Le dernier rapport de la GSMA (GSM Association), organisation industrielle regroupant plus de 700 opérateurs mobiles dans le monde, n'est pas tendre avec l'évolution du marché mobile européen et le déploiement des technologies mobiles de dernière génération comparés à la situation en Amérique du Nord.

Si le Vieux Continent a été en pointe de l'industrie mobile depuis ses débuts dans les années 80, " ce rapport confirme une triste réalité : l'Europe a perdu son avance dans l'industrie mobile et est maintenant significativement en retard par rapport à d'autres marchés établis comme les Etats-Unis ", affirme Anne Bouverot, directrice générale de la GSMA.

Tout en reconnaissant que cette situation a été causée par de nombreux facteurs pas toujours maîtrisables, la GSMA en appelle à une réforme urgente des stratégies pour permettre à l'Europe de profiter des moteurs de croissance permis par les réseaux mobiles à très haut débit.

Le rapport s'appuie sur la comparaison des industries mobiles en Europe et aux Etats-Unis, faisant ressortir plusieurs faits marquants :

  • les consommateurs US dépensent plus chaque mois que les Européens et utilisent plus intensément les services mobiles : la consommation de minutes est cinq fois plus élevée qu'en Europe et la consommation data moyenne est deux fois supérieure.
  • Les Etats-Unis ont pris une large avance dans le déploiement des réseaux mobiles de dernière génération : à fin 2013, 20% des connexions se feront depuis des réseaux 4G LTE aux USA, contre moins de 2% en Europe.
  • Les débits mobiles data moyens aux Etats-Unis sont actuellement 75% plus rapides qu'en Europe et resteront toujours deux fois plus rapides en 2017.
  • L'investissement dans l'industrie mobile est désormais plus important aux Etats-Unis qu'en Europe.

Le rapport attribue en bonne partie ce ralentissement à une inefficacité du marché mobile européen provoqué par un excès de régulation au niveau des instances européennes, conduisant à un secteur très fragmenté, constitué de dizaines d'opérateurs aux intérêts divergents et qui ne peuvent profiter d'économies d'échelle.

On notera qu'il va exactement dans le sens des demandes des opérateurs européens pour un allègement des cadres imposés par la Commission européenne il y a quelques semaines, sans quoi de gros opérateurs télécoms étrangers, nord-américains, chinois ou autres, pourront démanteler pièce par pièce le patchwork européen et s'y installer sans difficulté.

La GSMA propose plusieurs recommandations pour rééquilibrer la position de l'Europe face au reste du monde :

  • Renforcer les efforts d'harmonisation des ressources spectrales : beaucoup d'Etats européens ont été en retard vis à vis de la gestion des fréquences issues du premier dividende numérique (la bande 800 MHz). Pour la prochaine étape, qui concerne la bande 700 MHz, il faudra absolument que tout le monde avance à l'unisson, en Europe et vis à vis du reste du monde.
  • Permettre les fusions entre opérateurs : pendant que le marché US se joue à trois gros acteurs et enchaîne les rapprochements, les acquisitions entre opérateurs sont mal vues en Europe, par crainte de création de monstres monopolistiques. La GSMA suggère que c'est au marché de décider du nombre d'acteurs optimal et qu'il ne devrait pas y avoir d'aides artificielles aux nouveaux entrants.
  • Favoriser un marché télécom unique : il est en projet mais son application concrète doit être accélérée pour lever les nombreuses barrières qui freinent actuellement le marché mobile européen dans son ensemble.
  • Renforcer l'investissement et l'innovation : la Commission européenne devrait inciter au développement de partenariats public-privé sur des projets mobiles de grande ampleur en prévision du marché télécom unique européen et pour développer de nouveaux services et opportunités.

Comme on peut le constater, le rapport de la GSMA est avant tout un récapitulatif des récriminations et des demandes des opérateurs télécoms depuis plusieurs années vis à vis d'une régulation jugée trop contraignante en Europe. Il fait porter l'essentiel des travers et des freins du marché sur la gestion politique et l'encadrement de la Commission européenne.