Youssoupha VS Zemmour : qu'en pensser ?

Eric Zemmour a porté plainte pour « menaces de crimes et injure publique »
contre le rappeur Youssoupha.

Ci dessous vous pouvez lire la réponse détaillée de l'africain.

"Selon certains médias, je suis ³le rappeur qui veut faire tuer Eric
Zemmour³. Voilà pour les présentations. Mes papiers? J¹en ai quelques-uns,
comme ceux que nous avons reçus cette semaine: une notification d¹avocat
signifiant qu¹une plainte a été déposée par M. Eric Zemmour et ses avocats
auprès du procureur de la République pour ³des faits de menaces de crimes²
et ³d¹injure publique³. Ces accusations visent le texte d¹un de mes titres
récemment paru sur la Toile.

Revoilà donc le spectre terrifiant du rap aux valeurs morales crapuleuses et
aux invectives criminelles. C¹est le retour du hip-hop qui terrorise. Ennemi
sanguinaire des institutions les plus honorables de ce pays. Les monstres
sont revenus. La psychose nous rattrape. Quoiqu¹elle ne nous ait jamais
vraiment quittés.
Encore une fois, un rappeur est placé au centre de la polémique. Il faudra
le clouer au pilori ou le faire passer à la barre. C¹est seulement à cette
condition que l¹ordre social, médiatique et surtout moral retrouvera son
harmonie. Cette fois-ci, la foudre m¹a choisi.
Je m¹appelle Youssoupha, j¹ai 29 ans, et la chanson incriminée s¹intitule A
force de le dire. C¹est un titre où j¹aborde divers sujets de société, parmi
lesquels les mauvais effets des drogues douces, l¹assassinat des leaders
d¹opinion, l¹élection de Barack Obama, la lutte contre le sida, la guerre au
Congo, la violence dans les stadesŠ Mais curieusement c¹est un passage en
particulier qui a fait couler beaucoup d¹encre et déclencher beaucoup de
clics: ³A force de juger nos gueules les gens le savent/Qu¹à la télé souvent
les chroniqueurs diabolisent les banlieusards/ Chaque fois que ça pète on
dit qu¹c¹est nous/J¹mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce
con d¹Eric Zemmour.² A ³l¹insu de mon plein gré², donc, j¹ai défrayé la
chronique.
³POURVU QU¹IL N¹ARRIVE RIEN À M. ZEMMOUR²
Me voilà placardé un peu partout sur le Net et dans quelques journaux comme
³le rappeur qui menace violemment Zemmour² ou encore ³le rappeur qui a mis
un contrat sur Eric Zemmour² ou, comme je l¹écrivais au début de ce papier
pour mieux vous situer, ³le rappeur qui veut faire tuer Eric Zemmour².
Tout ça n¹est pas très gai. En même temps, ma chanson ne l¹est pas non plus,
donc je peux le comprendre. Mais tout de même, l¹ambiguïté cède la place aux
interprétations les plus louches. Dans la confusion générale, certaines
équivoques ouvrent la piste d¹un contrat criminel sur le chroniqueur de ³On
n¹est pas couché² sur France2.
Je me retrouve à me soucier du sort quotidien de M. Zemmour. Pourvu qu¹il ne
lui arrive rien car, sinon, des milliers de paires d¹yeux se fixeraient dans
ma direction. Assimiler un rappeur à un agitateur dangereux n¹est pas un
fait très original. Dans les mass médias, ça pourrait presque faire office
de marronnier, comme la rentrée scolaire, le beaujolais nouveau ou le
passage à l¹heure d¹été, tellement les précédents sont nombreux.
Il y avait déjà eu le scandale NTM. Le groupe avait été condamné pour
³propos outrageants² envers les forces de l¹ordre lors d¹un concert en 1995.
Plus tard, il y aura le procès Sniper (poursuivi en 2004 par le ministère de
l¹intérieur, Nicolas Sarkozy en tête), mais aussi le tapage MonsieurR
(accusé d¹incitation à la haine et de sexisme par le député UMP François
Grosdidier en novembre2005). Tous ont été relaxés. Et à l¹ombre de toutes
ces ³affaires² sulfureuses et racoleuses, on oublie l¹acharnement judiciaire
contre Hamé du groupe La Rumeur, accusé de diffamation publique envers la
police nationale pour un article dénonçant la brutalité policière. Mais ses
descriptions étaient tellement avérées que le parquet lui-même a reconnu
que, ³replacés dans leur contexte, ces propos ne constituent qu¹une critique
des comportements abusifs, susceptibles d¹être reprochés sur les cinquante
dernières années aux forces de polices à l¹occasion d¹événements pris dans
leur globalité². Il a été relaxé à plusieurs reprises lors des différentes
instances du procès, mais l¹Etat envisage depuis l¹année dernière de se
pourvoir en cassation une seconde fois (!) pour le faire condamner enfin.
Pour une affaire de ce type, c¹est du jamais-vu dans l¹histoire
contemporaine de la justice française. Quel acharnement, quelle usure ! Qui
en parle ? Pourtant, cette fois-ci, nous sommes bien dans la réalité.
DANS L¹OMBRE, ON FAIT TOUJOURS DE LA MUSIQUE
J¹ai eu l¹occasion de m¹expliquer sur le sens de mes mots, ceux d¹A force de
le dire, dans le journal Le Parisien. Puisque ça paraissait nécessaire. Eric
Zemmour est journaliste et polémiste, je suis auteur et interprète. Il n¹a
jamais tué personne. Moi non plus. Nous sommes tous les deux des hommes de
paroles. Une quelconque divergence de point de vue qui nous opposerait
relèverait forcément du débat d¹idée, de la discussion. Le faire taire? Il
faut l¹entendre dans le sens le plus élémentaire: le remettre à sa place, le
mettre face à ses contradictions. Après tout, n¹est-ce pas le sens même des
lois sur les discriminations que de faire taire et de réprimer des propos
qui peuvent s¹avérer racistes ou ³excluant²? Sa posture de journaliste lui
confère un devoir de pertinence dont il doit prendre toute la mesure à
l¹occasion de chacune de ses déclarations.
Faire taire Eric Zemmour ? Effectivement. Il n¹y a rien d¹autre à entendre
ou à comprendre ? A moins de s¹imaginer que j¹ai assez d¹influence pour le
faire assassiner ou que je suis disposé à le faire. Nous venons de quitter
la réalité tangible. Revoilà le fantôme.
Le fantasme d¹un rappeur-gangster-tueur. Ce que je suis censé être. Et c¹est
là que je déçois tout le monde. La réalité est beaucoup moins fantasque. Je
ne suis ni un Che Guevara, ni un Jacques Mesrine, ni même le personnage haut
en couleur d¹un film de Lautner pour intenter à sa vie. Désolé pour ma
mauvaise interprétation du personnage. Vous avez vu un fantôme. Ce n¹était
que moi.
Il n¹y a plus rien à signaler. L¹accalmie médiatique est là. Le buzz se
dégonfle. Remplacé immédiatement par l¹ouragan politique autour du rappeur
Orelsan. Ministres et députés ont subitement décrété l¹état d¹urgence pour
un clip vieux de trois ans qui met en scène la déprime pathétique et trash
d¹un petit ami trompé. L¹affaire est encore plus tapageuse, donc encore plus
intéressante, confiera le membre d¹un organe de presse à l¹un de mes
collaborateurs.
J¹irai donc rendre des comptes devant les autorités compétentes. Devant la
justice pour la première fois de ma vie. Pour la dernière fois, j¹espère.
J¹irai avec mes points de vue, mes critiques, le poids de mes paroles. Leur
virulence aussi. Je l¹assume. Je suis un rappeur. Pas un fantôme. Dans
l¹ombre, on fait toujours de la musique, on défend nos convictions, on
danse, on dénonce, on organise, on vend des disques, on doute, on entreprend
et il nous arrive même d¹être des gens bien. Arrêtez de croire aux
fantômes."
Youssoupha, rappeur