pour s'y oppposer, nombre d'entreprises préfèrent négocier un accord plutôt que de risquer une aventure judiciaire dont l'issue peut être encore plus défavorable.

Mais ces patent trolls ont pris tellement de poids qu'ils représentent désormais le plus gros des plaintes pour violation de brevets déposés aux Etats-Unis, dont le nombre a explosé ces dernières années, au point que le gouvernement Obama cherche le moyen de limiter cette dérive qui finit par peser sur l'innovation.

Pendant ce temps, la résistance s'organise, d'avis formulés par les grands groupes lors des procès pour dénoncer ces brevets génériques en ripostes variées pour contester la validité des brevets ou leur champ d'application.

En s'appuyant sur un brevet acheté 750 000 dollars il y a sept ans et dont elle réclame maintenant 310 millions de dollars de droits de licences à des éditeurs d'antivirus auprès de la cour du Delaware, traditionnellement favorable aux détenteurs de propriété intellectuelle, la ferme de brevets Intellectual Ventures tente d'obtenir par la contrainte un véritable jackpot.

En face, les éditeurs Symantec et Trend Micro refusent de céder et ont mis au point une stratégie de défense inédite : ils contestent le montant réclamé par Intellectual Ventures en demandant au juge de casser la procédure du fait qu'il est impossible qu'un brevet acheté si peu cher génère un tel montant en royalties, en plus du fait que les deux éditeurs affirment ne pas utiliser la propriété intellectuelle de la ferme de brevets.

Intellectual Ventures affirme de son côté que c'est le prix à payer pour l'usage intensif qu'ils font de ce brevet relatif à la détection de malwares dans un contenu numérique dans leurs offres commerciales.

La logique du calcul du montant des droits est cependant attaquée par les deux éditeurs d'antivirus qui peuvent espérer un soutien extérieur alors que les patent trolls sont de plus en plus mal vus, notamment parce qu'ils ne s'intéressent qu'à la partie de gestion des portefeuilles de brevets, censés protéger la création et l'innovation...mais sans rien créer par ailleurs.

Une partie de la communication de ces sociétés consiste d'ailleurs à dévier ces critiques en affirmant qu'elles sont elles aussi créatrices de valeur (pas uniquement financière) en contribuant à des efforts de R&D et qu'elles agissent comme des intermédiaires pour le compte des détenteurs initiaux des brevets dont elles gèrent les intérêts.

L'issue du procès, si elle tourne à l'avantage des éditeurs, pourrait créer une jurisprudence permettant de rejeter plus facilement les plaintes de ce type de société, dont les leviers de pression commencent à être bloqués : une proposition de loi déposée il y a peu vise à réduire significativement le coût de la défense dans ce type de plainte.

Or c'est précisément la crainte de devoir supporter ces coûts qui incite les entreprises visées, notamment les startups qui n'ont pas encore d'assises financières suffisantes, à se résigner à négocier un accord de licence

Source : Reuters