Manoir microsoft Après sept années de batailles diverses, Microsoft et la Commission Européenne ( CE ) vont passer, à partir de lundi prochain et pendant toute la semaine, devant le Tribunal de Première Instance du Luxembourg.


Microsoft - CE : il ne devra en rester qu'un
D'un côté, Microsoft, numéro un des logiciels passé maître dans l'art et la manière de retourner les situations et obtenir des délais dans cette affaire aux rebondissements insensés. La firme de Redmond va tenter de faire annuler sa condamnation de mars 2004, s'élevant à 497 millions d'euros.

De l'autre, la Commission Européenne, qui va jouer là sa crédibilité en tant qu'institution et qui devra conforter la condamnation pour abus de position dominante de la part de Microsoft. Ce dernier joue de son côté son avenir commercial dans la communauté européenne.


Cinq jours de procès, cinq jours de tensions
Ce procès est historique. L'amende de près d'un demi-milliard d'euros infligée à Microsoft en 2004 constitue également un record : jamais Bruxelles n'avait demandé autant à une entreprise dans une affaire de concurrence. Outre les enjeux tournant autour de cette condamnation, il y a également l'interopérabilité et la présence de logiciels intégrés directement dans Windows, le système d'exploitation de Microsoft, qui seront au coeur du débat.

Initialement, cette affaire est née d'une plainte de Sun Microsystems se plaignant d'être évincé du marché car Microsoft refusait de donner les informations nécessaires pour permettre à ses logiciels pour serveur de fonctionner avec les produits de Microsoft. La Commission et Microsoft ont longtemps joué un chassé-croisé sans ne jamais tomber définitivement d'accord sur l'interopérabilité.

Drapeau europe ue La stratégie commerciale de Microsoft sera au coeur de ce procès. Présent dans 9 foyers sur 10, Windows est livré avec une ribambelle de logiciels tels qu' Internet Explorer ou bien encore Windows Media Player, qui écartent les autres acteurs du marché en étant obligatoirement ancrés dans le système d'exploitation.

C'est une pratique anti-concurrentielle que condamne la Commission Européenne et Neelie Kroes, en charge du dossier à Bruxelles et nullement intimidée par Microsoft, entend bien continuer la bataille pour le prochain système d'exploitation Windows Vista, prévu pour janvier 2007.


Microsoft n'impressionne pas Neelie Kroes
Si la Commission est confortée dans ses décisions à la fin de la semaine prochaine, Vista aura du plomb dans l'aile sur le sol européen, sans compter l'amende des deux millions d'euros journaliers rétroactifs au 15 février dernier, dernière date butoir.

La néerlandaise Neelie Kroes, commissaire à la Concurrence, estime que l'intégration à tout va de nouveaux produits dans Windows élimine les concurrents - comme ce fut le cas du navigateur Netscape ou du lecteur audio-vidéo Real Player - et, à long terme, tue l'innovation. Une innovation qui regorge dans le monde du logiciel libre et c'est pourquoi Microsoft refuse de délivrer certaines informations techniques au risque de voir, selon lui, ses droits de propriété intellectuelle s'envoler.


La Grande Chambre : 13 juges pour une affaire " sensible "
Le procès se déroulera devant la Grande Chambre, constituée de 13 juges spécialisés dans les questions sensibles à Luxembourg. On annonce une enceinte pleine à craquer : avec les dizaines de conseillers de Microsoft et les nombreux observateurs, la salle d'audience sera comble.

Cinq jours seront donc nécessaires pour départager les deux protagonistes. Avocats, experts techniques, ingénieurs etc. passeront chacun à la barre dans une précision au couteau. Une chose est sûre : il faudra trancher. L'arrêt du Tribunal sera rendu fin 2006 ou début 2007. Les ventes européennes de Windows Vista risquent gros.


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Le film de cette bataille Microsoft - Commission Européenne ( Source : AFP ) :
  • décembre 1998: l'éditeur de logiciels Sun Microsystems porte plainte contre Microsoft auprès de la Commission. Selon Sun, Microsoft l'évince du marché en refusant de lui donner les informations qui permettraient à ses logiciels pour serveurs de dialoguer avec les produits Microsoft (problème d'interopérabilité).
  • février 2000: la Commission annonce qu'elle enquête sur un abus de position dominante du groupe américain dans le cadre du lancement de Windows 2000.
  • août 2000: Bruxelles envoie une première liste officielle de griefs à Microsoft (basée sur la plainte de Sun), qui sera suivie par des listes plus exhaustives en août 2001 (Bruxelles dénonce l'intégration dans Windows du logiciel Media Player), puis août 2003 (proposition de mesures correctives).
  • 24 mars 2004: la Commission reconnaît Microsoft coupable d'abus de position dominante tant sur le volet interopérabilité que sur le volet Media Player. Elle inflige une amende record de 497 millions d'euros et demande des "mesures correctives".
  • 8 juin 2004: Microsoft dépose un recours devant le Tribunal de première instance de la Cour européenne de Justice (CEJ), demandant l'annulation de sa condamnation par Bruxelles.
  • 25 juin 2004: Microsoft dépose un second recours à Luxembourg, demandant la suspension des mesures correctives dans l'attente du jugement sur le fond.
  • 1er juillet 2004: Microsoft s'acquitte de l'amende d'un demi-milliard d'euros.
  • 22 décembre 2004: la justice européenne porte un premier coup à Microsoft en lui ordonnant d'appliquer les mesures correctives avant même que l'affaire ne soit jugée sur le fond.
  • 23 mai 2005: la Commission fixe un ultimatum en demandant à Microsoft de se conformer entièrement à ses exigences avant le 31 mai, sous peine de lui imposer des amendes supplémentaires.
  • 1er juin 2005: après d'ultimes propositions de Microsoft, la Commission reconnaît qu'il a fait des concessions importantes sur l'interopérabilité. Toutefois, elle met un bémol, estimant qu'il doit également fournir une documentation appropriée aux éditeurs de logiciels libres. Elle suspend provisoirement sa menace d'amendes, dans l'attente de l'arrêt de la justice européenne.
  • 8 juin 2005: Microsoft distribue en Europe des versions de Windows purgées du Media Player.
  • 5 octobre 2005: la Commission nomme un expert informaticien, Neil Barrett, chargé de l'aider à vérifier la bonne application des mesures correctives.
  • 11 octobre 2005: les soutiens à la Commission s'amenuisent. Microsoft signe la paix avec RealNetworks, moyennant 761 millions de dollars.
  • 21 décembre 2005: s'appuyant sur une analyse de Neil Barrett, la Commission envoie de nouveaux griefs à Microsoft. Elle le somme de prouver, avant le 15 février, qu'il se conforme aux mesures correctives sous peine d'amendes pouvant atteindre 2 millions d'euros par jour.
  • 25 janvier 2006: Microsoft annonce qu'il va publier certaines parties du code-source de Windows.
  • 15 février 2006: Microsoft répond dans les temps à la Commission, qui depuis analyse sa réponse.
  • 22 février 2006: une nouvelle plainte est déposée contre Microsoft, par une association (ECIS) regroupant IBM, Oracle et encore Sun. La plainte vise notamment la suite bureautique Office ainsi que Vista, la nouvelle version de Windows.
  • 30-31 mars 2006: lors d'une audition à huis-clos, Microsoft tente de convaincre la Commission qu'il a bien respecté ses exigences.
  • 24 au 28 avril 2006: Microsoft va essayer de démontrer aux juges de Luxembourg que la Commmission a eu tort de le condamner en mars 2004. Le jugement est attendu fin 2006/début 2007.
Source : AFP