A quelques jours du résultat du second tour des éléctions présidentielles, Commentcamarche.net, site de la communauté informatique et des nouvelles technologies, a demandé à ses membres de réfléchir aux 10 questions clés à poser aux deux candidats.


De grands pays comme l’Inde et la Chine ou de plus petits comme l’Australie ou la Finlande attribuent près de la moitié de leur croissance à leur politique en faveur des TIC. Partagez vous cette analyse et quels objectifs fixez-vous pour la France ?

N.Sarkozy : « L’économie numérique a un potentiel de croissance de ½ à 1 point selon les analyses, c’est un enjeu majeur pour le pays et, oui, je partage l’analyse selon laquelle une politique volontariste en matière de TIC permet de gagner cette croissance. Je me fixe l’objectif de conduire cette politique en prenant en compte toute la diversité de l’internet et du numérique, pour qu’elle contribue à vaincre le chômage et redonner du pouvoir d’achat aux français. »


Comment comptez vous régler le problème des DRM et notamment la situation actuelle où le consommateur est tiraillé entre les musiques et vidéos illégales mais facilement accessibles et les musiques et vidéos payantes mais à l’accès et l’usage réduit ?

N.Sarkozy : « De réels efforts restent à faire pour retrouver dans l’univers de la diffusion culturelle numérique le confort d’usage que nous avions à l’époque de la diffusion physique et analogique. J’observe d’ailleurs que, maintenant que la protection juridique des titulaires de droits se stabilise au niveau international et en France, ils sont les premiers à s’engager dans cette voie.

Je ne crois pas à la pérennité d’une diffusion culturelle « illégale ». Non seulement elle atteint gravement la propriété intellectuelle, mais elle présente aussi des risques réels d’uniformisation culturelle. Il faut donc que les offres légales se développent encore plus rapidement, et la technologie peer to peer est un atout pour ce développement. C’est pourquoi je me suis engagé à soutenir activement la création, la production et la diffusion de contenus légaux en ligne, qu’ils soient gratuits ou payants, et à mettre gratuitement en ligne les contenus culturels et éducatifs du domaine public.

Il faut également que les différents formats puissent être lus sur différents lecteurs. Ni le consommateur, ni l’artiste ne doivent être otage d’une technologie. Faire de l’interopérabilité une priorité industrielle européenne est un début et je m’engage à me battre en ce sens. D’autres solutions apparaîtront certainement sans porter atteinte aux droits de propriété : la technique évolue très rapidement. Il faudra savoir les soutenir et leur permettre de se développer dans un écosystème favorable à l’innovation et la créativité. Le bilan prévu de la loi DADVSI à fin 2007 sera une occasion de faire le point de ces sujets ; le forum de concertation permanente sur les sujets internet et numérique que je souhaite mettre en place permettra de les approfondir en phase avec les innovations réalisées dans d’autres pays. »


De nombreux français ne sont pas encore des internautes. Quelle politique comptez-vous mettre en œuvre pour accélérer l’équipement des français et le développement des usages?

N.Sarkozy : « Je ne veux pas de laissé pour compte du numérique, or je sais que la France accuse un retard à combler, notamment en terme d’équipement. Chacun doit avoir accès au haut débit à 1 mégabit minimum, demain au très haut débit. Ainsi, je me suis fixé l’objectif de connecter 100% des écoles en haut débit et 100% des universités en Wi-Fi, celui de doubler le nombre de foyers équipés et celui de créer un point d’accès public à Internet dans au moins un tiers de nos communes. J’attache une grande importance à pérenniser et développer ces espaces qui sont à la fois une solution d’accès pour ceux qui hésitent à franchir le pas de l’internet, et aussi des lieux de formation de proximité.

Pour le très haut débit, il faudra très rapidement mettre en place un cadre règlementaire favorable aux investissements des opérateurs. En matière d’équipement informatique, je crois aux offres matérielles premier-prix, on sait qu’il existe désormais des matériels neufs pour moins de 500 euros, et les logiciels libres sont un véritable atout pour de telles offres. Je crois aussi aux solutions de solidarité telles que le recyclage d’ordinateurs, le prêt ou le don.

Le développement des usages, c’est faire de la formation numérique une priorité, et je m’y engage. C’est aussi mettre en place une politique adaptée aux besoins de ceux qui sont encore exclus du numériques, qu’il s’agisse des seniors ou de certaines TPE et PME. J’entends utiliser tous les mécanismes de formation, qu’il s’agisse de formation scolaire, universitaire, professionnelle ou encore de proximité comme je l’évoquais. »



Internet c’est aussi de possibles atteintes à la vie privée, comment comptez vous protéger la liberté de chacun et quel rôle souhaitez vous réserver à la CNIL ? Que pensez-vous des puces dans les cartes d’identité, passeports et dossiers médicaux ?

N.Sarkozy : « Internet et le numérique font naître de nouveaux espoirs, mais aussi de nouvelles peurs. Y répondre est une exigence républicaine. La première ligne de défense, c’est l’utilisateur, d’où l’importance d’un très large effort de formation à l’usage d’Internet. La vie privée sera protégée en ligne comme elle doit l’être dans le monde physique, c’est la condition première de la liberté.

La CNIL sera le garant de ces équilibres et je ferai évoluer son statut vers plus d’indépendance et plus de moyens d’action. Ses membres seront auditionnés publiquement par le Parlement avant d’être désignés, et celui-ci pourra mettre son veto à leur nomination. La Représentation nationale pourra ainsi s’assurer de la compétence et de la hauteur de vue des personnes désignées. Je garantirai l’indépendance de la CNIL en la dotant d’un financement plus important et autonome, voté par le Parlement. J’ouvrirai le débat de l’extension de ses missions et de ses pouvoirs afin de mieux garantir les libertés numériques et la protection des données personnelles.

Le projet de loi relatif à la protection de l’identité, incluant la carte d’identité électronique sera présenté au parlement au second semestre 2007 et sera l’occasion du débat public qu’il appelle. Le processus de déploiement du dossier médical personnel ne peut être ni précipité ni retardé au regard des enjeux qu’il soulève et se conduira en concertation étroite avec toutes les parties concernées : les usagers, la CNIL, les professionnels de la santé et les industriels engagés dans sa mise en œuvre.

Ces modernisations sont nécessaires pour améliorer la qualité de service public apportée aux citoyens, tout comme la productivité et l’efficacité de l’administration. Elles font également naître des craintes que je ne méconnais pas. La peur n’est pas une raison pour ne pas avancer, d’autant que la France est en retard sur ces dossiers par rapport à ses voisins européens. En revanche, il est clair qu’elle impose une très grande transparence dans leur préparation. J’y veillerai tout particulièrement. Une autorité de protection des données personnelles modernisée et dotée de nouveaux moyens sera clef dans un tel dispositif. »


François Bayrou a pris des positions remarquées sur les logiciels libres, l’interopérabilité et la création d’un Small Business Act à la française, qu’en pensez-vous ?

N.Sarkozy : « Je suis heureux de constater que de plus en plus de responsables politiques découvrent l’importance de l’internet et du numérique. Pour ma part, dès mon arrivée à la Présidence de l’UMP il y a 3 ans, j’ai eu la conviction qu’il y avait là à la fois un moyen considérable de rénover le débat politique, et un sujet d’importance majeure pour l’avenir de notre pays.

Je considère que le logiciel libre est un véritable atout, notamment pour rendre l’informatique accessible à tous. C’est aussi un nouveau modèle de développement qui peut souffrir de la prééminence des anciens modèles. Il faut être particulièrement vigilant sur ces points qui se traduisent concrètement en termes de véritable libre-concurrence et d’égalité devant la loi. C’est une des raisons pour lesquelles je crois nécessaire aujourd’hui d’engager un véritable travail d’examen de l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur sur les sujets numérique et internet, de sorte de mettre en évidence les éventuelles contradictions et incohérences, et d’y remédier.

Plus généralement, l’industrie du logiciel, qu’il soit libre ou propriétaire, est capitale pour l’avenir et je souhaite favoriser sa pleine expansion dans la diversité de ses modèles. Un pôle de compétitivité est en voie de création autour du logiciel libre. J’en soutiens le principe.

Je ferai de l’interopérabilité une priorité industrielle européenne tant elle détermine la liberté d’usage de chacun, quelle que soit sa condition. Je l’ai dit : elle est un enjeu majeur pour que le développement des nouvelles technologies soit équitable.

J’ai indiqué qu’une partie des marchés publics et des crédits publics de recherche sera réservée aux PME. Dans cette logique, je suis effectivement favorable à la création d’un Small Business Act à la française. »