Il y a 56 millions d'années, la Terre a eu une fièvre. Une fièvre intense et brutale connue sous le nom de Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM). En l'espace de quelques milliers d'années, un clin d'œil à l'échelle géologique, les températures mondiales ont grimpé de 6°C.

Une nouvelle étude publiée dans Nature Communications révèle que la catastrophe n'était pas seulement due à un afflux massif de carbone dans l'atmosphère, mais aussi à une réaction en chaîne inattendue : le thermostat naturel de la planète, la végétation, s'est tout simplement cassé.

Comment un réchauffement ancien a-t-il "cassé" la végétation ?

Pour comprendre ce passé lointain, des chercheurs ont couplé des simulations informatiques à l'analyse de fossiles de pollen provenant de sites clés comme le bassin de Bighorn aux États-Unis. Le verdict est sans appel. Face à la chaleur et à la sécheresse croissantes, les écosystèmes des latitudes moyennes se sont effondrés. Les grandes forêts luxuriantes, championnes du stockage de CO2, ont cédé la place à des communautés végétales plus petites et moins efficaces, comme des palmiers et des fougères. En somme, les plantes de l'époque ont flanché.

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Ces nouvelles espèces, bien que mieux adaptées pour survivre, étaient bien moins performantes pour séquestrer le carbone. Leurs feuilles étaient plus denses, une adaptation pour limiter la perte d'eau, mais cela réduisait aussi leur capacité photosynthétique. Le bilan ? Une capacité de stockage en chute libre, tant dans la biomasse que dans les sols, qui ont vu leurs réserves de matière organique s'effondrer.

Quel a été l'impact sur le cycle du carbone global ?

La réponse de la planète à cette chaleur extrême a révélé une profonde fracture nord-sud. Tandis que les écosystèmes des latitudes moyennes devenaient au mieux neutres, au pire de faibles sources de CO2, l'Arctique a connu un phénomène inverse. Le réchauffement a permis l'installation de forêts marécageuses à feuilles larges, augmentant la biomasse locale. Mais ce gain était loin, très loin de compenser les pertes colossales subies plus au sud. Le système global était déséquilibré.

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La conséquence fut profonde et durable. Les simulations montrent que cette défaillance de la végétation a considérablement réduit la capacité de la Terre à absorber le CO2 atmosphérique. Résultat : l'excès de gaz à effet de serre a stagné beaucoup plus longtemps dans l'atmosphère, prolongeant l'épisode de chaleur intense pendant 70 000 à 100 000 ans. La planète a perdu son principal puits de carbone terrestre, et il lui a fallu des dizaines de milliers d'années pour que de nouvelles communautés végétales reconstruisent leur capacité à stocker le carbone.

Pourquoi ce passé lointain est-il un avertissement pour aujourd'hui ?

Le parallèle avec notre situation actuelle est troublant, mais avec une différence majeure qui change tout : la vitesse. Le réchauffement que nous provoquons est environ dix fois plus rapide que celui du PETM. À l'époque, une hausse de 6°C sur plusieurs millénaires a suffi à pousser une grande partie de la végétation mondiale au-delà de ses limites d'adaptation. Aujourd'hui, nous nous approchons des 2°C en à peine plus d'un siècle.

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Les plantes ne peuvent ni migrer ni évoluer assez vite pour suivre un tel rythme. Les signaux d'alarme sont déjà visibles : stress hydrique en Amazonie, mégafeux en Australie et en Amérique du Nord, verdissement de certaines zones boréales qui cache une perte de biomasse ailleurs. Si nous poussons la vegetation mondiale au point de rupture, nous risquons d'enclencher la même boucle de rétroaction dangereuse. Un monde où les écosystèmes, au lieu de nous aider, amplifieraient la crise. Le message des fossiles est clair : la nature mettra bien plus de temps à guérir que nos civilisations ne peuvent se permettre d'attendre.

Foire Aux Questions (FAQ)

Qu'est-ce que le Maximum Thermique du Paléocène-Éocène (PETM) ?

Le PETM est un événement de réchauffement climatique extrême survenu il y a environ 56 millions d'années. En quelques milliers d'années, une libération massive de carbone dans l'atmosphère a provoqué une augmentation des températures mondiales d'environ 6°C, bouleversant les écosystèmes de la planète.

Quelle est la principale différence entre le PETM et le réchauffement climatique actuel ?

La vitesse. Le réchauffement climatique actuel, causé par les activités humaines, est estimé être environ dix fois plus rapide que le réchauffement naturel survenu durant le PETM. Cette rapidité laisse beaucoup moins de temps à la faune et à la flore pour s'adapter, ce qui rend la crise actuelle potentiellement plus dangereuse.