Lorsque la peur côtoie la phobie

Force est de constater que la Wii présente à l'heure actuelle un catalogue de jeux essentiellement orienté vers le grand public. Si quelques tittres sortent du lot avec des effusions d'hémoglobine et autres violences viscérales, Rainbow Studios a décidé de manipuler les joueurs en exploitant leurs failles les plus profondes : leurs phobies. Si chaque personne se montre réactive à différents degrés aux éléments qui les entourent, force est de constater qu'une poignée de grandes peurs sortent régulièrement du lot. Si la claustrophobie en est une (déjà exploitée dans quelques jeux tels que Silent Hill 4 : The Room), l'entomophobie et l'arachnophobie sont souvent notées chez nos semblables. En effet, de nombreuses personnes ont une peur bleue des insectes et araignées pour des raisons d'apparence, de son généré ou encore des mouvements effectués.

Quoiqu'il en soit, l'équipe de développement basée dans l'Arizona a souhaité se focaliser sur ces idées en concevant Deadly Creatures. En effet, le soft permet d'incarner à tour de rôle une mygale bien velue et un dangereux scorpion qui devront se frotter à divers animaux dangereux et affamés, d'autant plus que la totalité de l'aventure prend place au plein cœur du désert de Sonora. Si d'apparence, nous pourrions croire que l'audacieuse production ne se contente que d'un concept sans intrigue, sachez qu'un scénario est de mise et intelligemment appliqué, malgré un certain manque de profondeur. Après une courte cinématique présentant une station-service en pleine explosion et l'arrivée des forces de l'ordre, vous revivrez les évènements passés en amont. Suivant le scénario depuis les bas fonds terrestres, vous apprendrez comment cette finalité a été engendrée, prenant conscience d'un mystérieux trésor enterré et aux premières loges d'un meurtre égoïste.

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Si le scénario flash-back n'est pas des plus originaux, la façon de le vivre est nettement plus marginal. Comme vous incarnerez l'une des créatures les plus dangereuses du désert, vous serez souvent sujet à entendre diverses discussions ou apercevoir les protagonistes au loin afin de cerner les détails de cette étrange quête financière et ce règlement de compte au cœur des terres ensablées. Au fil du jeu, vous serez de plus en plus proche des hommes, permettant de passer tout proche de leurs effets personnels, modélisés à l'échelle. Dans ce vaste monde, il faudra user de votre sens de l'observation à outrance, au même titre que votre prompt réactivité aux dangers qui se présentent à chaque recoin.

Rainbow Studios a cherché à débecqueter le joueur, à le confronter à ses hypothétiques peurs en lui permettant de contrôler ses ennemis de toujours. Pour mettre dans l'ambiance, le menu principal se déroule sur un fond de cinématique qui affiche à tour de rôle serpents, lézards, mantes religieuses et autres mygales en gros plan, permettant d'apprécier leurs mouvements saccadés et leurs apparences visqueuses au détour d'un arrière-plan aussi sombre qu'inquiétant. Toujours est-il que le jeu ne vous permettra que d'incarner une mygale et un scorpion, bien qu'il aurait été intéressant de tâter d'autres espèces qui assurent la chair de poule à de nombreuses personnes.

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Une araignée au plafond

La trame du jeu se découpe en dix chapitres dans lesquels le joueur tâtera tantôt la mygale, tantôt le scorpion. Cette technique permet d'amenuiser un ennui certain puisque les deux créatures disposent d'un gameplay foncièrement différent. Si la mygale se montre plus réactive en déplacements, le scorpion se révélera bien plus efficace en combat. Sans s'arrêter là, les attaques possibles varieront de façon significative d'une créature à l'autre. Si de base, le panel de coups est assez limité, sachez qu'après quelques rixes, vous acquerrez de nouveaux mouvements et attaques. La mygale pourra ainsi faire des charges sautées, s'adonner à des jets de toile ou encore empoisonner l'ennemi, le scorpion aura la possibilité de piquer avec son dard, creuser dans le sol et déblayer des brindilles. Dans les deux cas, des combos seront accessibles au fil du jeu afin d'enchaîner comme il se doit les affreuses bestioles qui viendront vous titiller. À ce sujet d'ailleurs, le bestiaire se montre bien fourni avec une bonne palanquée d'araignées de toute race, des guêpes pepsis, différentes espèces de lézards, quelques scorpions, rats et autres mantes religieuses bien féroces. Les phobiques apprécieront.

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Pour ce qui est de l'intégration des contrôleurs de la Wii, sachez que Rainbow Studios a pratiqué dans le cas présent un travail particulièrement riche puisque les nombreux coups possibles utilisent efficacement la Wiimote et le Nunchuk. Les combos par exemple nécessitent de combiner la touche A avec une inclinaison horizontale ou verticale de la Wiimote. Certaines attaques nécessitent même de retourner la télécommande pour les mener à terme. Qui plus est, le soft se dynamise de phases de Quick Time Event qui profitent efficacement aux fonctions gyroscopiques de la Wiimote et du Nunchuk. Pour mettre en œuvre ces phases en combat, il suffit d'affaiblir l'ennemi et d'appuyer sur la touche C lorsqu'elle s'affiche à l'écran. Délibérément exagérés, ces passages offrent néanmoins une richesse indéniable en terme de rythme des combats, originellement assez faiblards en efficacité. En effet - et quelle que soit la difficulté sélectionnée -, les ennemis se montrent assez peu féroces et souvent maladroits. Vous l'aurez compris, l'aventure se montre globalement simpliste.

En dépit des combats, sachez qu'une grande part de votre avancée sera formée d'exploration pure et dure. L'environnement étant particulièrement vaste en suivant les proportions de votre petit animal, les développeurs ont joué sur la complexité du level-design, d'ailleurs globalement bien imaginé. Ayant la faculté de grimper aux murs, voire aux plafonds, la mygale comme le scorpion se retrouveront souvent dans des positions déstabilisantes pour le joueur. C'est surtout avec notre petite amie velue que vous serez sujet à des rotations incessantes, notamment lors des phases de sauts de toile en toile. De ce fait, un grand sens de l'observation est nécessaire afin d'atteindre votre objectif, notamment lors des derniers chapitres du jeu. Malheureusement, votre avancée sera sans cesse entravée par la caméra non réactive aux décors arpentés, nécessitant de redéfinir manuellement via la croix directionnelle. Autant vous dire que ce n'est pas toujours la joie en combat.

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Qui s'y frotte s'y pique

Fondamentalement, Deadly Creatures se montre techniquement correct, présentant des animations de qualité pour une grande majorité des créatures (exception faite des lézards et des rats et leurs rotations parfois étranges). Plus encore, c'est du côté du level-design qu'il faut souligner les qualités fournies par l'équipe de développement. Affichant des environnements souvent riches en éléments (notamment la station-service, le camion et le lieu de fouille), le joueur ressentira une réelle cohérence de l'échelle et appréciera les distances calculées. Malheureusement, certains recoins caverneux se montrent à la fois trop sombres, clairement fades, voire totalement répétitifs. Si ce point semblait inévitable pour coller à une parfaite cohérence avec un environnement réel, il aurait été intéressant que ces passages ne s'étendent pas sur plusieurs chapitres. De ce fait, une certaine redondance tend à s'installer par moments, démontant ainsi le rythme de l'avancée.

Malgré tout, l'ambiance a été bien étudiée puisqu'en sus de la conception visuelle globalement de bonne facture, la partie sonore n'a pas été laissée aux oubliettes. Collant aux environnements désertiques, dangereux et oppressants, les thèmes musicaux se montrent discrets mais suffisamment accentués pour s'accompagner naturellement aux incessants piétinements de vos petits compagnons. Afin de tenter d'agrémenter la jauge de stress, une poussée de volume et d'effets se font entendre lorsque des ennemis apparaissent sur votre chemin pour tenter de vous dévorer tout cru. Dommage que les combats n'aient pas une intensité suffisante pour bien retranscrire la monstruosité initialement recherchée par les développeurs. Qui plus est, le joueur se montre entravé par une caméra latente, mais aussi quelques bugs de collision selon les obstacles rencontrés au niveau des décors.

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En ce qui concerne la question qui fâche, la durée de vie, ne vous attendez aucunement à une longévité à toute épreuve. Sur les dix chapitres au total, comptez cinq à sept heures pour connaître le fin fond du scénario et de sa issue très clairement bâclée. L'avancée se montrant majoritairement très linéaire, la marge se veut de toute façon assez resserrée. Bien évidemment, la difficulté commencera à vous tenir en haleine au-dessus du mode normal, mais ce facteur ne se montre pas suffisant pour excuser la faible durée de vie. Seuls les plus maniaques pourraient trouver un intérêt à traquer les quelques 450 larves du jeu et les sauterelles vertes pour débloquer des galeries bonus et booster sa barre de vie. Pour mener à bien ces objectifs de seconde zone particulièrement light, il faudra prendre son temps à fouiller les moindres recoins du jeu, nécessitant à n'en pas douter de quelques heures supplémentaires.

Audacieux dans son approche, Deadly Creatures fait partie des productions marginales qu'il est utile de saluer, à une époque où la Wii enchaîne les jeux potentiellement médiocres et à haute valeur grand public. Se chargeant de jouer sur les différentes phobies, Rainbow Studios signe dans le cas présent un jeu d'action-aventure teinté de beat'em all globalement honnête d'un ordre purement technique, mais efficace dans la richesse de ses contrôles via la Wiimote et le Nunchuk. Seulement, le jeu se teinte d'un manque de rythme évident au cours de certains chapitres, accentué par quelques lacunes de caméra et autres légers bugs. Si l'ambiance reste de bonne école, l'intérêt reste systématiquement au rabais, d'autant plus que la durée de vie se révèle limitée par un manque certain de liberté d'action et d'objectifs secondaires.

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Deadly Creatures est disponible à l'achat à partir de 43,95 €.

+ Les plus

  • La tangente phobique bien exploitée
  • L'ambiance bien fournie
  • Le gameplay optimal
  • Le level-design, dans sa globalité
  • Les animations

- Les moins

  • La durée de vie
  • Caméra dans les choux
  • Modélisation parfois moyenne
  • La linéarité
  • Le rythme qui s'essouffle