La future norme WiFi 802.11n ressemble de plus en plus à une pomme de discorde, au point que même au sein de l'organisme chargé de sa certification, l'unité en a pris un coup. La WiFi Alliance se démarque de l'organe technique IEEE, en affirmant que le super-WiFi gagnera ses galons dès l'an prochain. Qui a tort, qui a raison '


Le marketing avant tout
L'IEEE (Institute of Electrical & Electronics Engineers) est officiellement chargé par la WiFi Alliance d'examiner les propositions techniques faites par les auteurs de solutions de connexion à Internet sans fil, entre autres choses. Aussi, lorsque cette organisation fait savoir que les documents et rapports d'expertise qui lui ont été soumis ne permettent pas de décerner une certification avant 2008 au plus tôt, elle fait beaucoup de mécontents. La WiFi Alliance, de son côté, n'est jamais qu'une plate-forme de promotion pour ce type de connexion sans fil, dont le nom "WiFi" n'a pas de signification particulière, et que quelques (trop) rares pays appellent par son véritable nom, WLAN, pour Wireless Local Area Network, ou réseau local de connexion sans fil.

Hélas, trois fois hélas, lorsque les forces (parfois obscures) du marketing entrent en collision frontale avec celles de la technique, ces dernières prévalent rarement. L'IEEE est en train de l'apprendre à ses dépens : le WiFi 802.11n représente une somme d'investissements colossale, et le moindre retard fait grimper l'addition. Annoncer que cette sorte de "super-WiFi" (il promet des débits descendants de l'ordre de 540Mbps) n'était "techniquement pas mûr", et qu'il faudrait attendre deux ans au moins avant qu'il ne soit au point, revenait à traiter de menteurs tous les industriels, fabricants de PC et de cartes WiFi confondus, qui commercialisaient déjà des produits "compatibles 802.11n". D'où la différence d'interprétation à laquelle nous assistons depuis quelques jours.


Argument, contre-argument
Difficile de dire qui, de l'IEEE ou de la WiFi Alliance, a tort, et qui a raison. La vérité est, comme bien souvent, affaire de nuance plus que d'absolu, mais si l'on se base uniquement sur les arguments techniques, l'organisme de certification a sans doute de bonnes motivations pour expliquer pourquoi la première mouture du WiFi 802.11n devait subir, dans sa définition, plus de 12.000 modifications avant de se représenter devant les instances chargées de lui donner leur aval. Pour la WiFi Alliance, et ses principaux sponsors, à commencer par Intel, c'était un camouflet, et les marques (Dell, Acer, entre autres) qui avaient commencé à communiquer urbi et orbi sur la présence dans leurs nouvelles machines de puces WiFi compatibles avec le 802.11n se sont retrouvées, comme on dit familièrement, le derrière entre deux chaises.

Pire encore, les fabricants de chipsets WiFi, à l'image de Netgear ou d'Airgo (et maintenant de Broadcom) passaient pour des apprentis-sorciers en clamant que leurs nouvelles puces accepteraient sans sourciller des débits auxquels les prototypes soumis aux tests de l'IEEE ne peuvent toujours pas prétendre... Du coup, pour ne pas perdre la face, la mention "WiFi 802.11n compatible" a cédé sur les étiquettes la place à un "WiFi 802.11n pre-standard compatible", ce qui n'est pas tout à fait la même chose.


Passage en force
Pour justifier cette volte-face qui ne dit pas son nom, et se prémunir contre l'ire des premiers clients qui, une fois raccordés aux vrais réseaux en 802.11n, constateront que les débits promis ne sont pas là, fabricants de puces et de PC critiquent la méthode d'examen technique, et par voie de conséquence, de certification, de l'IEEE. Et de fait, il est fort probable que dès le printemps 2007, la WiFi Alliance donnera sa bénédiction au lancement d'une série de matériels compatibles avec la première définition technique de cette nouvelle norme, alors même que plus de 12.000 modifications y auront (peut-être) été apportées entre temps.

Vous l'aurez compris, les industriels veulent profiter de l'engouement né de l'annonce de lancement "imminent" de ce super-WiFi, et les énormes quantités d'argent englouties depuis dans la promotion de cette technologie ne contribuent pas calmer les esprits. Que les 75% d'opinions favorables nécessaires à la promulgation de cette norme n'aient pas été atteints lors de sa présentation, en mai dernier, devant l'organisation de certification ne changera rien à l'affaire.

Dans le passé, la WiFi Alliance a toujours attendu l'assentiment technique de l'IEEE pour annoncer la naissance d'un nouveau standard de connexion WLAN, à l'exception de l'éphémère 802.11i, qui valait surtout pour l'introduction de la protection WPA en lieu et place de la moins efficace WEP, et dont la première mouture a finalement été lancée, avant d'être amendée en WPA2 quelques mois plus tard. Mais à l'époque (en 2004), cette particularité n'affectait pas les débits annoncés.


WiFi Connection
Les fabricants de chipsets, pendant ce temps-là, boivent du petit lait, à l'image de Broadcom, qui se félicite dans un communiqué de presse de l'attitude "responsable" de la WiFi Alliance, ajoutant "qu'en certifiant une interopérabilité entre les produits 'N-draft' (Ndlr : répondant à la première défintion du WiFi 802.11n, comme ceux commercialisés par Dell et Acer, notamment) et ceux qui seront basés sur le standard final, la WiFi Alliance contribue à rassurer les consommateurs qui souhaitent faire aujourd'hui l'acquisition d'un matériel WiFi. Tout en supportant complètement les appareils 'N-draft', Broadcom continuera de travailler avec les autres fabricants pour assurer l'interpopérabilité nécessaire."

Evidemment, Airgo, à l'origine de la technologie MIMO sur laquelle le WiFi 802.11n s'appuie, fait aussi connaître son satisfecit, ajoutant que la décision rendue par la WiFi Alliance contribuera à "apaiser le chaos".

Ainsi soit-il...