En mai 2019, les États-Unis ont placé le géant chinois des télécoms Huawei sur une liste noire en l'accusant de servir d'outil d'espionnage au profit du gouvernement de Pékin. Le contexte continue de se tendre en plein déploiement de la 5G, même si l'administration Trump vient de prolonger la licence temporaire accordée à Huawei.

Cette licence est désormais valable jusqu'au 1er avril 2020. Une nouvelle rallonge (de 45 jours) que le département du Commerce des États-Unis justifie par la nécessité de permettre aux fournisseurs de télécommunications de continuer à exploiter temporairement les réseaux existants pendant qu'ils identifient des alternatives à Huawei.

La prolongation répond en particulier à une préoccupation pour les zones rurales aux États-Unis. Avant cette affaire de liste noire et ses lourdes implications pour Huawei, comme l'impossibilité de proposer sur ses smartphones des services Google, les États-Unis avaient inculpé Huawei - et plusieurs de ses filiales - de fraude, vol de secrets industriels et de violation des sanctions américaines prises à l'encontre de l'Iran.

Après 13 chefs d'inculpation en janvier 2019, le département de la Justice des États-Unis est revenu à la charge hier avec 16 chefs d'inculpation contre Huawei (et des filiales) et de nouvelles accusations de vol de secrets commerciaux, participation à des projets commerciaux avec la Corée du Nord, en plus de l'Iran.

Directrice financière de Huawei Technologies, Meng Wanzhou (fille de Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei) est en outre une nouvelle fois citée, sans toutefois faire l'objet d'autres accusations de fraude. Elle est actuellement en résidence surveillée au canada.

" Les nouvelles accusations ont trait aux efforts présumés déployés par Huawei et plusieurs de ses filiales depuis des décennies, aux États-Unis et en Chine, pour détourner la propriété intellectuelle, y compris celle de six sociétés technologiques américaines, dans le but de développer et exploiter les activités de Huawei ", écrit le ministère américain de la Justice. Les entreprises prétendument spoliées ne sont pas explicitement citées.

La propriété intellectuelle détournée comprendrait des informations de secret commercial et de travail sous copyright, comme du code source, des manuels d'utilisation de routeurs internet, de la technologie d'antennes cellulaires et de test de robots.

Toujours selon le département de la Justice des États-Unis, Huawei aurait à plusieurs reprises conclu des accords de confidentialité avec des entreprises afin de voler leur propriété intellectuelle. Des informations auraient été obtenues d'anciens employés d'entreprises américaines, ainsi que via des chercheurs. Huawei aurait mis en place un système interne de primes pour récompenser ses employés capables de voler de la propriété intellectuelle de concurrents.

" Les efforts de Huawei pour voler des secrets commerciaux et d'autres technologies américaines sophistiquées ont été couronnés de succès. […] Huawei a pu réduire considérablement ses coûts de recherche et développement et les retards associés, lui donnant ainsi un avantage concurrentiel important et déloyal. "

Plusieurs exemples sont mentionnés dans l'acte d'accusation (PDF) qui contient néanmoins des informations caviardées. Ils remontent au début des années 2000 et jusqu'à au moins 2018. Il est notamment question du vol de code source et d'interfaces de routeurs pour créer ses propres équipements revendus à bas prix aux États-Unis. Des ingénieurs de Huawei auraient laissé traîné par erreur des numéros de version et d'autres identifiants. Les routeurs auraient ensuite été rappelés en Chine pour détruire les preuves de ce vol.

" Les charges dans l'acte d'accusation ne sont que des allégations et les accusés sont présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité soit prouvée au-delà de tout doute raisonnable devant un tribunal ", rappelle le ministère américain de la Justice… qui n'y va pourtant pas de main morte.

Dans une réaction, Huawei déclare que " les nouvelles accusations sont infondées et basées en grande partie sur des litiges civils recyclés des 20 dernières années qui ont été précédemment réglés et dans certains cas rejetés par des juges et jurys fédéraux. "

Pour Huawei, " le gouvernement américain ne l'emportera pas sur de telles accusations dont nous prouverons qu'elles sont à la fois infondées et injustes. " Le groupe chinois ajoute que le département de la Justice des États-Unis cherche à " nuire irrévocablement " à sa réputation et ses activités pour " des raisons liées à la concurrence, plutôt qu'au respect de la loi. "