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400 coups...

17 réponses
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MELMOTH
Je réécoutais cette nuit ce chef d'½uvre melmothéennement absolu qu'est
l'*Art de la fugue* de Notre Ami JSB...Dans l'avant-dernier
enregistrement qu'en fit MAHS, en décembre 1965 à Toronto, quelques
mois avant son camardage...[J'attends toujours la parution de son
dernier enregistrement (24 mars 1966 à Paris) que Tahra a en son temps
promis, mais que dalle]...

Rappelons que MAHS a enregistré l'AF 5 fois :
- le 21/XI/1949 (TAHRA 245/246) dans l'orchestration Vuataz...
- mai/juin 1965, orchestration Scherchen, Orchestre symphonique de
Vienne, avec Tachezi au bouzin...(MCA80352)...
- 14 mai 1965, Radio suisse italienn, avec L.Sgrizzi, CD Accord
150005...
- 8/XI/1965, CBC Toronto (celui que J'ai réécouté cette nuit), avec
K.Gilbert + 26' de répète...(TAH 108/9)
- et donc l'Ensemble instrumental de Paris, toujours pas édité à Ma
Connaissance...

Rappelons que MAHS avait comme credo " tout faire entendre"...Et Je
puis vous assirer que dans cet enregistrement cacandien, on entend
tout...L'orchestration de Scherchen est splendide et "évidente"...

http://tinyurl.com/ca8kzed

J'en profite pour republier le passionnant livret qui figure dans le
coffret de deux CD :

<COPY/ON>

Le 28 avril 1965, Hermann Scherchen écrivait à sa femme Pia Andronescu :
/Ce soir, j'ai répété MON Art de la Fugue que je porte en moi depuis 36
années déjà et qui me rend chaque fois plus heureux/. (NB : Scherchen
répète son orchestration qu'il donnera en première mondiale au /Théâtre
Apollo/ de Lugano le vendredi 14 mai).

Pour Scherchen, la "quasi" dernière oeuvre inachevée de Bach aura été
une oeuvre-phare de toute son activité musicale, à un degré tel que,
après avoir joué les instrumentations de Graeser et Vuataz, il aura
ressenti le besoin d'écrire la sienne propre et de la donner en concert
durant les quelques mois qui lui restaient à vivre.

L'/Art de la Fugue/ est certainement le couronnement des oeuvres
didactiques qui ont jalonné la vie de JSB (/Clavier bien tempéré,
Offrande Musicale, Variations Goldberg/). Cette oeuvre n'a été écrite
pour aucun instrument particulier, Bach ne s'étant pas arrêté aux
timbres musicaux mais s'étant occupé d'explorer toutes les
posssibilités contrapuntiques d'un thème unique.

L'/Art de la Fugue/ se présente sous la forme d'un court thème de 4
mesures et témoigne de la science la plus grande, de l'invention la
plus géniale et de la liberté la plus totale, utilisant tous les
procédés de l'écriture fuguée. (Selon le musicologue Jacques Chailley,
elle devait contenir 24 fugues réparties en 6 groupes de 4, ou plutôt
de deux paires chacun, chaque paire comportant une fugue commencçant
par les notes /ré-la-fa/ et une fugue à sujet inverse commençant par
/la-ré-fa/.

L'/Art de la Fugue/ n'ayant été écrit pour aucun instrument, il reste à
déterminer la part des instrumentateurs de cette partition, qui sont
légion. Au disque, la première version en date fut celle du quatuor
Roth. Suivit la gravure berlinoise de Hermann Diener. Quant aus
recherches de sonorités, nous les trouvons dans les versions des
organistes : historiquement, les deux premières furent réalisées par
l'américain Power-Biggs et l'allemand Fritz Heitmann. Ces versions
trouvèrent leur apogée dans l'interprétation épurée que l'organiste
aveugle Helmut Walcha réalisa en septembre 1956 sur le magnifique orgue
Schnitger d'Alkmaar.

La partition ayant été éditée sans instrumentation, le mérite revint à
Wolfgang Graeser de faire paraître en 1924 l'édition révisée de cette
oeuvre oubliée, qui allait ainsi marquer le "retour de Bach". La
partition fut créée à Leipzig par le Kantor Karl Straube, le 27 juin
1927. 178 ans après sa composition, l'oeuvre recevait sa première
exécution !

On peut supposer que Scherchen, qui dirigeait à cette époque les
concerts de l'orchestre Grotrian-Steinweg de Leipzig assista à cette
audition car, dès le 19/2/1928, il la joua à Winterthur. Tout de suite,
cette oeuvre occupe une place importante dans ses programmes ; il la
redonne le 25 mars à Zürich, deux fois en avril à Genève et Lausanne
avec l'Orchestre de la Suisse Romande, le 24 avril à Franfurt etc.
La presse suisse rendit compte dans les termes suivants du concert de
Winterthur :

/Le Musikkolegium de Winterthur ne se contenta pas de limiter la
dernière et imposante oeuvre de Bach, l'Art de la Fugue, à un concert :
conscient de sa responsabilité, il fit tous les efforts pour assurer
une réception digne de la grandeur culturelle de Bach. Bien que les
solistes, l'orchestre municipal et le Kappelmeister Hermann Scherchen
firent de leur mieux, quelque chose aurait manqué à cette célébration
de Bach si le désir du public de venir à la rencontre du prophète de
Bach, W.Graeser, n'avait pas été satisfait. Ainsi, ce dimanche matin
fut très proche d'une fête religieuse. Seul l'objet de la célébration
en fit autrement/ [...] /Graeser introduit l'oeuvre : le compositeur
nous a laissé son testament musical, conscient de se placer totalement
en dehors de son temps avec une oeuvre qui, par son écriture secrète,
était pratiquement codée et il fallut tout l'effort des musicologues
pour la déchiffrer? L'Histoire de l'Art de la Fugue est importante :
elle part d'improvisations que Bach faisait sur l'orgue à l'occasion de
visites de ses collègues qui demandaient à l'écouter à l'orgue de la
Thomaskirche. Il élaborait ensuite ces fantaisies chez lui, à la
maison. L'oeuvre exécutée n'eut pas de fin. Reste une grande quadruple
fugue inachevée dont le quatrième thème devait contenir les notes
correspondant à son nom B-A-C-H. Au lieu de sa fin, le Maître désormais
aveugle dicta à son beau-fils le choral "Vor deinem Throntret" comme
final de l'ensemble, ce qui naturellement eut une influence
insoupçonnée comme le montre l'exécution. [...].

L'orchestration de Graeser fut rapidement trouvée pompeuse, trop
"romantique" en raison de son côté grandiose et la disposition adoptée
ne trouva plus l'accord de tous. L'état de la question exigeait donc de
nouvelles recherches approfondies. C'est alors que le compositeur,
organiste, maître de choeur, musicologue et ingénieur du son suisse
Roger Vuataz écrivit sa propre orchestration de l'Art de la Fugue, que
Scherchen créa lors d'un concert donné en l'Église de Winterthur, le 10
août 1941. Celle-ci était confiée à trois orchestres à cordes
regroupant 26 cordes, flûte, hautbois, cor anglais, clavecin et deux
bassons. C'est cette instrumentation que Scherchen donnera en concert
et enregistrera au disue pour /Decca/ en 1949 - 78 tours originaux K
28232/28242, réédités en microsillons LXT 2503/2505. Vuataz écrivit le
26 octobre 1943, à propos de son orchestration :

/Dans la version que j'ai écrite pour orchestre de chambre, disposé
comme un orgue à 4 claviers, je n'ai pas voulu oublier - au point de
vue technique - que l'orchestration de Bach lui-même s'inspire
directement de la registration de l'orgue et, au point de vue
spirituel, que le célèbre Cantor a construit sa foi personnelle sur les
Évangiles. Ceci n'est pas en dehors de la question. Ce fait signifie
que sa pensée se passe complètement du décor dont on entoure d'habitude
les manifestations du sentiment religieux et l'on voit à chaque page de
son oeuvre entier que la vérité et l'austérité de la discipline
réformée furent le premier article de son credo artistique./
/J'ai donc pris ces pièces de polyphonie incomparable comme des récits
ou des paraboles évangéliques ; je me suis contenté d'en faire, pour
ainsi dire, une lecture à haute voix, répartissant les éléments du
texte entre des voix dialoguantes. Il ne m'était pas possible d'en
tirer une pièce de théâtre où les acteurs, par le seul fait qu'ils
auraient été en chair et en os, se seraient permis d'ajouter à l'action
les gestes complémentaires que leur psychologie individuelle pourrait
justifier. Tout est donc dépouillé, aride, austère. Mais comme l'être
humain arrive à dégager les forces vives de l'esprit qui est en lui,
l'Art de la Fugue, sous cette forme, s'élève au plus pur parvis de
l'Art musical/.

S'il fallait recenser tous les concerts où Scherchen dirigea cette
oeuvre, nous aboutirions certainement à un chiffre impressionnant, car
il a joué l'Art de la Fugue dans tous les pays où il fut invité et
jusqu'en Palestine et en Amérique du Sud. Les /Dernières Nouvelles
d'Alsace/ rendirent ainsi compte, le 5 décembre 1934, d'une exécution
de l'oeuvre par Scherchen à Strasbourg :

«Scherchen a rétabli la véritable interprétation, et dieu sait si elle
est souvent altérée par l'ignorenca, la nonchalance ou la convention.
C'est pourquoi Mr. Scherchen a soulevé la force créatrice de cet art,
où la beauté, l'équilibre, la noblesse se réunissent en une idéale
conjonction. Hermann Scherchen n'a pas seuleemnt pénétré dans l'Art de
la Fugue avec un esprit neuf et moderne, il l'a porté vers les régions
les plus élevées du sentiment et de la Pensée. Sous l'empire de cette
musique et avec une interprétation aussi empreinte de ferveur et de
certitude que celle de M. Scherchen, l'Art de la Fugue prit son vrai
sens. C'est pourquoi nous sommes particulièrement reconnaissants à Mr
Scherchen de nous avoir rendu le Bach plein de vie et d'éternelle
jeunesse que nous aimons par-dessus tout !»

Scherchen trouva certainement l'instrumentation de Vuataz peu
satisfaisante et conforme à sa propre vision de l'oeuvre, qu'il
orchestra lui-même. Il s'est d'ailleurs longuement exprimé à ce sujet,
soit dans des textes, soit dans des émissions radiophoniques. Ainsi, le
lendemain de la création de son orchestration, le samedi 15 mai 1965,
Scherchen écrivit dans son agenda :

«L'Art de la Fugue : un événement historique dans l'histoire du
concert» ; et à la suite de l'exécution de Bonn, il avait noté dans son
cahier que *avec cette oeuvre commence la véritable existence de la
Musique*.
(Pour Scherchen, Bach n'est d'ailleurs, comme il l'a écrit, qu'/une
fenêtre ouverte sur Schoenberg/.) D'autre part paraît en 1946 à Zürich
son livre "vom Wesen der Musik" (De l'Essence de la Musique). L'un des
trois chapitres est consacré à Bach sous le titre : /Le secret de la
création artistique/ , et une grande partie de l'analyse musicale
concerne l'Art de la Fugue. Lors de la répétition parisienne par la
Télévision française en mars 1966, Scherchen a donné la "clé" de l'Art
de la Fugue : «Le sens de la fugue, c'est comme si quatre personnes
discutent de la même chose. La première dit : "ah, la vie est très
difficile" ; la deuxième dit : "la vie n'est pas si difficile" ; la
troisième ajoute : "c'est plus que difficile, c'est terrible" ; et la
quatrième : "alors, que faisons-nous avec la vie ?". Lorsque le
contrepoint commence, on commence à penser en écoutant ce que dit
l'autre».

Scherchen avait déjà écrit un texte en préambule au concet donné à
Zürich le 12 mars 1935 :

«Confronté à l'Art de la Fugue, il faut tout d'abord se poser la
question suivante : pour l'auditeur d'un concert, quelle importance
présente une oeuvre qui est considérée par les connaisseurs comme étant
le sommet de la musique et de la pédagogie de la composition ?
L'auditeur a l'habitude de considérer comme échelles de valeur les
émotions suscitées par une oeuvre, le plaisir esthétique procuré par un
concert. Il a raison, ce sont des réactions propres à lui-même quid
émontrent l'effet de l'oeuvre et ce n'est qu'une question de degré
d'évolution de l'auditeur, jusqu'à quel point il reste renfermé dans un
état d'excitation pur et simple ou bien si, en écoutant une oeuvre,
vient s'ajouter aussi au plaisir la beauté de sa forme, enrichie du
plaisir procuré par la connaissance des lois de la composition et des
éléments musicaux qui sont à sa source.
Une musique dépourvue du pouvoir d'émotion, de plaisir esthétique ou de
clarification spirituelle peut intéresser l'homme de métier pais n'a
aucun rapport avec l'auditeur normal. Imaginons donc que, au lieu de
ses neuf symphonies, Beethoven nous ait laissé un "Art de la Symphonie"
regroupant les différents types de musique symphonique en une nouvelle
forme où ils se situent entre eux par rapport à leur évolution.
Écoutons alors, comment dans son Art de la Fugue, Bach fait naître
toutes les formes possibles à partir d'un seul noyau originel et leur
donne une nouvelle vie de plus en plus complexe en les faisant grandir
séparément, les contraster l'une par rapport à l'autre et les unir
finalement dans un ensemble de la plus grande beauté. À ce stade, la
question de la justification de l'exécution sonore de cette oeuvre perd
sa raison d'être et l'auditeur est sous l'emprise d'émotions jamais
vécues auparavant, d'un plaisir esthétique inconnu, d'un apaisement
intellectuel insoupçonné !
Plus une oeuvre d'art a une action pure et puissante, plus elle est
fondée sur des lois essentielles et générales. Les plus beaux tableaux
classiques sont construits d'après la dorure sur tranche, les pyramides
expriment dans leur structure originale le rapport au chiffre 11 et ont
été conçues à partir d'observations astronomiques. La forme de la fugue
est également l'une des créations essentielles de l'esprit humain qui
oppose thème et contrepopint, au même titre que loi générale et
individu particulier ; et de la même manière que la loi s'élève
au-dessus de l'individu qui s'y oppose, se soumet, l'accepte et la voit
agir sur lui, les contrepoints s'opposent fondamentalement au thème,
s'y adaptent, le suivent avec enthousiasme et essayent de faire agir
sur eux sa force positive.
Le problème de l'homme européen qui s'efforce de porter à l'unisson et
à l'harmonisation la loi générale liant les individus et leurs désirs
personnels, leur désir de façonner, leur désir de souffrance et de
bonheur, se reflète dans la structure de la fugue et trouve sa
transcription idéale et spirituelle dans l'Art de la Fugue de Bach.
De la même manière que cette loi a le pouvoir d'agir dans les modes les
plus variés, tout en laissant toujours reconnaissable sa forme
déterminante de base, de même le thème des fugues modifie sa forme
d'apparition, sa force d'expression et sa façon d'agir. Et même si ces
modifications du thème se manifestent en tant que variations du tempo,
nouvelles valeurs rythmiques, transpositions mélodiques et autre
interprétation harmonique, le noyau thématique reste inchangé et
maintient, en tant que loi, son pouvoir de signification. À ce thème
s'opposent les contrepoints, les voix opposées du thème tels que
sentiments personnels, égocentriques, qui vont de la prière à
l'obstination, de l'affirmation à la négation. Et si on a souvent
l'impression qu'une voix opposée parvient à donner au thème un sens
nouveau et à adapter la Loi à ses propres élans, à la fin de chaque
fugue c'est pourtant le thème qui se réaffirme de la manière la plus
puissante et la plus grandiose, en élevant à nouveau le Loi au-dessus
de la courte présence terrestre de l'individu, faite de bonheur et de
douleur.
La perfection de la fugue n'est pourtant perceptible que par ses formes
d'apparition car la Loi et l'individu parviennent à une unité
supérieure dans laquelle, grâce à leur interaction harmonieuse, le
strict ordre du thème ainsi que la volonté passionnée de la voix
opposéz réapparaissent à nouveau, mais transformés, comme deux
nouvelles formes d'existence de l'homme, séparées et puissantes.
À la base de tout l'Art de la Fugue de Bach se trouve cet équilibre
entre l'existence supra-individuelle et particulière, entre la Loi et
la personnalité. Cet équilibre se manifeste comme facteur déterminant
d'une véhémence qui fait trembler le coeur, qui délecte l'âme et qui
renforce l'esprit aux actions de l'humanité à venir.
C'est pour cette raison que ce n'est nullement le problème de
l'auditeur de savoir par quelle structure compliquée l'Art de la Fugue
touche son oreille. L'écoute de cette oeuvre secoue tellement l'homme
naïf, éveille tellement toutes ses capacités de s'élever vers une
existence supérieure, qu'en cet auditeur commence la même vie riche
qui, telle une fugue-miroir, telle une fugue en mouvement contraire,
telle une double et triple fugue, a reçu sa dénomination artistique.
Chacun peut (et chacun devrait) écouter l'Art de la Fugue, simplement
pour se faire une idée des forces qui peuvent s'exprimer, telles notre
caractère, notre vie spirituelle et notre puissance intellectuelle -
encore endormies dans l'image énigmatique d'une musique non encore
exécutée et vivant désormais en nous comme une réalité sonore qui
transforme le coeur, l'âme et l'esprit».

Après la création de son instrumentation à Lugano, Scherchen
l'enregistre à nouveau au disque chez Westminster (XWN 2237)? En
décembre 1965, il est invité pour une tournée de concerts en Amérique
du Nord ; celle-ci débute au Canada, à Toronto où, du 8 au 11 décembre,
la Télévision et la Radio canadiennes CBC filment une longue répétition
et enregistrent le concert radiophonique.

Dans le /Corriere dl Ticino/ du 17 mai 1965, on trouve la critique de
la première mondiale de l'instrumentation de Scherchen :

«L'exécution de l'Art de la Fugue orchestrée et dirigée par Hermann
Scherchen s'inscrira dans l'histoire des Concerts de Lugano comme l'un
des événements musicaux les plus importants de cette ville [...] Le
courage de Scherchen - comme celui de ses prédécesseurs - se démontre
dans le fait qu'il prnd le risque d'ennuyer le public, le pire des
malheurs qui puisse arriver à un interprète. Comment a-t-il surmonté
cet obstacle ?
On parlait de son tempérament : là est la clé de son succès. Scherchen
a voulu un groupe de vents dans l'orchestre, la variété des timbres
qu'ils permettent doublant et même triplant les possibilités
expressives des cordes. Seul l'orgue peut rivaliser avec un orchestre à
effectif complet, mais ce dernier le dépasse probablement par
l'intensité des vibrations émotionnelles qu'il est capable de
convoiter.
Scherchen utilise la liberté que l'oeuvre lui laisse du point de vue de
l'interprétation pour varier au maximum ses moyens expressifs. Les voix
sont toujours au nombre de 3 ou 4, mais les instruments qui les jouent
alternent des effets suggestifs. Ainsi, il est sûr que le tissu
contrapuntique acquiert un relief qu'on pourrait définir comme
plastique : les thèmes deviennent plus évidents et marqués, ce qui se
transforme en un moyen important dans le cas fréquent de la
superposition des merveilleuses fugues à triple sujet. Scherchen donne
en outre une grande importance à la dynamique, surtout dans les parties
confiées aux cordes et il obtient des effets très efficaces...».

Scherchen a laissé un texte très important sur sa "réinterprétation" de
l'oeuvre qui nous éclaire sur sa vision personnelle, vision qui
s'inscrit elle-même dans sa façon de concevoir blobalement toute
musique quant à son rôle (dans ce texte, Scherchen n'évoque à aucun
moment la religion et ne cite jamais me nom de Dieu) :

«Ma décision de réordonner et réinstrumenter l'Art de la Fugue se fonde
sur les indications contenues dans le manuscrit de Bach et qui laisse
entrevoir un plan général bâti en une séquence de 18 contrepoints. À 4
fugues simples, ç-à-d construites sur une seule forme du thème de la
fugue de based e l'oeuvre, succèdent 4 contrefugues présentant le thème
sous deux formes : la forme originale et son inversion. Par contre, les
quatre contrepoints suivants présentent trois aspects thématiques. Cela
signifie que les 4 premières fugues simples sont écrites en style
méditatif (Bach entend par là une musique faite pour louer Dieu), les
contrefugues successives étant écrites en style concertant (proche de
l'idée de Bach d'une musique faite pour réjouir l'âme). Les 4 fugues
présentant 3 formes thématiques différentes sont finalement écrites
dans ce style "espressivo" (caractérisé par une présence croissante du
motif chromatique) formé par les notes correspondant au nom de B.A.C.H,
c'est-à-dire à la version allemande des notes si bémol-la-do-si, et
qui, par sa modernité, déborde le cadre habituel de Bach.

Que reste-t-il alors des 7 contrepoints de la deuxième partie ? Dans
les canons, les deux voix se suivent sans transformation. Cela signifie
que, dès la première note, la structure générale de la pièce doit être
établie. Dans les deux fugues-miroirs se produit un miracle encore plus
grand : 14b est la répétition, note à note, de 14a mais inversée.
Autrement dit, ce qui était la voix supérieure se retrouve dans 14b à
la voix inférieure et ce qui, dans 14a, était la voix inférieure,
devient dans 14b la voix supérieure. Ce qui surprend c'est que, au
milieu d'une telle sévérité et de telles règles strictes, la force
d'individualisation de Bach semble l'emporter en richesse d'imagination
sur la première partie et alors, les deux versions de 14a/b et de
16a/b, sans nullement modifier le dessin des notes, donnent un nouveau
cadre, comme cela se produit avec le reflet de notre image qui, même si
elle est identique, nous montre le bras droit au lieu du bras gauche.

Le manuscrit de Bach introduit comme contrepoint 9 un canon à deux voix
; le même canon se répète dans notre organisation quand elle présente
comme n°9 le canon avec l'inversion et augmentation qui, dans un
certain sens, contient 3 modalités différentes du texte.

Avec les numéros 16a et 16b, Bach passe de trois à quatre voix, ce qui
était déjà le cas avec les deux triples fugues des numéros 10 et12. Les
règles du contrepoint strict n'intéressent désormais plus Bach dans son
oeuvre ultime et il les outrepasse constamment. Pourtant, ce qui ne
s'est jamais passé avant s'accomplit ici, au coeur de l'oeuvre. Bach
avait déjà opposé au premier contrepoint (rectus) son inversion
(inversus) et pourtant le phénomène de l'image reflétée se présente dès
le début de l'oeuvre. Dans ce deuxième contrepoint par contre, à la
5ème mesure, il introduit au ténor le matériau de son nom : do-si-si
bémol-la). Dans le quatième contrepopint, de nouveau dans l'inversion,
ce matériau est réordonné en B.A.C.H. Dans le neuvième contrepoint
(Canon avec renversement et augmentation), le matériau de son nom,
transposé en fa-mi-ré-mi bémol, pénètre dans le thème fondamental
lui-même.
Dans la première triple fugue, il devient, par sa répartition sur les
2è, 4è, 5è et 6è notes du thème initial, la force qui façonne et génère
le thème proprement dit. Enfin dans la deuxième triple fugue, l'idée de
B-A-C-H donne vie au second thème, si on pre,d les 7è, 6è et 4è notes
et si on les transpose en si bémol-la-do-si ; l'idée BACH se révélera
alors comme la force créatrice du thème.

Reste enfin le contrepoint 18, la quadruple fugue inachevée "sur
laquelle le compositeur est mort", comme écrivit par la suite dans la
partition inachevée C.P.E Bach. Dans la troisième des 4 fugues prévue
pour cette énorme construction, Bach s'introduit lui-même au moyen de
son nom comme thèmeprincipal : B-A-C-H. Certes il fut toujours
conscient du fait que son nom était traduisible musicalement, en une
musique du genre le plus nouveau, le genre expressif chromatique. Nous
savons que, pour la quatrième partie de la quadruple fugue 18, il avait
pensé à une fugue inversée, bâtie sur la synthèse des premiers trois
thèmes avec addition du thème fondamental de toute l'oeuvre. Encore une
fois, les trois premières fugues à un, deux, trois thèmes, résument
dans une progression colossale toutes les possibilités stylistiques
développées dans la première partie. La quatrième fugue aurait dû les
accueillir en une vision totale, tel un miroir de la stricte observance
des règles et une projection vers le futur.

Ainsi, de même qu'il m'a semblé pouvoir résoudre l'énigme du plan de
Bach sur la base des manuscrits existants, j'ai aussi trouvé en eux la
justification de ma propre orchestration. Bach a centré les
contrepoints 1 et 2 sur le phénomène fondamental de l'inversion. La
forme originale (rectus) a toujours un caractère affirmatif, au moins
prononcé, tandis que son inversion (inversus) a un caractère
interrogatif, plutôt indéterminé. À ces deux formes correspondent les
deux familles d'instruments : les vents, naturellement affirmatifs et à
la formulation précise, auxquels s'opposent les cordes, plus portées à
créer des atmosphères et à être interrogatives.

J'ai donc confié aux vents toutes les formes de rectus et aux cordes
toutes les formes d'inversus. Il en résulte une dialectique de
l'exposition et de l'expression propre à l'oeuvre qui se rappriche
considérablement de mon idéal : communique à l'auditeur, de manière
directe, le message le plus savant et le plus difficile à comprendre
et, de temme manière qu'en écoutant l'oeuvre, il ne doive plus
rechercher ce qu'elle veut lui communiquer, car tout ce qui lui est
transmis est immédiatement identifiable avec l'instantanéité d'une
prise de conscience»

En mars 1966, Scherchen est à Paris ; le 23, la Télévision française
filme une répétition de l'Art de la Fugue en l'Église Saint Roch. Ce
document existe également et est très émouvant car il nous montre
Scherchen moins de trois mois avant sa mort. On y voit un homme de près
de 75 ans, fatigué par les tournées américaines, "aux prises" avec
quelques musiciens français à l'esprit trop "fonctionnarisé" à son
goût, mais avant tout un homme illuminé par la musiaque de Bach.

Ce sera sa dernière interprétation de l'oeuvre. Son parcours terrestre
se termine le 12 juin suivant à Florence, à l'occasion de la créations
de l'/Ophéide/ de Malipero.

Ainsi s'achevait une vie de plus de cinquante années consacrées à la
Musique, dont trente-huit à l'oeuvre géniale de Jean-Sébastien Bach.

Ce nouveau long et passionnant article de MELMOTH est la
retranscription de la plaquette écrite par *René Trémine*, et traduite
par *Myriam Scherchen*, accompagnant le superbe et indispensable double
CD (Tahra 108/109), "Hermann Scherchen répète et dirige son
instrumentation de l'Art de la Fugue"...
La répétition (en anglais, mais traduite en français dans la
plaquette), dure 26.50 minutes, et est bien entendu
passionnantissime...

<COPY/OFF>

--
Car avec beaucoup de science, il y a beaucoup de chagrin ; et celui qui
accroît sa science accroît sa douleur.
[Ecclésiaste, 1-18]
MELMOTH - souffrant

10 réponses

1 2
Avatar
Fred
On 06/05/2013 11:52, MELMOTH wrote:
melmothéennement absolu



C'est un hors sujet du même métal, ya pas photo...
Avatar
Alf92
MELMOTH a formulé :

Je réécoutais cette nuit ce (...)



tu t'es trompé de forum ?
oui tu t'es trompé de forum.
Avatar
MELMOTH
Ce cher mammifère du nom de MELMOTH nous susurrait, le lundi
06/05/2013, dans nos oreilles grandes ouvertes mais un peu sales tout
de même, et dans le message , les
doux mélismes suivants :

Je réécoutais cette nuit ce chef d'½uvre melmothéennement absolu
qu'est l'*Art de la fugue* de Notre Ami JSB...Dans l'avant-dernier
enregistrement qu'en fit MAHS, en décembre 1965 à Toronto, quelques
mois avant son camardage...[J'attends toujours la parution de son
dernier enregistrement (24 mars 1966 à Paris) que Tahra a en son
temps promis, mais que dalle]...



Oups !...
Erreur aiguillage...Un millions d'eesecuses, ô Amis Fotografes...

--
Car avec beaucoup de science, il y a beaucoup de chagrin ; et celui qui
accroît sa science accroît sa douleur.
[Ecclésiaste, 1-18]
MELMOTH - souffrant
Avatar
Pleinair
Le 06/05/13 14:47, MELMOTH a écrit :

Oups !...
Erreur aiguillage...Un millions d'eesecuses, ô Amis Fotografes...



C'est pas bien grave, au moins ça fait de l'animation... Bonne sieste
ami mélomane...

http://www.youtube.com/watch?v=Yg_rf2d894k

C'est à partir de 25" que tu devrais aimer... :-)

--
François.
Avatar
Alf92
MELMOTH a formulé :

Ce cher mammifère du nom de MELMOTH nous susurrait, le lundi 06/05/2013, dans
nos oreilles grandes ouvertes mais un peu sales tout de même, et dans le
message , les doux mélismes suivants :

Je réécoutais cette nuit ce chef d'½uvre melmothéennement absolu qu'est
l'*Art de la fugue* de Notre Ami JSB...Dans l'avant-dernier enregistrement
qu'en fit MAHS, en décembre 1965 à Toronto, quelques mois avant son
camardage...[J'attends toujours la parution de son dernier enregistrement
(24 mars 1966 à Paris) que Tahra a en son temps promis, mais que dalle]...



Oups !...
Erreur aiguillage...Un millions d'eesecuses, ô Amis Fotografes...



la vieillesse est un nauffrage.
Avatar
Stephane Legras-Decussy
Le 06/05/2013 15:19, Alf92 a écrit :

la vieillesse est un nauffrage.




c'est pas de se tromper, c'est d'écrire des pages
de conneries pareilles ...
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Pleinair
Le 07/05/13 22:01, Stephane Legras-Decussy a écrit :
Le 06/05/2013 15:19, Alf92 a écrit :

la vieillesse est un nauffrage.




c'est pas de se tromper, c'est d'écrire des pages
de conneries pareilles ...



Je sais pas si c'est des conneries, mais je doute que beaucoup de monde
arrive à tout lire...

--
François.
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Charles_V
Stephane Legras-Decussy a écrit :
Le 06/05/2013 15:19, Alf92 a écrit :

la vieillesse est un naufrage.



c'est pas de se tromper, c'est d'écrire des pages
de conneries pareilles ...



Bien entendu, tu as lu jusqu'au bout. C'est terrible d'être aussi
catégorique. Sais-tu que ce n'est pas de Melmoth que tu parles ?


Ce texte m'a intéressé. Il me semble offrir des passages qui dépassent
le strict univers musical (auxquels on peut adhérer ou pas, c'est une
autre histoire). Essai de transposition en guise d'échantillon gratuit:


M... a donné la "clé" de l'Art de la Composition : «L'essence de la
photo, c'est comme si quatre personnes discutent de la même chose. La
première dit : "ah, la photo est très difficile" ; la deuxième dit : "la
photo n'est pas si difficile" ; la troisième ajoute : "c'est plus que
difficile, c'est terrible" ; et la quatrième : "alors, que faisons-nous
avec la photo ?". Lorsque l'exposition commence, on commence à regarder
en pensant à ce que montre l'autre».

charles
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Stephane Legras-Decussy
Le 08/05/2013 10:02, a écrit :

Bien entendu, tu as lu jusqu'au bout. C'est terrible d'être aussi
catégorique.



le contrôle qualité fonctionne par sous-echantillonnage,
si ca va pour Sony, Peugeot et Boeing, ça devrait allait
pour moi ...


Sais-tu que ce n'est pas de Melmoth que tu parles ?




cette phrase :

c'est pas de se tromper, c'est d'écrire des pages
de conneries pareilles ...

désigne l'auteur, mais ne désigne pas explicitement melmoth.

en fait c'est l'inconscient collectif (et le tien) qui
associe le mot "connerie" avec le mot "melmoth" ... ;-)
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Alf92
Stephane Legras-Decussy a formulé :

en fait c'est l'inconscient collectif (et le tien) qui
associe le mot "connerie" avec le mot "melmoth" ... ;-)



non non
pour moi c'est parfaitement conscient.
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