Introduction d'une désillusion ?

Level-5 s'est construit une solide réputation au fil des années, sa renommée n'ayant cependant atteint nos frontières que lors de la sortie en Occident de Dragon Quest VIII. Certains auront pu être séduits deux ans plus tôt par un Dark Chronicle presque plus confidentiel mais néanmoins très attachant. Rogue Galaxy fut la dernière (très bonne) production du développeur nippon sur PS2. Nous étions alors en 2005, et après l'annulation de True Fantasy Live Online sur Xbox, on se demandait comment Level-5 allait rebondir. La réponse nous sera parvenue sur consoles portables, et plus particulièrement sur Nintendo DS, où le Professeur Layton et ses énigmes auront été brillamment introduits, une série comptant à l'heure actuelle quatre épisodes et dont le succès ne s'épuise pas.

Mais en revenant vers Sony et sa PS3, il était nécessaire pour Level-5 de retrouver de l'ambition, qui devait se traduire par le développement d'une nouvelle production léchée, avec une mise en scène de qualité, un gameplay innovant et plaisant, sans oublier une histoire qui tienne la route. Les premiers instants de jeu de White Knight Chronicles peinent malheureusement à convaincre. Levez le rideau.

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Le roi Valtos tente tant bien que mal de diriger le royaume de Balandor, malgré le chagrin persistant qui l'habite. Une peine causée par l'assassinat de son épouse, perpétré par l'empire Faria quand sa fille, Cisna, n'était encore qu'une petite fille. Cette dernière se trouvait sur les lieux quand le meurtre fut commis, et le choc provoqué par le décès de sa mère l'a conduite à un mutisme permanent depuis lors. On comprendra ainsi mieux le malaise ressenti par certains membres de la monarchie de Balandor, comme le Sire Cyrus, quand Faria, en la personne de l'archiduc Dalam, est invité par le roi Valtos dans le cadre d'une fête. Un signe évident de réconciliation qui tournera cependant au drame, car Cisna verra pendant cet évènement son père mourir devant elle, ce qui ne pourra que lui arracher des larmes de douleur et des mots de profonde haine envers l'agresseur, Dragias.

Elle sera sauvée par Léonard, un jeune garçon qui se souvient bien d'elle pour l'avoir croisée quelques années auparavant. Dans leur fuite, ils finiront par tomber sur l'Arche du Chevalier Blanc, ancienne relique permettant à celui qui la possède de revêtir une forme extrêmement puissante. Un atout ô combien utile que Léonard sera obligé de solliciter pour s'opposer sérieusement à l'organisation Magi.

Bloqués dans le passé

Le scénario n'a pas grand chose d'engageant quand on le découvre, il faut bien l'avouer. Et ça ne s'arrangera pas vraiment les heures défilant. Certes, Level-5 ne nous a jamais habitués à des intrigues sortant du traditionnel schéma "princesse enlevée par un méchant de noir vêtu et secourue par un héros habillé en blanc", et on ne lui en a jamais voulu pour cela. Mais la recette prend de l'âge, et d'autres titres avant lui ont su excellemment bien l'exploiter. Difficile de narrer efficacement de nos jours une histoire que l'on nous a déjà servie à maintes reprises, avec à chaque fois quelques minimes variantes. A peu de choses près, le plan décrit plus haut est celui auquel nous aurons droit dans White Knight Chronicles.

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Mais au-delà de la trame désespérément clichée, ce qui l'enfonce un peu plus, c'est ce character design peu inspiré qui nous oblige à compter dans notre équipe un Léonard tête à claques dont on recherche encore le charisme, son amie Yulie aux cheveux violets qui n'a apparemment pas encore eu de crise d'identité, ou encore Eldore, l'habituel senior qui en sait plus que tout le monde, parce qu'il a une barbe. Fort heureusement, en confectionnant soigneusement votre avatar qui accompagnera le groupe à l'aventure (bon point, bien que vous serez ignoré(e) la plupart du temps), le niveau de base pourra certainement être relevé. L'éditeur est assez complet (même si j'ai eu des soucis au niveau des yeux de mon personnage, qui semblent rester désespérément bridés alors qu'ils ne le sont réellement pas), bouche, nez, menton, corpulence, pilosité, n'hésitez pas à prendre votre temps sur tous les paramètres modifiables pour vous représenter de la manière la plus juste possible. Ne serait-ce que pour favoriser l'immersion.

Judicieuses références

Si, au début de l'aventure, vos vêtements n'ont rien d'attirant, selon l'équipement que vous achèterez plus tard chez les marchands spécialisés, votre apparence se modifiera en conséquence, même pendant les cut-scenes du jeu. Madame Cohérence devrait en être ravie. Quelques mots sur l'aspect graphique du jeu : on ne peut pas dire que jusqu'à aujourd'hui, Level-5 nous ait déçus par sa maîtrise du hardware made in Sony. Après avoir poussé loin la PS2 il y a quelques années, le développeur récidive aujourd'hui sur PS3 en nous livrant, avec White Knight Chronicles, de bien belles choses à admirer si on regarde le titre d'un point de vue global. Pas tellement tuant lors des cinématiques, il inspirera un respect plus grand quand on arpentera une forêt aux teintes délicieusement orangées par un coucher de soleil aguicheur, ou cet immense désert au sable chaud qui rappellera l'esthétique du même décor dans Final Fantasy XII. Parlons-en justement de cette "filiation", car dans les lieux traversés, la représentation des combats (jusqu'à la "repompe" du cristal de sauvegarde et ces petits êtres aux oreilles de lapin !), on sent vibrer une touche de FFXII, et même si ça n'a pas été consciemment voulu, la sensation demeure agréable.

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Dans la façon d'aborder les batailles, on touche effectivement de très près à Final Fantasy XII. Mais à y regarder de plus près, nous avons également ici une légère inspiration en provenance de FFXIII. Explications : pour réaliser une action en cours de combat, ou plus exactement pour faire appel à une capacité, il vous faudra d'abord choisir celles qui seront disponibles quand vous sortirez les armes. Vous disposez donc d'un certain nombre de slots (voilà le petit point commun en question), et libre à vous d'y insérer les capacités de votre choix que vous aurez préalablement apprises.

Attention toutefois, ne portez pas votre dévolu sur une capacité Epée si l'arme équipée par votre personnage est une hache. Ce serait bête de se retrouver devant un ennemi avec des actions grisées et ainsi inutilisables n'est-ce pas ? Pour en terminer plus rapidement avec les affrontements, je vous invite à passer quelques minutes à confectionner des combos de deux, trois attaques voire plus, ils grignoteront certes des PA (Puces d'Action), mais vous rendront certainement service plus d'une fois. Que sont ces fameuses PA ? J'y viens. Ils représentent une sorte de réserve de points vous permettant de lancer vos enchaînements et certaines compétences. La jauge se remplit (lentement) quand vous attaquez et lorsque vous recevez des coups.

Y a qu'avec les grands qu'on rêve ?

Les combats sont généralement funs, mais on s'apercevra, à nos dépends, que le tableau n'est pas complètement propret à ce niveau. Par exemple, le sort Soin, primordial en de nombreuses circonstances, met un certain temps avant de se lancer après validation de l'action. Il n'est donc pas rare de succomber par un coup forcément fatal alors qu'on était en train de préparer notre guérison. Autre négative constatation, la défense. Malgré le tour par tour (on doit à chaque fois attendre qu'un cercle se forme avant d'agir), on aimerait bien, par la pression d'un bouton, parer les attaques adverses en temps réel. Peine perdue, pour vous protéger, il vous faudra utiliser un tour, pendant lequel vous ne ferez rien d'autre que défendre. Peu convaincant en pratique.

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Goldorak, Evangelion, ça vous parle ? White Knight Chronicles fait revivre le fantasme de contrôler des géants ultra puissants, mais malheureusement, seul Léonard dans votre escouade (à moins que...) aura le pouvoir de faire appel à l'Incorruptus, cette fameuse relique dont je vous parlais tout à l'heure. Sous cette forme qui vous fera gagner quelques mètres et un sentiment de respect plus grand, les combats se révéleront plus faciles, même si au bout d'un moment, on ne se sentira plus si invincible que cela à l'intérieur de ce colosse blanc.

L'Occident gâté

Faire se croiser le fer ne sera pas votre unique occupation, même si dans quasiment tous les RPG nippons, elle représente une grande partie du jeu. Les différentes villes de White Knight Chronicles, avec leurs citoyens à la discussion passionnante (je plaisante), vous proposeront diverses activités pour vous  "sentir vivant".

Commençons par la tâche la plus intéressante du lot, les missions. La première qui vous sera proposée concernera la recherche de deux ingrédients indispensables à la guérison d'un aventurier pas très chanceux. Sur votre chemin, des ennemis plus forts que vous. Mais pas de panique mes amis de France et d'ailleurs, car plus tôt, juste avant de valider la quête, on vous aura demandé si vous comptiez la mener en solo ou bien à plusieurs. Dans ce dernier cas de figure, des compagnons choisis au hasard (et connectés au net) vous épauleront pour atteindre votre objectif sans gros bobos.

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En plus de cet aspect visant à vous faire sentir moins seul, White Knight Chronicles reprend également certaines caractéristiques des MMORPG, avec ces phrases explicatives en haut à gauche de l'écran détaillant chaque action des membres de votre groupe (et des ennemis, pendant les combats). Puisque nous abordons le sujet du online, consacrons une minute ou deux au Géonet, ce réseau social focalisé autour de White Knight Chronicles. Nous reviendrons plus tard sur le Géorama (ajout des versions étrangères),  un nom qui tintera dans les oreilles des joueurs de Dark Cloud et sa suite. Le Géonet est tout d'abord joli à consulter, permettant aux joueurs de se rassembler pour se faire part entre eux de leurs impressions sur le jeu. Vous pouvez même tenir un "Journal d'aventures" si le cœur vous en dit, pour laisser une trace écrite de vos exploits, ou raconter vos décès ridicules. Des forums sont aussi présents pour vous permettre de vous exprimer et de vous détendre après une bonne cinquantaine de combats livrés.

Le système Géorama est en quelque sorte un mini-jeu dans le jeu. Il vous autorise à créer votre propre ville, dans laquelle vos amis seront par la suite invités à se rendre. Les habitants de votre bourgade pourront être recrutés parmi toutes celles que vous visiterez durant votre périple. Selon leur spécialité, ils permettront à votre ville de se développer plus ou moins vite. Cette phase vous demandera un minimum d'investissement si vous comptez voir ce que ça donne sur le long terme, mais on peut très bien passer à côté sans ressentir un manque important.

On appréciera au passage l'absence de chargements en pénétrant dans une échoppe ou une habitation tout ce qu'il y a de plus commune. En revanche, la gestion des dialogues avec les NPJ est assez bizarre. Si vous engagez la conversation avec l'un d'entre eux (enfin, sans qu'il s'adresse forcément à vous toutefois), et que celui-ci s'entretient avec un autre, vous devrez parler avec ces deux-là pour avoir l'échange complet. Vite fatiguant. Note qui en intéressera certains : le moteur du jeu est particulièrement impressionnant dans le sens où si vous décidez de monter un escalier "lentement", le personnage que vous dirigez posera à chaque fois un pied sur une seule marche, et n'en engloutira donc pas trois ou quatre comme cela est le cas dans la quasi-totalité des RPG.

Conclusion

white-knight-chronicles-jaquette Le constat que l'on fait après un contact poussé avec White Knight Chronicles est mitigé : d'un côté, nous avons un ensemble manquant de personnalité, avec une histoire et des personnages qui ne hissent vraiment pas le jeu vers le haut, et de l'autre, une sorte de magie (mais de niveau 1 ou 2 seulement) qui nous fait accrocher à ce jeu appartenant définitivement à la vieille école, la HD en sus.

On se surprendra à sourire lors de certaines cut-scenes, et on reconnaîtra également à White Knight Chronicles d'avoir un carquois d'actions assez riche. Le renouveau du RPG nippon ne passera en tout cas pas par lui. Le reprochera-t-on à Level-5 ? Ce n'est pas là notre envie, à nous qui avons soif de sang frais. Car après tout, la manette reste bien ancrée dans nos mains lorsque le DVD du jeu tourne dans nos PS3, preuve qu'il est possible de l'apprécier, sans aucune honte.

+ Les plus

  • Un RPG de qualité dans l'ensemble
  • Des environnements flatteurs pour la rétine
  • La création de notre avatar qui prend part à l'aventure
  • Customisation de l'équipement visible
  • Des combats réussis
  • Apport du online appréciable (Géorama)

- Les moins

  • Histoire prenante si on se force
  • Character design d'un goût discutable
  • Pas révolutionnaire pour un sou