Lancé le 22 juin 2024 depuis la Chine, le satellite SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor) a déjà frappé un grand coup. Le 14 mars 2025, ses instruments ont enregistré une brève mais intense émission de rayons lumineux très énergétiques. Ce signal, bien que ni particulièrement long ni puissant, cachait un secret immense. Les premières analyses ont révélé que le télescope embarqué ne détectait rien dans le spectre de la lumière visible à la source de l’émission, un indice pointant vers un objet extraordinairement lointain, dont la lumière a été étirée vers l’infrarouge par l’expansion de l’Univers.
Vue d’artiste du satellite SVOM.
Crédit : CNES
Comment ce signal venu du fond des âges a-t-il été capté ?
La détection de l'événement GRB 250314A a reposé sur la réactivité et la précision des instruments du satellite SVOM. Le système a immédiatement notifié les équipes au sol, qui ont rapidement compris la portée potentielle de l'observation. Il s'agit d'un sursaut Gamma, une explosion d'énergie colossale qui signale souvent la mort d'une étoile massive ou la fusion d'objets compacts. Dans ce cas précis, le sursaut gamma en question venait d'une étoile géante se transformant en supernova.
Pour mieux comprendre, voici les étapes de la mort d'une étoile massive (étoile au moins 8 à 10 fois plus grosse que le Soleil) :
- L'effondrement : le cœur de l'étoile s'effondre sur lui-même pour former un trou noir.
- Le sursaut Gamma : l'effondrement violent expulse deux jets d'énergie ultra-rapides qui percent l'étoile de l'intérieur et filent dans l'espace. C'est ce flash que l'on détecte en premier.
- L'explosion (Supernova) : l'onde de choc finit par disloquer le reste de l'étoile dans une explosion globale.
La courte durée du signal du sursaut Gamma, à peine plus de dix secondes, a donc suffi pour alerter la communauté scientifique mondiale. Mais ce qui a vraiment mis la puce à l'oreille des scientifiques, c'est l'absence de trace lumineuse associée à l'explosion, leur faisant ainsi comprendre qu'ils avaient affaire à un événement majeur venant des confins de l'Univers. En effet, une trace aurait indiqué que l'explosion était beaucoup plus proche de nous. Cette observation illustre parfaitement l'objectif principal de la mission SVOM : traquer ces explosions cosmiques pour sonder les premiers âges de l'histoire cosmique.
Quel rôle ont joué les télescopes terrestres dans cette découverte ?
Si SVOM a donné l'alerte, la confirmation et la mesure précise de la distance n'auraient pas été possibles sans l'intervention rapide des observatoires au sol. Environ dix-sept heures après la détection initiale, une campagne d'observation a été lancée, mobilisant notamment le Very Large Telescope (VLT), un ensemble de quatre télescopes européens installés au Chili. C'est un instrument du VLT, un spectrographe de pointe, qui a permis de mesurer la valeur décisive.
Le spectrographe a analysé la lumière résiduelle de l'explosion, appelée rémanence, et a déterminé son « décalage vers le rouge » (ou redshift) : comparable au son d'une sirène qui devient plus grave en s'éloignant, la lumière voit ici sa couleur "glisser" vers le rouge à mesure qu'elle traverse l'espace. La valeur obtenue, un chiffre record de 7,3, a confirmé les soupçons des scientifiques. Ce chiffre signifie que l'événement s'est produit il y a environ 13 milliards d'années, à une époque où l'Univers n'en était qu'à ses balbutiements. Cette synergie entre les capacités spatiales et la puissance des instruments terrestres est fondamentale en astrophysique moderne.
Une section de la nébuleuse du Voile, qui correspond aux vestiges en expansion d’une supernova survenue il y a environ 8 000 ans, révélé ici avec une précision spectaculaire par le télescope spatial Hubble de la NASA.
Quelles sont les implications d'une telle observation pour la science ?
La détection de GRB 250314A est bien plus qu'un simple record de distance. Elle ouvre une fenêtre directe sur une période mal connue de l'histoire cosmique : l'ère de la réionisation. C'est à cette époque, moins d'un milliard d'années après le Big Bang, que les premières étoiles et galaxies ont commencé à illuminer un Univers jusqu'alors sombre et neutre. Observer une supernova aussi ancienne confirme que des étoiles massives existaient déjà et permet d'étudier leur nature et leur environnement.
Cette découverte est la première du genre à une si grande distance, confirmant l'association entre les sursauts gamma longs et l'effondrement d'étoiles géantes, même dans l'Univers primordial. Pour les cosmologistes, c'est une occasion inestimable d'analyser la composition des premières galaxies et de mieux comprendre les mécanismes qui ont façonné la structure de l'Univers que nous connaissons aujourd'hui. Le succès précoce de SVOM laisse présager de nombreuses autres découvertes qui continueront de repousser les frontières de notre savoir.