Méli-mélo dans mon cerveau

Tout joueur qui se respecte connaît la règle fondamentale des adaptations vidéoludiques de productions cinématographiques : la qualité n’est pas nécessairement  au rendez-vous. En effet, les développeurs s’avèrent souvent pris par le temps afin de commercialiser leur produit en corrélation avec la sortie du film, voire se reposent sur le buzz de ce dernier pour réduire le temps de conception. La licence James Bond, jusqu’alors aux mains d’Electronic Arts (si l’on excepte l’excellent GoldenEye de Nintendo), n’a pas toujours donné naissance à des productions de qualité, hormis le très court Quitte ou Double. Après trois ans de pause suite à un Bons Baisers de Russie ravivant un Sean Connery au sommet de son art, Activision reprend le flambeau de la licence avec 007 : Quantum of Solace, à l’occasion de la sortie du film en salles.

Pour le coup, l’éditeur américain a fait appel à un studio bien connu des amateurs de FPS, puisqu’il s’agit de Treyarch. Habitué aux licences fortes (Call of Duty) et aux adaptations de films (Spider-Man, Minority Report), ce développeur semble donc la solution parfaite pour le nouvel épisode de Bond qui, bien évidemment, penche complètement vers une jouabilité FPS. Vous êtes frustré de ne pas avoir eu d’adaptation de Casino Royale ? Qu’à cela ne tienne, Treyarch a décidé d’incorporer une grande partie de ce volet, s’agglutinant à quelques bribes de Quantum of Solace. Les deux œuvres cinématographiques étant pour une première fois chronologiquement liées, ce mariage n’est pas des plus malvenus.


Néanmoins, force est de constater que le jeu ne fait qu’effleurer les scénarios en les entremêlant d’une façon parfois brouillonne, surtout si le joueur n’a pas vu les films. En effet, les quinze chapitres qui servent de fondement au jeu s’enchaînent de manière brutale, maladroite et surtout complètement déstabilisante, pour peu que l’on n’ait pas vu les œuvres d’Ian Flemming. Ainsi, on se retrouve à arpenter quelques bribes de Quantum of Solace avant de passer certaines scènes de Casino Royale pour sauter à nouveau sur l’autre scénario. Les transitions étant pour ainsi dire abruptes, il ne sera pas rare de passer du coq à l’âne sans pouvoir suivre une intrigue en bon et due forme. On se laisse donc vite penser que Treyarch a avant tout joué du fan service, ne proposant que quelques scènes clés des deux films, mis en scène avec une certaine précision et un sens du détail somme toute bien présent.

Toujours est-il que le jeu peut se targuer de nous dépayser un maximum en un minimum de temps. Notre Craig David favori fera le tour du monde, de l’Angleterre en Bolivie, en passant par Sienne ou encore Monténégro, tout en maitrisant son éternel Walther PPK avec panache. On revivra ainsi certaines scènes telles que la course-poursuite dans le chantier africain, la fusillade au plein milieu du casino et sa fameuse scène de l’empoisonnement, ou encore la jouissive partie de snipe sous la pluie. En dépit de cet enrobage à première vue attrayant et, comme les films nous le démontrent, est propice à des fusillades particulièrement musclées, la production de Treyarch rencontre de lourdes lacunes qui, à l’ère des consoles actuelles, est impardonnable.

Étriqué comme un smoking

Force est de constater que le précédent travail réalisé par Treyarch sur Call of Duty a été bien appliqué puisque 007 : Quantum of Solace reprend stricto sensu la jouabilité du célèbre FPS, permettant de ce fait un confort de jeu maximisant le plaisir et l’intérêt. David répond au doigt à à l’œil, maniant son arme avec une précision qui ferait pâlir Lucky Luke. L’accessibilité est bien présente, permettant de s’avancer sur la possibilité de toucher un public étendu. On constatera également que les développeurs se sont assurés de piocher quelques éléments chez les productions concurrentes, notamment le principe de couverture façon Gears of War, GTA IV et plus précisément Brother in Arms : Hell’s Highway (accéder au test), puisque la maniabilité et la visibilité (à la troisième personne) y sont clairement les mêmes. Cette fonctionnalité, très utile au demeurant, connaît le même souci que la production de Gearbox, à savoir une simplicité à toute épreuve.

En effet, il suffit de se planquer derrière les nombreux décors du jeu à l’aide de la touche dédiée pour être à l’abri total des balles ennemies. À partir de là, vous aurez deux possibilités : tirer à l’aveuglette pour calmer les ardeurs des opposants, ou se lever afin de faire feu avec une précision expéditive. Le jeu est configuré de manière à utiliser cette technique à outrance, ce qui offre une certaine répétitivité toutefois peu gênante au vu de l’optique de la licence et de la pertinence des contrôles. Le jeu étant clairement orienté vers le grand public, la difficulté se montre minimale. Pour peu que vous soyez habitué aux FPS, je ne peux que vous conseiller d'opter pour le mode Agent (difficile) qui est, à notre sens, la difficulté la mieux adaptée pour ne pas trop se rendre compte des larges faiblesses de d'une intelligence artificielle illogique et diablement mal configurée. C’est également dans ce mode que les ennemis sont suffisamment vifs pour tenter des débordements latéraux ou postérieurs pour vous déloger de votre bouclier de fortune. Toutefois, les environnements vous offriront constamment des éléments interactifs (malheureusement en surbrillance pour les identifier) tels que des panneaux électriques, extincteurs et autres bombonnes de propane, afin de procéder à un véritable carnage.


L’ami James étant à la base un espion sensé se jouer de la prudence pour se glisser dans des lieux de haute sécurité tenus par de vils terroristes, 007 : Quantum of Solace propose son lot de missions d’infiltration qu’il est possible d’appliquer dans les règles ou pas, selon votre patience et votre tact en la matière. Pour vous la jouer subtil, il faudra préférer les attaques surprises aux fusillades (même équipé d'un silencieux). Le jeu comportant des coups fatals au corps à corps à l’aide de la touche adéquate (qui change selon l’attaque infligée), vous pourrez aisément mettre au tapis les terroristes dans un silence d’or. Les rondes des ennemis étant très restrictives, vous n’aurez aucun mal à vous glisser dans leur dos. Il faudra néanmoins être vigilant aux nombreuses caméras de sécurité qui n’hésiteront pas à vous coller une fricassée de soldats sur-armés sur le dos si toutefois l’alarme se déclenche. Grâce à vos gadgets technologiques, vous pourrez pirater les terminaux de sécurité afin de transférer les données des caméras sur votre téléphone mobile, permettant de bien les apercevoir sur votre radar, à l’instar de celui de Metal Gear Solid. Il faudra ensuite jouer de votre furtivité pour passer outre les angles de vision, voire de les désactiver via leurs panneaux de contrôle respectifs.

Bien que les fonctionnalités se montrent globalement pertinentes, force est de constater qu’une énorme lacune vient entacher le jeu : la linéarité. Cette dernière est tellement présente qu’un seul et unique chemin peut être emprunté dans chaque niveau, ce qui annihile tout sentiment de liberté. Il est donc impossible de passer par des sentiers alternatifs, toujours bloqués par des éléments, grilles et autres portes malheureusement impossibles à ouvrir. On se retrouve donc dans une configuration totalement obsolète  pour un FPS, ce qui est terriblement dommage à une époque ou de plus en plus de productions vidéoludiques s’axent sur un champ d’action plus élargi. On peut imaginer que Treyarch, dans un souci de maintient du dynamisme et de la fidélité aux œuvres cinématographiques, a volontairement appliqué ces brides.

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Le multi sauve la mise

Techniquement parlant, 007 : Quantum of Solace utilise le moteur du très apprécié Call of Duty 4 : Modern Warfare. Seulement, le rendu reste étonnamment en deçà du célèbre FPS, à commencer par la modélisation de certains modèles (notamment les visages) et des environnements parfois hautement insuffisants, sans parler de la qualité des textures jouant au yoyo d’un niveau à l’autre. Difficile de croire qu’il s’agit du travail du studio chargé de Call of Duty : World at War, tant la réalisation semble nettement en dessous de ce qui se fait actuellement sur les consoles nouvelle génération. Ne parlons même pas des effets pyrotechniques peu impressionnants, entraînant d’irrémédiables baisses de frame rate. Toujours est-il que la mise en scène reste globalement cohérente, séparant  parfois l’écran en deux points de vue, notamment lors des phases de poursuites qui se soldent souvent par des QTE reprenant trait pour trait les combats des films. De plus, les temps de chargements sont intelligemment dissimulés au sein même des séances de débriefing, afin de ne jamais rester complètement passif devant la console.

Pour ce qui est de la réalisation sonore, bien que les thèmes musicaux issus des films soient positionnés de manière à agrémenter le dynamisme de la partie, les malheureux doublages français n’offrent aucune profondeur à l’aventure, notamment celle de James Bond, poussive à souhait. Qui plus est, le volume des voix est désespérément bas par rapport à celui des effets (et impossible à modifier dans les options), ce qui est d’autant plus handicapant pour s’attacher aux fragments de scénarios placés ci et là par Treyarch.


Comme sus-évoqué, la linéarité est la principale plaie de la nouvelle aventure vidéoludique de James Bond, et cela se répercute inévitablement sur la durée de vie qui ne dépassera guère les six heures de jeu, si toutefois vous prenez le temps de fouiner les quelques rares recoins optionnels afin d’y dégoter des téléphones mobiles et autres caisses de munitions. Bref, les quinze chapitres s’enchaînent sans grande difficulté, si ce n’est les quelques peaufinages de timing lors des phases chronométrées. Le mode solo reste donc clairement trop light, le rapport durée / prix étant amplement exagéré, d’autant plus que le taux de rejouabilité frôle le zéro et ce, en dépit de la présence des Succès / Trophées somme toute facile à décrocher. Pour se convaincre d’un second souffle, Treyarch a appliqué un mode multijoueur particulièrement fourni, exploitable jusqu’à douze joueurs. En effet, pas moins de sept modes de jeu sont présents, des éternels Deathmatch et Team Deathmatch, aux parties d’évasion,  de désamorçage de bombes, de contrôles d’objectifs, ou encore du fameux mode Pistolet d’Or.

Bien qu’il soit issu du développeur de Call of Duty : World at War, 007 : Quantum of Solace n’a pas bénéficié d’un traitement de faveur aussi important. Ainsi, on se retrouve devant un jeu techniquement décevant, accusant une linéarité d’un autre temps et d’une durée de vie plus que minime. Cependant, les fans apprécieront la combinaison de diverses scènes clés de Casino Royale et Quantum of Solace, même si elles se présentent de façon assez maladroite. Toujours est-il que l’on ressent clairement le confort de jeu hérité à Call of Duty, proposant une prise en main à la fois intuitive, efficace et particulièrement accessible. Même si le résultat final reste digeste pour une adaptation cinématographique, 007 : Quantum of Solace demeure un achat secondaire malheureusement assez onéreux par rapport à son intérêt sur le long terme. Pour les plus curieux, l’achat sur le marché de l’occasion serait plus judicieux.

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007 : Quantum of Solace est disponible à l'achat à partir de 35,06 €.

+ Les plus

  • Prise en main intuitive et confortable
  • Quelques niveaux techniquement réussis
  • Phases d'infiltration intéressantes
  • Multijoueurs complet

- Les moins

  • Linéarité affligeante
  • Durée de vie minuscule
  • Rejouabilité absente
  • Moteur graphique mal calibré
  • Doublage français médiocre
  • Intelligence artificielle générique
  • Scénario survolé