À l'aube du chaos

Cela faisait quelques temps que nous avions pas entendu parler du développeur franco-américain Arkane Studios. Et pourtant, cette entreprise a donné naissance à des productions remarquables sur PC : de Arx Fatalix à Dark Messiah, il était à chaque fois question de concepts innovants et finement imaginés. Avec Dishonored, le studio prouve son savoir-faire en terme d'imagination de nouveaux systèmes, afin d'offrir la meilleure expérience possible pour nous, les joueurs. En effet, cette production propose une approche différente de la plupart des FPS actuels, mettant en avant des arguments déjà aperçus dans des productions passées, mais mixées et sublimées de sorte à fournir un rendu final extrêmement riche.

Avant de se focaliser sur la prise en main de Dishonored, il est important de faire le point sur son scénario qui, en dépit de peu d'effets de surprise, propose une trame très intéressante et fort bien mise en avant à l'aide d'une pâte artistique globale d'excellente facture. En effet, le directeur artistique Viktor Antonov ( qui a travaillé sur Half-Life 2 notamment ) a participé à l'élaboration aux environnement du jeu, et cela s'en ressent dans l'architecture finement travaillée et mixant les univers, pour un rendu steam punk très percutant. Le jeu se déroule par ailleurs dans un monde très inspiré de l'Angleterre pendant l'époque victorienne, marquée par la révolution industrielle, tout en proposant un côté presque apocalyptique en raison des événements qui se produise dans la ville de Dunwall, le lieu dans lequel vous évoluerez.

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Dans Dishonored, vous incarnez Corvo, garde du corps personnel de l'impératrice Kaldwin et de sa fille Emily. Dunwall étant sujet à une terrible épidémie de peste, la population semble au bout du gouffre. En effet, aucun réel antidote n'a encore été trouvé par le Dr. Sokolov, le médecin de la majesté, mais se contente de fournir la haute aristocratie en élixirs, afin d'éviter la propagation de la maladie autour de l'impératrice. Pendant ce temps, le petit peuple se meurt et se contaminent au travers des rats et des geignards, le nom attribué aux pestiférés touchés par la peste et vivant comme des zombies dans les ruelles et égoûts mal famés. Votre objectif était donc de prendre une embarcation et de trouver un remède au plus vite auprès des pays voisins. Votre retour anticipé à Dunwall n'est pas chargé de bonnes nouvelles, inquiétant l'impératrice au plus haut point.

Au cours des premiers instants de jeu, Kaldwin se fait tout simplement tuer sous vos yeux par d'étranges assassins qui, venus en nombre, ont profité de l'occasion pour kidnapper la jeune Emily. Les gardes royaux arrivant juste après le malheur, n'hésitent pas une seconde pour inculper Corvo de meurtre, ce qui lui vaut un marquage de traître au fer rouge sur le visage, ainsi qu'un séjour illimité dans les geôles de Dunwall. Alors qu'aucune issue ne semblait possible, un garde vous remet un modeste plat qui dissimule une lettre ainsi que la clé de votre cage. A priori, tout le monde ne semble pas penser que Corvo est coupable de cette terrible injustice et a besoin de son aide pour des raisons encore inconnues. Les débuts de l'aventure laissent donc entrevoir un coup monté qui a pour but à des conspirateurs de prendre le pouvoir de la ville, dans l'optique de pouvoir faire ce que bon leur semble.

Le scénario du jeu se poursuivra bien évidemment lorsque vous parviendrez à vous échapper incognito et faire la connaissance des personnes qui vous ont aidé. Votre objectif sera alors de retrouver la trace de la petite Emily, mais aussi de laver votre honneur en faisant tomber les conspirateurs. Et en cela, certains personnages viendront vous prêter main forte.

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L'art de la discrétion

Si Dishonored se joue comme un FPS, il n'en demeure pas moins un jeu basé sur la discrétion et la patience. Bien évidemment, il est possible de se jeter à corps perdu dans des combats, mais il faut savoir que la difficulté ne sera que plus corsée, en raison d'une certaine faiblesse de Corvo face aux assauts ennemis et ce, malgré l'utilisation de sa lame, de son pistolet et d'une arbalète. En effet, l'IA ennemie est tenace lorsqu'elle vous attaque, ce qui vous donnera vraiment du fil à retordre lorsque l'alerte est donnée et que vos adversaire arriveront par grappes. Et pourtant, les affrontement à l'épée sont efficace, puisqu'il est possible de parer les attaques et de contre-attaquer efficacement, permettant de donner des coups fatals bien sanguinolents à base de décapitations par exemple.

Sachez toutefois que vous passerez à côté de nombreuses subtilités en focalisant votre prise en main sur l'action pure et dure. En effet, l'essence du jeu se retrouve dans la capacité de se dissimuler et d'attaquer ses ennemis par un effet de surprise, avant de planquer leurs corps dans une zone sombre. Et en cela, le jeu rappelle très fortement Thief, un excellent FPS médiéval qui nécessitait la discrétion la plus totale pour progresser. Cette influence offre à Dishonored un intérêt palpable pour les amateurs d'infiltration, surtout que l'on sent clairement que le level design a été pensé pour que les joueurs disposent d'une multitude de possibilités d'approche. Il est par exemple possible de passer par les toits pour ne pas se faire repérer, ou par les sous-sols de la ville, voire par des bâtiments précis, etc. Les plus prudents seront donc souvent nichés sur les corniches et les tuyaux, afin d'avoir une vision d'ensemble et pouvoir observer les rondes de gardes et d'attaquer aux moments précis. On regrettera toutefois l'intelligence artificielle des ennemis parfois un peu faiblarde, puisqu'il est souvent possible de passer à découvert et à quelques mètres seulement des gardes, sans pour autant se faire repérer. Les modes de difficulté au-delà du Normal permettent en partie de palier à ce souci, sans forcément l'erradiquer. Dommage.

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Par ailleurs, le jeu permet de remplir les objectifs de mission de différentes façons. Vous pouvez par exemple tuer une cible d'une façon simple et radicale, ou encore trouver de bonnes personnes en amont qui vous proposeront de vous débarrasser de votre ennemi à condition de leur renvoyer l'ascenseur. Dans de nombreux cas, il existe plusieurs méthodes pour progresser, mener à bien les objectifs, ce qui modifie légèrement la suite de l'aventure. Cela joue en la faveur de la rejouabilité, puisqu'on devient rapidement curieux de trouver d'autres méthodes opératoires et leurs conséquences. Et en cela, Arkane Studios a fourni un excellent travail, avec la possibilité de rejouer les missions du jeu depuis le menu principal : le jeu est effectivement découpé en missions, totalisant à la fin de chacune d'entre-elles les statistiques, tout particulièrement si vous avez trouvé tous les secrets, tué des gens, ou encore récolté l'ensemble des butins, charmes d'os et autres runes.

Ces dernières sont très utiles au fil du jeu, dès votre rencontre avec l'Outsider au début de votre cheminement. Il s'agit d'un personnage mystique qui vous conférera sa marque, permettant d'utiliser des pouvoirs surnaturels. Ces derniers seront excessivement utiles dans le jeu, tout particulièrement le pli temporel : il s'agit d'un pouvoir qui permet de se déplacer extrêmement vite sur une courte distance, faisant penser à une petite téléportation. Ce pouvoir verra son utilité pour se déplacer de toits en toits, ou pour gagner quelques secondes dans les déplacements au nez et à la barbe des ennemis. Parmi les autres pouvoirs, il faudra compter sur la vision des ténèbres qui nous offre une vision des ennemis au travers des murs, ou encore la possession qui vous donne la possibilité de vous plonger dans le corps d'un être vivant, d'un animal ( rat, poisson, chien, etc ) à un humain, ce qui offre de nombreuses possibilités d'action. D'autres pouvoirs permettront de ralentir très fortement le temps, ou encore invoquer des rats, etc. L'ensemble de ces possibilités permettent des combinaisons parfois très étonnantes, nous poussant à réfléchir à de nouveaux usages pour gagner en efficacité. Pour débloquer et améliorer vos capacités surnaturelles, il faudra acheter ou trouver des runes à l'aide d'un étrange cœur modifié et fourni par l'Outsider.

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L'ombre de Dunwall

Riche dans son gameplay, Dishonored propose une expérience relativement alléchante et immersive, accentuée par une réalisation artistique de très haut vol. En effet, l'univers de Dunwall, ses architectures et ses lumières, en passant par les différents détails des décors, tout a été pensé de manière à nous plonger tout entier dans un monde riche en patrimoine. Les effets de lumière du soleil sont également saisissants, nous laissant admiratif de certains lieux parfois hauts perchés. Le background du jeu est également finement travaillé puisqu'en sus de la progression de l'histoire, le jeu regorge de livres et d'audiogrammes à découvrir, permettant d'en savoir plus sur le passif de cette ville de pêcheurs vivant de l'huile de baleine pour se nourrir et faire fonctionner l'électricité. D'autres trouvailles agrémenteront de détails les personnages clés de l'aventure, ce qui nous poussera à prendre son temps et fouiller de fond en comble les différents environnements.

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Si la partie artistique est indéniablement l'un des points forts du jeu, l'aspect purement technique déçoit quelque peu. La version PS3 testée demeure assez décevante sur ce point, affichant des modélisation parfois peu lissées, ainsi que des textures médiocres sur les décors. C'est véritablement dommage pour un jeu tournant sous l'Unreal Engine 3. En raison de cette réalisation graphique peu poussée par rapport à la concurrence, le jeu reste constamment fluide, n'entravant en rien le plaisir de jeu et c'est bien là le principal. Au niveau de la partie sonore, nous retiendrons surtout un doublage français très honorable, en dépit d'un manque certain de variété dans les voix. En effet, les ennemis ont souvent les même intonations, ce qui a tendance à discréditer légèrement la pertinence de leurs propos.

Concrètement, Dishonored est lui aussi une production à ne pas manquer cette année, que se soit sur PC comme sur console. Toutefois, le titre ne s'adresse pas à tout le monde : les amateurs de FPS pur jus devront passer leur chemin, puisque le titre de Arkane Studios tire son potentiel dans l'art de se dissimuler, d'observer l'environnement et d'agir aux moments opportuns. Le jeu offre une grande liberté d'action et d'approche, ce qui nous pousse à refaire les niveaux pour trouver d'autres solutions, d'autres combinaisons de pouvoirs et d'autres conséquences sur le scénario. Disposant d'une riche identité artistique, le soft déçoit légèrement sur l'aspect technique en raison de textures et de modélisations faiblardes. Malgré tout, l'expérience de jeu est bien présente, offrant un doux air frais dans le marché du jeu vidéo.

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+ Les plus

  • Excellente réalisation artistique
  • Gameplay très bien pensé
  • Level design intelligent
  • Les pouvoirs de Corvo
  • Bonne rejouabilité

- Les moins

  • Graphiquement perfectible
  • IA peu loquace