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Piratage ou usage commun ?

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Anne Onime
Lorsqu’on parle de la loi Hadopi, c’est souvent pour mettre en évidence
son caractère inapplicable ou pour dénoncer son atteinte aux libertés
fondamentales. Il me semble que beaucoup sont d’accord pour « lutter
contre le piratage, mais pas comme ça ». C’est ce que je pensais avant.

Pour une fois, je voudrais évoquer les fondements mêmes de la guerre
contre le partage, le « fléau » qu’elle s’est donné comme objectif de
combattre. Je vous livre donc mes quelques réflexions sur ce qui est
appelé piratage.
Un peu de science-fiction

Supposons qu’on invente une machine capable de dupliquer les objets
matériels, accessible à tous. Plus personne ne serait pauvre, plus
personne ne mourrait de faim : il suffirait de dupliquer les oranges, les
baguettes de pain, etc. Les bases de l’économie de la distribution
seraient totalement ruinées. Les industries alimentaires, textiles,
automobiles… crieraient au scandale : tout le monde serait capable de
copier la voiture de son voisin. D’ailleurs, que deviendrait l’argent ?
Tout le monde pourrait dupliquer ses billets et ses pièces…

De la même manière, si demain on inventait un téléporteur permettant à
chacun de se déplacer d’un point du globe à un point autre instantanément
et gratuitement, que deviendraient les entreprises de transport, les
constructeurs automobiles et les stations-services ? Sensibiliserions-
nous la population sur les ravages des téléporteurs, en la culpabilisant
de faire perdre des emplois à la SNCF ou chez Air France ?

Faudrait-il nier les avantages induits par ces évolutions, et tenter à
tout prix de les restreindre ou de les interdire, en traitant de pirates
ceux qui copient une orange ou qui « volent » la SNCF en se téléportant ?
Faudrait-il distinguer la « téléportation légale », celle qui ne se
ferait que de gare en gare après l’achat d’un ticket, de la «
téléportation illégale », qu’on pourrait utiliser n’importe où
gratuitement et sans contraintes ? D’ailleurs, comment pourrait-on
contrôler que personne ne se téléporterait pas « illégalement » sans
instaurer une surveillance généralisée de la population ?

Mettrions-nous tout ceci en place afin de préserver les modèles
économiques en place dans le monde d’avant ces innovations ?

Ou alors faudrait-il réfléchir à une société adaptée à cette (r)
évolution ?
Internet

Internet est à la fois un copieur et un téléporteur : il permet de
dupliquer à distance !

Ce n’est pas un supermarché géant, ni un gadget pour geeks, ni un outil
qui ne sert qu’à consulter les résultats sportifs… C’est beaucoup plus
que cela ! C’est sans doute l’invention qui modifie le plus en profondeur
la société en si peu de temps. Mais vu que c’est le sujet de ce billet,
je ne vais parler que de la toute petite partie qui concerne l’accès à la
culture « sous copyright ».
Valeur

La dématérialisation a permis à tous de copier, car un contenu numérique
est intrinsèquement copiable, gratuitement. Vendre de la copie dans un
tel environnement est suicidaire. Ce qui pose problème, c’est que
justement c’était le modèle économique du monde matériel, donc tout est
remis en cause. Avant, il fallait passer par les distributeurs pour
obtenir une copie, plus maintenant.

On est dans le même cas qu’avec le téléporteur : il serait illusoire de
vendre un déplacement en avion ou en train. On pourrait faire toutes les
sensibilisations du monde, en expliquant qu’en se téléportant
gratuitement on va faire perdre des emplois à la SNCF et chez Air France,
la valeur d’un « déplacement » serait intrinsèquement nulle, ce serait
invendable.

Ce qui a de la valeur, c’est l’œuvre en elle-même (cette valeur n’est
d’ailleurs pas forcément essentiellement monétaire), ce n’est pas son
support. Le problème, c’est que financer l’œuvre en elle-même est
délicat. Jusqu’ici, dans le monde matériel, l’œuvre était forcément fixée
sur un support (un livre par exemple, ou un CD), il suffisait donc de
faire payer le support, et l’œuvre était payée (le créateur n’en touchait
qu’une toute petite partie, mais ça c’est une autre histoire)… On évitait
donc le problème en vendant chaque instance de l’œuvre, plutôt que de
financer l’œuvre.

Mais Internet a fondamentalement redéfini les règles : il a clairement
séparé œuvre et support (de la même manière qu’un téléporteur
redéfinirait les règles physiques dans notre société). Faire payer le
support n’est donc plus pertinent. De plus, cette séparation permet à
l’œuvre d’être dupliquable à l’infini et gratuitement par tous. La
décorrélation entre l’acquisition d’une nouvelle copie et son financement
est donc inéluctable.

Cette séparation est déjà en place depuis plusieurs années : chacun peut
obtenir une nouvelle copie d’une œuvre dématérialisée sans pour autant la
payer. Ce qu’il faut, c’est financer la création, pas interdire les
copies ! Rien ne justifie que les œuvres soient payées par la vente à
l’unité de copies. D’ailleurs, quand on entend « il faut acheter les
albums pour que les créateurs soient rémunérés », on pourrait également
dire « il faut acheter les émissions pour que les animateurs TV soient
rémunérés ». On voit bien que le travail n’a pas à être rémunéré par
l’accès unitaire de chacun au fruit de ce travail… Copier n’est pas
voler. Partager non plus.
Transition

Mais la transition est brutale, beaucoup trop brutale pour avoir le temps
de mettre en place des mesures justes et adaptées. Pas pour l’enrayer,
mais pour l’accompagner. Du coup, le choix qui est fait pour l’instant
est de tenter d’empêcher cette révolution qui a déjà eu lieu. C’est voué
à l’échec.

Rien n’est fait pour résoudre le problème. Au contraire, tout est mis en
œuvre pour tenter de réassocier œuvre et support (support qui a la
caractéristique de ne pas être copiable gratuitement, même s’il est
virtuel comme avec les DRM), plutôt que de profiter de l’immense
opportunité de la diffusion illimitée des œuvres (plusieurs études
montrent d’ailleurs que le partage de fichiers a un effet global positif
sur l’économie). Des campagnes de propagande, maintenant inscrites dans
la loi pour expliquer aux petits enfants dans les écoles, veulent faire
croire que partager, c’est mal, que ça détruit la création, alors qu’au
contraire ça la diffuse et la fait vivre.
Financement

Mais il faut un modèle pour financer cette création. Que ça soit la
licence globale, la SARD ou autre… Je n’ai pas LA solution. J’en ai juste
la principale caractéristique : le financement doit être décorrélé de la
vente unitaire de copies. Évidemment, les principales entreprises à se
battre contre cette évolution sont celles qui vivent en vendant des
copies. Mais a-t-on fait une loi pour sauver les vendeurs de lampes à
huile quand l’électricité est arrivée ?

Peut-être trouvez-vous les propositions alternatives irréalistes ou
stupides. Mais que pensez-vous alors de baser un modèle économique sur la
vente de quelque chose qui est accessible à tous gratuitement, la copie ?
Hadopi pédagogique ?

Voilà ce que m’a appris la loi Hadopi sur le « piratage ». Avant je
pensais que le « piratage », c’était mal, mais que c’était difficilement
réversible car très répandu (« et puis après tout, tout le monde le fait
»). Maintenant, j’ai compris que ce qui est appelé « piratage » n’est
autre que l’usage commun des œuvres dans une société où la révolution
numérique aurait été prise en compte, l’usage normal qui rencontre la
résistance des modèles d’avant la dématérialisation…

Comme quoi, Albanel avait raison, la loi Hadopi a bien été pédagogique !
Références

Si vous vous intéressez un peu au sujet, mon analyse n’a sans doute pas
grand chose d’original. Ça ne m’empêche pas de la partager, et puis après
tout, tout travail création n’est-il pas un dérivé ?

Je vous recommande principalement, si ce n’est pas déjà fait, la lecture
du livre Confessions d’un voleur,

http://www.confessions-voleur.net/

écrit par Laurent Chemla en 2002, mais
qui est on ne peut plus d’actualité. C’est d’après moi une référence ! Il
est disponible en version papier mais également en accès libre dans les
formats ouverts qui vont bien (mais pas sous licence libre).

Pour l’anecdote, j’ai commandé la version papier (comme quoi, on peut
acheter quelque chose de gratuit), mais je ne l’ai pas encore reçue car «
la poste n’a pas pu localiser mon adresse ». Le filtrage d’Internet
aurait-il des effets de bord jusqu’à dans le monde physique ?

4 réponses

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Baton Rouge
On Wed, 11 Aug 2010 09:36:51 +0200 (CEST), Anne Onime
wrote:

Supposons qu’on invente une machine capable de dupliquer les objets
matériels, accessible à tous. Plus personne ne serait pauvre, plus
personne ne mourrait de faim : il suffirait de dupliquer les oranges, les
baguettes de pain, etc. Les bases de l’économie de la distribution
seraient totalement ruinées. Les industries alimentaires, textiles,
automobiles… crieraient au scandale : tout le monde serait capable de
copier la voiture de son voisin. D’ailleurs, que deviendrait l’argent ?
Tout le monde pourrait dupliquer ses billets et ses pièces…



Pour quoi faire dupliquer l'argent ?

Dupliquer, la nouriture, les vetements, les maison, les arbres
antiCO2, les organes avant qu'on ne soit malade,....

Plus besoin de travailler par obligation, donc plus besoin d'argent,
plus de pauvre, plus de riche.

En quoi est ce un probleme ?

On continuera de developper des médicament, la technologie. Comment ?
le benevola. Chacun sera libre de sont temps et une partie
s'occuperont de cette maniere plutot que de passer leur temps de libre
aux resto du coeur à donner à manger aux pauvres.




--
Travailler plus pour gagner plus pour quoi faire ?
Pour finir par divorcer parce qu'on est pas souvent à la maison ou faire un malaise vagal et creuser le trou de la sécu ?
Avatar
blaise cacramp
Et supposons que l'on fasse travailler les singes à notre place. Hein ?
Avatar
Baton Rouge
On Wed, 11 Aug 2010 17:57:01 +0200, "blaise cacramp"
wrote:

Et supposons que l'on fasse travailler les singes à notre place. Hein ?




???

--
Travailler plus pour gagner plus pour quoi faire ?
Pour finir par divorcer parce qu'on est pas souvent à la maison ou faire un malaise vagal et creuser le trou de la sécu ?
Avatar
MH
Anne Onime a écrit :
Lorsqu’on parle de la loi Hadopi, c’est souvent pour mettre en évidence
son caractère inapplicable ou pour dénoncer son atteinte aux libertés
fondamentales. Il me semble que beaucoup sont d’accord pour « lutter
contre le piratage...



...Evidemment, à commencer par le piratage de notre économie,
délocalisation de notre savoir faire et de nos connaissances depuis les
années 60 pour pirater nos lois sociales. Nous avons inventé la
télévision mais nous n'en fabriquons plus un seul. Qu'est-ce que la
loi hadopi dit à ce sujet? Bon, évidemment, s'il n'y a plus que des
voleurs qui va t-on pouvoir encore voler?
MH