En nommant à la tête de la FCC Ajit Pai, un farouche opposant à la Neutralité du Net, mesure des derniers temps du mandat Obama, Donald Trump avait sans doute déjà sonné le glas de cette philosophie voulant mettre sur le même plan tous les fournisseurs de services du Web en ne donnant pas de priorité de bande passante aux différents acteurs et aux consommateurs, qu'ils soient gros ou petits, afin de fournir une qualité de service égale pour tous.

Ce principe vient d'être abrogé par décision de la FCC, permettant aux opérateurs de fournir un meilleur accès en ligne à ceux qui pourront y mettre le prix.

Si cette idée de prioritisation n'est pas dénuée de bon sens, elle ouvre surtout la voie à un Internet à deux vitesses, avec une qualité de service optimale pour ceux qui peuvent y mettre le prix et une qualité d'accès plus moyenne pour les autres, créant une discrimination et en opposition avec la notion d'Internet comme un bien public accessible à tous.

Pendant que les anti-neutralité du Net se félicitent d'une décision qui va donner les coudées franches aux opérateurs télécom, les pro-Neutralité alertent sur le risque de musellement de la parole et de la visibilité des minorités et petites entreprises, au profit des seuls grands groupes.

Si la décision de la FCC concerne avant-tout le marché US, elle est suivie de près en Europe où la question se pose également, et alors que les opérateurs télécom militent depuis des années pour abroger la Neutralité du Net ou au moins en réduire le périmètre.

Pourtant, Sébastien Soriano, président de l'Arcep, a redit récemment l'importance de cette conception du fonctionnement de l'Internet et son attachement à le maintenir. Il reste que la prise de position des USA va pouvoir alimenter le discours des opérateurs télécom en quête d'érosion de ce principe.

On notera que la consultation publique ouverte par la FCC sur cette question du maintien ou non de la Neutralité du Net est devenue un modèle de détournement et de dégradation d'un outil démocratique, avec des millions de commentaires fabriqués sur le même modèle et issus de faux comptes (bots, personnes décédées...), au point que certains y voient un "péril pour la démocratie", la voix du peuple étant étouffée sous les tentatives d'influence.

Source : La Tribune