Un projet de loi outre-Manche fait couler beaucoup d'encre, et de salive. Mais porter la durée de la garde-à-vue à 90 jours dans les affaires de terrorisme a tout simplement des raisons techniques. Informatiques, pour être plus précis.

Un projet de loi soumis prochainement, dans une tempête médiatique, à la Chambre des Communes, l'équivalent britannique de notre Assemblée Nationale, prévoit de porter la durée de la garde-à-vue de 14 à 90 jours dans le cadre d'enquêtes liées au terrorisme. Vu ce qui s'est passé en juillet dernier à Londres, on pourrait comprendre que le Royaume-Uni accepte --à grand peine, visiblement-- de rogner sur certains des droits civils de ses citoyens.

Cependant, ce principe de précaution, comme nous autres Français aimerions à le baptiser, n'a pas choisi ce terme de 90 jours par hasard. En fait, selon des indiscrétions qui ont filtré depuis Scotland Yard, le mythique centre névralgique de la police britannique, 90 jours, c'est peu ou prou le temps qu'il faut aux experts en informatique de la maréchaussée anglaise pour déchiffrer toutes les données cryptées retrouvées dans le disque dur de l'ordinateur d'un suspect...

On peut s'étonner de cette relative lenteur, mais il faut rappeler que la cellule informatique des services de police chargés de lutter contre le terrorisme, même s'elle fait fréquemment appel à des consultants extérieurs, a du pain sur la planche depuis un certain 11 septembre 2001.

Car une fois les données transférées vers un disque dur de sauvegarde sous leur forme cryptée, à un débit de l'ordre de 500Mo par minute, puis débarassées de leur protection chiffrée, ce qui peut prendre un certain temps, sachant que les algorithmes de cryptage en 256-bit sont désormais monnaie courante sur le marché de la protection informatique, il reste encore, le plus souvent, à demander l'aide de linguistes pour interpréter les textes en clair, sachant que la plupart des terroristes communiquent dans des langues orientales.

Et toute cette procédure ne tient pas compte des langages codés employés pour désigner cibles, objectifs, membres d'un réseau, contacts... Ce dernier point est d'ailleurs plus du ressort des gens spécialisés dans le renseignement que de celui des informaticiens.

Les ressources humaines et techniques de Scotland Yard étant ce qu'elles sont, c'est-à-dire non extensibles à l'infini, et pour mettre toutes les chances de leur côté, vu l'importance du trafic à traiter, les policiers britanniques ont donc demandé à ce que la garde-à-vue en matière de terrorisme connaisse cette inflation qui alimente la polémique.

Car être placé en garde-à-vue ne signifie pas être coupable. Chez eux comme chez nous. Mais admettez qu'être gardé au chaud pendant un mois et demi quand on est innocent a de quoi mettre en colère, même à l'approche de l'hiver.

En tout état de cause, le projet de loi fait l'objet d'une telle opposition en Grande-Bretagne, y compris dans le camp du Parti Travailliste, au pouvoir en ce moment, qu'il y a peu de chance que le texte soit voté un jour.

La police britannique devra trouver d'autres moyens pour parvenir à ses fins. Doit-on se sentir rassuré pour autant'



Source : Slashdot