Vivendi a tout juste reçu les dossiers de Numericable et de Bouygues pour racheter SFR que les grandes manoeuvres ont commencé pour emporter la décision. Le groupe Bouygues sait qu'il est sous la menace d'un refus des régulateurs du fait d'un retour à un marché à trois opérateurs et est prêt à faire beaucoup de concessions pour faire passer la pilule, avec des engagements sur l'emploi et la cession de son propre réseau mobile et de fréquences à Free Mobile afin de rééquilibrer le secteur.

SFR logo pro  Déjà, les syndicats s'inquiètent des conséquences de la fusion Bouygues Telecom / SFR sur l'emploi, même si Martin Bouygues a promis des engagements forts en ce sens, tandis que les associations de consommateurs, tels que l'UFC-Que Choisir ou CLCV, rappellent qu'un retour à trois acteurs risque fort de conduire à une nouvelle hausse des tarifs, comme en Autriche, alors même que les consommateurs ont déjà été victimes d'une entente entre les trois opérateurs Orange, SFR et Bouygues Telecom dans les années 2000, pour laquelle ils ont été condamnés à de lourdes amendes, confirmées en grande partie malgré l'ensemble des recours employés pour les contester.

Dans ce contexte du rachat de SFR, le groupe Iliad (Free / Free Mobile) a une carte particulière à jouer et se retrouve dans une position stratégique où il a tout à gagner à négocier rudement. Le groupe Bouygues a besoin de fournir les contreparties pour obtenir l'aval de l'Autorité de la Concurrence et Free peut espérer récupérer les 15 000 antennes de Bouygues Telecom, ainsi que des fréquences en 2G, 3G et 4G, à un bon prix, ce qui le dégagerait plus vite de son contrat d'itinérance avec Orange qui, bien qu'il lui ait permis de capter 8 millions de clients en à peine deux ans, coûte très cher en attendant de disposer d'un réseau mobile en propre correctement dimensionné.

Free y trouvera son compte
logo-free  La proposition de Bouygues Telecom est donc forcément tentante et le directeur général de Free, Maxime Lombardini, a donc un discours d'apaisement vis à vis de la crainte d'une hausse des prix en affirmant qu''il n'y a aucune raison que cela se produise", faisant fi des exemples pourtant très concrets ailleurs en Europe.

Il évoque plutôt la poursuite de sa conquête du marché (Free Mobile en est à 12% mais Xavier Niel, patron du groupe Iliad, a plusieurs fois indiqué chercher à occuper 25% du marché) et donc la nécessité de maintenir des offres attractives face aux deux blocs que constitueraient Orange et Bouygues / SFR.

Et, clairement, le quatrième opérateur, né grâce au cadre spécifique posé par les régulateurs pour réactiver le jeu de la concurrence en ajoutant un acteur, n'a pas de problème particulier à voir le marché revenir à trois opérateurs, maintenant qu'il est installé dans le paysage : " Cette opération a [...] le mérite de dynamiser la concurrence en nous affranchissant plus rapidement de l'itinérance. C'est la preuve que, parfois, la politique industrielle et la concurrence peuvent se retrouver", indique Maxime Lombardini. On pourrait ajouter : en sachant pertinemment que les règles du jeu peuvent changer d'une année sur l'autre.

Source : Le Monde