Coup de théâtre !! Alors que la licence globale semblait morte et enterrée lundi soir, la voici remise sur le tapis par...le gouvernement !

Et un scandale de plus dans le projet de loi sur les droits d'auteur ! Un scandale qui montre une fois de plus " l'amateurisme " du gouvernement en la qualité du Ministre de la Culture, une expression qui s'est retrouvée régulièrement au coeur du débat, à la fois chez les Verts, l' UDF, le PS ou le PCF. Voici une petite chronologie la plus juste possible :

Renaud donnedieu vabres ministre culture dadvsi Dans la nuit du 21 au 22 décembre dernier, des députés de tous bords politiques, y compris de l' UMP, amendaient le premier article du projet de loi DADVSI ( Droits d' Auteurs et Droits Voisins dans la Société de l' Information ), par un amendement légalisant le téléchargement des oeuvres contre une rémunération forfaitaire.

Cet amendement à l'article 1er de la loi DADVSI instituait une base solide pour l'instauration d'une licence globale, une licence permettant à tout internaute de télécharger pour usage privé et non commercial des oeuvres contre le paiement d'une rémunération mensuelle dans son abonnement internet, au montant à définir ultérieurement ( 5 à 10 euros selon les députés et 80 euros minimum pour les majors ). 56 % des français étant favorable à cette licence contre 35 % y étant opposés...

Confus et stupéfait, le gouvernement, incarné par le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres (ci-dessus), se retrouvait donc avec un intrus dans le premier article de son projet de loi DADVSI, clé de voute de celui-ci. En effet, si l'article avait été adopté de façon définitive, le téléchargement serait devenu légal, si l'article n'avait pas été adopté, le projet de loi tombait à l'eau.

Mais plutôt que de tomber simplement à l'eau ou de recevoir quelques gouttes ( par exemple en retirant puis réécrivant intégralement le texte et en le reproposant plus tard ), Donnedieu de Vabres a préféré cloturer le débat en décembre et le Dadvsi christian vanneste jpg reprendre ultérieurement laissant l'Assemblée avec une pléthore d'amendements en suspens ainsi que le vote concernant le premier article de loi.

Après moultes reports, le débat a repris mardi après deux mois et demi passés à " clarifier le texte ", " à trouver un point d'équilibre ", selon le ministre de la Culture. Déclarations successives, communiqués divers, site promouvant majoritairement la loi DADVSI, mais surtout, travail dans les coulisses pour convaincre les députés UMP, qui faisaient défaut en décembre, de défendre le projet de loi sur les bancs ont également occupé le temps du Ministre de la Culture et de la...Communication voguant sous le coup des projecteurs.

Lundi soir, par le biais d'une mesure peu courante dans le règlement de l'Assemblée Nationale, le gouvernement retirait, à la veille de la reprise des débats, l'intégralité de son article premier, supprimant du même coup, les amendements associés à celui-ci, dont celui favorisant la licence globale. Un seul cas dans l'histoire de l'Assemblée avait précédé celui-ci, c'était il y a 45 ans. Mis à part ce dernier, jamais un article n'avait été retiré d'un projet de loi lorsque celui-ci se trouvait en cours d'examen par les députés. En lieu et place, Donnedieu de Vabres proposait un article additionnel et de substitution comprenant des cas d' exceptions aux droits d'auteur et devant remplacer le premier article supprimé.

Mis à part la grande majorité de l' UMP, tout l'hémicycle s'était élevé dans la journée de mardi contre cette décision, pourtant régulière selon le règlement et confirmée en ce sens par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée Nationale. Patrick bloche dadvsi jpg Patrick Bloche ( PS ; ci-contre ) déclarait même que le gouvernement " piétinait " les droits et devoirs de l'Assemblée.

Les débats et présentations reprenaient donc mardi dans un climat houleux et les votes pouvaient donc redémarrer. Néanmoins, les échanges furent ponctués de nombreux rappels au règlement de l'institution.

Ce mercredi soir, alors que les députés réclamaient une énième suspension de séance pour aller récupérer des documents dans leurs casiers ( documents nécessaires au vote de l'amendement suivant et qui finalement ne se trouvaient pas dans leurs casiers ...), le président de l' UMP à l' Assemblée, Bernard Accoyer, organisait, dans ses couloirs, une réunion au pied levé avec 40 députés UMP et le ministre de la Culture. De quoi rassembler les troupes derrière le ministre que l'on voyait s'enfoncer de plus en plus dans son siège parlementaire.

Il a déclaré selon nos confrères de l' AFP que le groupe politique se trouvait " dans la tourmente " face à " un problème de procédure ", sous-entendu le retrait de l'article premier, pour risque d'inconstitutionnalité. Probablement conseillés par des juristes expérimentés, Donnedieu de Vabres décidait donc, en catimini avec ses collègues, de réintroduire ce premier article dans la loi. Un tournant de plus dans ce débat et une première dans la Cinquième République !

L'information relayée par l' AFP était aussitôt reprise par tous les opposants au projet de loi, tous estomaqués et interrogatifs, jugeant la situation " ridicule " et appelant à " la levée de la procédure d'urgence " du texte au vu de " l' amateurisme " du gouvernement et de la " confusion " dans laquelle se trouvaient l'ensemble de l'hémicycle.

Dadvsi christine boutin jpg Le ministre expliquait après des discussions chaotiques que l'article premier serait étudié en dernier, après les amendements et sous-amendements de l'article additionnel, censé le remplacer. Pas la peine d'être féru de procédures pour comprendre l'inutilité de légiférer sur cet article additionnel, qui, de toute façon, serait remplacé dans le texte de loi final par l'article premier initial.

N'étant pas moi-même juriste ni député, je ne peux à l'heure actuelle pas vous dire si l'amendement instituant la licence globale sera réintroduit, ni si il sera repris en l'état, c'est-à-dire voté et adopté, ni si il sera revoté. Quant à l' AFP, elle annonce que la licence globale est bel et bien remise dans le débat. Don't act.

Devant tous ces rebondissements et le rafistolage dont semble de plus en plus faire objet ce projet de loi, pas assez travaillé et loin d'apporter un consensus, l' Assemblée Nationale et ses représentants n'auront donné qu'une piètre image d'eux-mêmes et des postes qu'ils occupent, la discussion de cette nuit se terminant par des attaques personnelles.

Il leur reste deux jours, pleins cette fois, pour montrer à des milliers d'internautes, la politique sous son meilleur jour. Séances du jour à 9h30, 15h et 21h30. Mêmes horaires pour vendredi et vote par scrutin public le 15 mars prochain dès 15 h.