La vengeance dans la peau

Série initiée en 2002 sur PC avant de débarquer un peu plus tard sur consoles de salon, Mafia a séduit de nombreux joueurs, notamment en raison de la qualité de son scénario qui se déroule dans les années 30. Le second opus s’inscrit dans la droite lignée, proposant également une mise en scène plutôt qualitative. C’est donc avec une certaine impatience que les amateurs de la franchise attendaient Mafia 3, une suite qui s’annonçait plus ambitieuse que ses aînés. Aux mains du studio de développement Hangar 13, le titre abandonne clairement la mafia italienne pour se concentrer sur une approche davantage axée sur les gangsters. La période étant plus récente ( 1968 ), il est désormais question d’attaques plus violentes entre gangs, laissant la place à de nouvelles approches entre malfrats. C’est dans une Louisiane rongée par la ségrégation et le racisme que nous débutons l’aventure dans la peau de Lincoln Clay, un métisse qui devra reprendre les armes suite à son retour de la guerre du Vietnam.

Le titre prend place à New Bordeaux, une ville fictive basée sur la Nouvelle-Orléans de l’époque. De retour dans son quartier auprès de son père d’adoption – qui dirige les alentours – Lincoln sera rapidement amené à aider la mafia italienne qui dirige encore la ville d’une main de fer. La première mission introduit donc la pègre et un objectif plutôt ambitieux que nous devrons réaliser en tant que simple larbin. La première chose qui marque dès les premiers instants de jeu se situe dans ses dialogues. Très crus, ces derniers n’hésitent pas à employer des mots forts et sans tact, significatif de ce qui était de mise il y a près de 50 ans. Hangar 13 met par ailleurs en garde les joueurs vis-à-vis de ces dialogues avant de lancer la campagne. Cette première partie du jeu sert avant tout de tutoriel pour appréhender les bases de la prise en main, tout en introduisant le scénario du jeu. Pendant ce laps de temps, il ne sera donc pas possible de nous balader à notre aise dans New Bordeaux, mais cette petite frustration est contrebalancée par une mise en scène de très bonne facture, assurant une immersion globale aisée par des personnages bien travaillés.

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Ce premier acte se termine sur une note plutôt négative pour Lincoln, puisqu’il est laissé pour mort d’une balle à la tête. Coup de « chance », notre héros s’en sort puisque l’impact n’a fait qu’écorcher son crâne. Le Père James - qui a notamment participé à son éducation - parvient donc à le hisser hors de sa maison familiale incendiée, laissant le reste de ses proches dans les flammes. Après une phase de repos et de soins, notre miraculé s’éveille et n’a plus qu’une idée en tête : faire payer la mafia italienne, responsable de son malheur. Lincoln va donc s’allier à d’autres gangs de la ville ( haïtiens, irlandais, etc ) afin d’éliminer les réseaux mafieux actuels et dominer les différents quartiers avant de faire la peau aux coupables, espérant pouvoir évacuer ses démons.

Le pitch paraît peu original pour les amateurs d’histoire de mafia, mais le titre s’en tire avec les honneurs en raison de sa mise en scène et de ses dialogues toujours très soignés lors des cut-scenes. Ces dernières se révèlent souvent tournées à la manière d'un documentaire sous la forme d’interviews qui se déroulent dans le futur, mais aussi des images d’archives provenant de pièces à conviction. Cette mise en évidence laisse sous-entendre la façon dont Lincoln va évoluer dans cette escalade vers son objectif ultime. Les personnages sont également bien travaillés, offrant un charisme bien particulier pour une majeure partie d’entre eux. Lincoln en lui-même, paraît relativement creux lors des premières heures de jeu, mais sa personnalité va amplement gagner en profondeur au fil de l’aventure. Au final, nous nous y attachons clairement, assurant à nouveau une certaine immersion dans les faits qui s’opèreront au fil de l’histoire.

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La fessée selon Lincoln

Vous l’aurez compris, Mafia III s’en tire clairement avec les honneurs au niveau de son approche et son ambiance, au moyen d’une mise en scène maîtrisée mais aussi de personnages travaillés. Le fait de délaisser un peu l’atmosphère des deux précédents opus est également appréciable et ce, dans l'optique d’insuffler une véritable identité à l’épisode. En dépit de toutes ces éloges, le titre recèle également quelques tares, lesquelles se concentrent notamment dans son gameplay. En effet, la progression dans le jeu est rapidement très répétitive et ce, en raison de mécaniques trop peu diversifiées. En conséquence, nous nous retrouvons très rapidement face à des actions identiques à reproduire à de nombreuses reprises. Concrètement, la progression s’effectue quartier par quartier. Lincoln doit se rapprocher d’un contact, enclenchant une quête principale destinée à prendre contact avec deux informateurs, lesquels donneront des indications quant aux actions à mener pour saboter le trafic de la mafia italienne. Bien que ces trafics soient différents ( prostitution, alcool, drogue ), les démarches à mener s’avèrent toujours les mêmes : infiltrer une base ennemie et y exterminer une cible précise, récupérer des liasses de dollars de la pègre adverse, démolir leurs véhicules de transit, etc, tout en évitant les forces de police. Après avoir suffisamment saboté les trafics, des capos pointeront le bout de leur nez et il conviendra de les appréhender, puis de les recruter ou les saigner sans vergogne.

Ce n’est qu’après cette étape que le lieutenant du quartier apparaîtra et il faudra l’affronter pour dominer les lieux. Ce schéma se répètera dans l’ensemble des zones du jeu, occasionnant ainsi une certaine lassitude sur la durée. Si la ville se veut relativement vaste et généralement bien imaginée sur le plan artistique, les décors intérieurs se révèlent extrêmement peu variés, n’hésitant pas à être souvent honteusement dupliqués d’un endroit à l’autre. Aussi, plusieurs entrepôts et autres bâtiments laissent très souvent une désagréable sensation de déjà-vu. Heureusement, des missions-clés de la campagne viendront ponctuer cette progression quelque peu monotone, apportant une belle mise en scène et des environnements totalement inédits et généralement très bien pensés par l’équipe de développement. Nous regrettons simplement que ces missions soient si peu nombreuses, hachant le rythme global de la majeure partie du gameplay.

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Du côté de la prise en main, l’ensemble se présente relativement standard. Lincoln répond plutôt bien aux commandes et s’appuie sur un système de couverture vraiment classique lorsqu’il est à pied. Il peut donc se trouver des abris de fortune pour approcher les ennemis, voire s’y cacher lors des fusillades. La visée se veut correcte dans l’ensemble, au même titre que l’action contextuelle pour les attaques au corps-à-corps. Reste la caméra qui rencontre parfois des difficultés à suivre l’action, notamment dans les lieux exigus. Si les phases de gunfight se montrent plutôt grisantes en raison d’un feeling global appréciable des armes et des réactions des adversaires, l’approche en infiltration est soporifique et ce, pour une unique raison : l’intelligence artificielle. En effet, l’IA du jeu est terriblement médiocre. En conséquence, il est très facile de passer au nez et à la barbe des ennemis sans que ces derniers n’aient réellement de soupçons. Mieux encore, il est possible d’attirer les adversaires un à un derrière un obstacle, en attirant leur attention en sifflant. Il convient simplement d’attendre leur venue et les cueillir avec notre couteau. Encore une fois, le schéma peut se répéter à l’infini et cela en devient lassant de facilité. Lors d’échanges de tirs, l’IA réagit toujours plus ou moins de la même façon et nous nous retrouvons rapidement à jouer au « jeu de la taupe », attendant que les malfrats osent lever leur tête de leur abri pour leur coller une balle dans la caboche.

On apprécie toutefois la conduite qui a bénéficié d’un soin tout particulier. Nous restons évidemment sur une prise en main résolument arcade, mais l’impression de lourdeur des voitures est convaincante, assurant quelques belles glissades dans les virages. Nous regrettons toutefois que trop peu de missions engagent des courses-poursuites, laissant cet aspect du jeu en net retrait face à la progression à pied. Toute ces petits tracas laissent à penser que Hangar 13 n’a pas eu le temps de finaliser son jeu comme il l’aurait souhaité.

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Un potentiel gâché

À ce stade du test, nous constatons que Mafia 3 assure sur son ambiance, sa mise en scène, tout en proposant un gameplay classique mais emprunt de défauts plutôt pénalisants et ce, en raison d’un manque certain de diversité et de finition globale. Qu’en est-il de la partie technique ? Fort malheureusement, il s’agit d’un nouveau point noir pour le soft puisque les problèmes visuels sont nombreux. En effet, une multitude de bugs sont de mise, occasionnant parfois des soucis liés au confort de jeu et à la progression. Depuis la sortie du titre, des mises à jour ont résolu les tares les plus pénalisantes, mais il demeure encore énormément de petits défauts qui laissent une nouvelle fois à penser que les optimisations n’ont pas été menées de la meilleure des manières.

Le titre souffre de clipping, scintillements et autres affichages tardif des modèles 3D. Cela se constate majoritairement lors des déplacements en véhicule. Par ailleurs, l’équipe de développement a maintenu l’affichage d’un rétroviseur qui laisse apparaître des graphismes tellement dépouillés que nous nous demandons si nous ne sommes pas revenus dix ans dans le passé. Clairement, l’équipe de développement aurait pu se défaire de cette fonctionnalité clairement dispensable et ce, afin d’allouer plus de performances au reste de l’affichage. Pour continuer dans le registre des malfaçons, des textures s'intègrent parfois bizarrement, occasionnant des clignotements très désagréables sur les personnages et autres décors. La gestion de la lumière est également particulièrement étonnante, affichant des éléments éclatants en pleine nuit – mais aussi l’inverse – plutôt déstabilisants. Également, la synchronisation labiale de certains échanges ( hors cinématiques ) se révèle souvent totalement décalée.

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Heureusement, le titre évite la catastrophe en raison d’une direction artistique très soignée, assurant une ambiance de qualité. Dommage que ce travail en amont soit dynamité par ces nombreux soucis techniques. Sur le plan sonore, Hangar 13 a fait du bon travail : la qualité des musiques des années 60, les talk-shows à la radio, l’efficacité des doublages ( même en français ). Tout y est à ce niveau, relevant ainsi le niveau du plan technique.

Mafia III

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Un mot enfin sur la durée de vie du titre. Cumulant une petite vingtaine d’heures pour parvenir au générique de fin, Mafia III ne propose clairement pas la diversité d’un jeu open world de Rockstar et ce, en raison d’une ville relativement grande mais finalement assez vide d’activités : il est possible de récolter quelques affiches des pin-ups et autres Playboy, ainsi que des circuits électroniques qui serviront à découvrir les autres secrets à récolter, ou encore voler la caisse de quelques commerces de proximité. En dehors de cela, vous pourrez vous balader à votre aise, mais les panoramas seront souvent enlaidis pour les raisons techniques sus-mentionnées. Vraiment dommage, au vu du potentiel du titre !

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+ Les plus

  • Superbe mise en scène
  • Ambiance réussie
  • Direction artistique de qualité
  • Excellente bande son

- Les moins

  • Nombreux problèmes techniques
  • Intelligence artificielle très médiocre
  • Terriblement répétitif !
  • Environnement sous-exploité