MegaUpload refait parler de lui. Mais ce n'est pas dans le cadre de sa défense face aux accusations de violation massive de droits d'auteur. Du temps où MegaUpload n'avait pas encore été fermé par les autorités américaines, il avait servi de détonateur d'une guerre ouverte entre Orange et Cogent.

En janvier 2011, MegaUpload avait émis une alerte de connectivité pour prévenir les abonnés Orange de " téléchargements lents " et d'une " lecture vidéo hésitante " ( via MegaVideo ). Une alerte qui avait reçu le soutien de l'opérateur de transit Cogent dont MegaUpload était un client, et jusqu'à inciter les abonnés Orange à se tourner vers un autre fournisseur d'accès à Internet.

Le conflit larvé sur l'interconnexion des réseaux éclatait alors au grand jour. De son côté, Orange se dédouanait de toute responsabilité et d'éventuelles dégradations volontaires au niveau de la bande passante de ses clients. Au contraire, Orange avait pointé du doigt Cogent en le qualifiant d'opérateur de transit " peu fiable ".

cogent-networkmap De fil en aiguille et de déclarations assassines de part et d'autre, Cogent a fini par saisir l'Autorité française de la concurrence, en évoquant une " taxe Orange " et un " abus de position dominante ". L'essentiel du conflit portait sur les accords dits de peering.

La politique de peering est relative à l'interconnexion et l'échange de trafic égal à égal. Cette interconnexion concerne les FAI, les prestataires de service ( hébergeurs, fournisseurs de contenus... ) et les opérateurs de transit comme donc Cogent ou Open Transit qui appartient à Orange.

" Les FAI et les prestataires de service souscrivent à des prestations de transit auprès d'un ou plusieurs opérateurs de transit pour se connecter à l'Internet mondial ", explique l'Autorité de la concurrence. " Les opérateurs de transit sont souvent interconnectés entre eux dans le cadre d'accords de peering qui fonctionnent selon un système de troc : chaque opérateur de transit pair ( peer ) échange des flux de données gratuitement avec d'autres pairs pour donner accès à ses clients ".

Cette gratuité est du moins le cas lorsque les échanges de données sont de volume comparable. Avec MegaUpload, ce n'était pas le cas. Le trafic envoyé aux abonnés Orange via Cogent était " très significatif " et " très déséquilibré par rapport au trafic allant en sens inverse ". Orange voulait ainsi être rémunéré pour ouvrir de nouvelles capacités de connexion à Cogent qui de son côté souhaitait la gratuité.


Pas d'infraction pour Orange
L'Autorité de la concurrence donne pour le moment raison à Orange :

" Les pratiques de France Télécom dénoncées par Cogent ne semblent pas, à ce stade de l'instruction, constituer une infraction : France Télécom n'a pas refusé l'accès de Cogent à ses abonnés mais a seulement demandé à être payé, conformément à sa politique de peering, pour l'ouverture de nouvelles capacités. "

Néanmoins, elle indique avoir identifié des préoccupations de concurrence :

" L'instruction du dossier a montré que France Télécom fournit à un site très populaire auprès des internautes et donc générant un trafic très important, une prestation d'accès aux abonnés d'Orange, par le biais d'Open Transit, à un prix qui apparaît sensiblement inférieur aux pratiques du marché. "

Pour l'Autorité de la concurrence, ce prix pourrait induire un effet de ciseau tarifaire* et " favoriser indûment ce site dans son activité par rapport à ses concurrents ". Le nom du site en question n'a pas été précisé. S'agirait-il de YouTube pour lequel les anciens problèmes de connectivité semblent résolus ?

Si l'Autorité de la concurrence considère que cette situation résulte surtout du " fort pouvoir de négociation du site et peut difficilement être reprochée " à Orange, ce dernier s'est engagé à être plus transparent sur sa politique de peering. Une affaire qui sera suivie.

Reste à savoir si la décision de l'Autorité de la concurrence ne va pas porter atteinte au peering gratuit.

* Définition de l'Autorité de la concurrence : la pratique de ciseau tarifaire, consiste pour un opérateur, généralement verticalement intégré, à fixer à la fois les tarifs de détail sur un marché et le tarif d'une prestation intermédiaire nécessaire pour l'accès au marché de détail, sans laisser entre les deux un espace économique suffisant permettant aux concurrents de répliquer aux offres proposées par l'opérateur intégré.