Le président de Sun Microsystems, Jonathan Schwartz, a rappelé le 5 avril dernier son attachement à la cause du logiciel libre, mais s'est montré critique à l'égard de la fameuse GPL (General Public License), qui régit le développement et la diffusion de programmes dans le petit monde de l'open-source.

La GPL concerne Linux, et une foule innombrable d'autres projets dans l'arène du logiciel libre. Mais une de ses clauses inquiète Schwartz, qui la qualifie, à l'occasion de l'Open Source Business Conference, d'impérialisme économique.

Bien sûr, Schwartz en profite pour présenter l'alternative prônée par Sun: la Community Development and Distribution License (CDDL), ou Licence de Développement et de Distribution Commune, elle-même dérivée de la Mozilla Public License (MPL). Sun a commencé par publier le code-source de son système d'exploitation maison, Solaris, conformément à la CDDL, le transformant de fait en Open Solaris. L'OS est donc libre, désormais, même si Sun fait payer l'assistance à ses clients.

Montrée du doigt par Schwartz dans la GPL: la clause n'autorisant à associer deux codes-sources pour en créer un troisième que si les deux codes d'origine répondent tous deux à la charte de la GPL. Cette clause est supposée faciliter la création d'un vivier de programmes libres, échappant aux contraintes propres aux logiciels propriétaires. Mais Schwartz regrette que cela empêche d'insérer des parties de code-source libre dans un logiciel à vocation commerciale.

Et il enfonce le clou: "dans certains pays émergents, la propriété intellectuelle est une nécessité pour élever le niveau de vie. Dans quelques uns de ces pays, des entreprises et des centres de recherche ont commencé par incorporer une dose de logiciel libre sous license GPL dans leurs produits commerciaux, avant de réaliser que cela les obligerait à leur tour à rendre le fruit de leur travail disponible gratuitement pour le reste du monde!"

La GPL repose sur la notion de liberté de création, mais impose aussi aux éditeurs de logiciels de mettre leurs travaux au service des pays les plus riches, dont les Etats-Unis, où la GPL est née.

"Si vous regardez les différences entre GPL et CDDL", argumente Schwartz, "vous constatez que dans cette dernière, il n'existe aucune obligation similaire pour une université ou un éditeur qui souhaite inclure une portion de code libre dans un logiciel propriétaire".

La GPL va faire peau neuve, mais son créateur, Richard Stallman (voir notre news: "Rififi dans le monde du BIOS" du 6 avril 2005), assure que cette clause ne disparaîtra pas. Et qu'elle n'a jamais effrayé les programmeurs, jusqu'à maintenant: 68% des milliers de projets indexés par la base de données Freshmeat adhèrent à la GPL.

Sun semble essayer de s'attirer les bonnes grâces de la communauté open-source, dans le but d'inverser la spirale descendante dans laquelle la firme de Santa Clara se trouve: son chiffre d'affaires est en baisse, et sa capitalisation boursière stagne depuis plusieurs années, en dépit du recentrage opéré par la firme vers ses métiers d'origine, les serveurs et les gros systèmes (mainframes).

"Même gratuits, les logiciels libres vont aider Sun", estime Schwartz. "Nous nous attendons à une hausse de notre chiffre d'affaires", s'appuyant sur quelques parallèles historiques, comme le soutien affiché par Sun à l'élaboration du désormais universel protocole Intenet TCP/IP, ou le caractère incontournable du logiciel Java.

A ce sujet, Schwartz répond aux critiques qui déplorent que Sun refuse de rendre public le code du produit-phare de la firme: "notre position ne doit rien au fait que nous souhaitions garder la propriété de Java; nous voulons seulement l'empêcher de se fourvoyer", ajoutant que Microsoft, par exemple, ne figure pas parmi les 900 compagnies qui oeuvrent au futur de Java à travers le Java Community Process.

Parmi les détracteurs de Sun sur le sujet, on trouve le spécialiste Linux, Red Hat, dont le système d'exploitation est en concurrence frontale avec celui de Sun, Solaris. Schwartz a d'ailleurs à plusieurs reprises déclaré que Red Hat était dans la ligne de mire de Sun...

Ce mardi, pourtant, Mr Schwartz s'est montré plus consensuel:

"Le monde de l'open-source est une grande communauté en constante ébullition. Y faire entrer Solaris a juste ajouté à cette diversité. Loin de nous comporter en prédateurs, nous voulons au contraire assurer l'avenir de l'open-source".

Le patron de Sun a aussi prédit que les compagnies qui prétendent soutenir l'open-source tout en continuant de développer leurs produits dans leur coin ne tarderaient pas être montrées du doigt pour leur hypocrisie...

Aucun nom n'a été mentionné, mais Sun a déjà formulé des critiques similaires à l'égard d'IBM, dont les logiciels WebSphere (applications Internet clé-en-main à usage professionnel), Tivoli (administration et sécurité; complémentaire de WebSphere) et Lotus (messagerie et intranet) restent propriétaires, en dépit du soutien avoué de Big Blue à Linux, et de sa participation au projet open-source Eclipse... initié par IBM et Sun.

Source : CNET News