Tout le monde n'a pas la chance de vivre dans un pays occidental, où les droits des salariés sont protégés par des lois que la justice se charge de faire respecter. Apple, qui vient de signer un accord de sous-traitance avec une firme taïwanaise, pourrait apprendre à ses dépens qu'une petite enquête préalable vaut mieux qu'une grosse campagne de mauvaise presse...


"Non, non, 'sweat-shop'* n'est pas un plat chinois..."
Lorsqu'Apple Computer s'est mis d'accord avec la firme taïwanaise Foxconn sur la fabrication de baladeurs iPod Nano dans les usines chinoises du second nommé, il espérait simplement à la fois faire baisser ses coûts de production, et satisfaire la demande croissante pour son récent micro-baladeur musical. Jusque là rien de bien nouveau, direz-vous : tous les industriels versent dans la délocalisation à un moment ou à un autre, quitte à revenir un peu plus tard sur cette pratique, au gré de leur conscience... et des pressions de l'opinion. Le constructeur de Cupertino n'échappe pas à la règle, mais son partenaire asiatique fait semble-t-il appel à une main d'oeuvre basée en Chine continentale, et qui travaille dans des conditions que Zola n'aurait pu mieux décrire dans Germinal.

La principale usine dans laquelle sera (') produite une partie des iPod commercialisés par Apple est en fait l'équivalent d'une ville de 200.000 habitants, dans laquelle autant de travailleurs (d'aucuns diraient : forçats) travaillent--beaucoup--et vivent--un peu--, au rythme de journées de travail de 15 heures, le tout pour environ 50 dollars US de salaire mensuel. Les iPod Nano qui y sont assemblés voient le jour dans des immeubles de cinq étages, gardés par la police locale, et où chaque employé doit montrer patte blanche pour entrer et sortir.


La vie dans la grande ville
Sur un autre site, près de Shangaï, la proximité de la mégalopole du sud de la Chine aide sans doute à garantir de "meilleures" conditions de travail : les journées passées à fabriquer des baladeurs à la chaîne ne durent que 12 heures, six, parfois sept jours sur sept, et le salaire mensuel est royalement porté à 100 dollars US. Quand on sait que la somme des composants entrant dans la fabrication d'un iPod Nano avoisinne les 75 dollars US, on comprend que c'est le coût du travail qui sert de "variable d'ajustement", comme disent les économistes. Sous couvert de l'anonymat, quelques langues se délient, d'ailleurs, et précisent que le directeur de l'usine de Shangaï maintient les salaires à un niveau le plus bas possible, afin de garantir le plus grand nombre de commandes.

C'est l'histoire du serpent qui se mord la queue : les entreprises chinoises, pour assurer leur pérennité, doivent proposer des coûts de fabrication de plus en plus bas, et encouragent ainsi les firmes étrangères à leur confier de plus en plus de travail. Il faut alors embaucher davantage de personnels, sans gonfler la masse salariale, et donc faire baisser les salaires, ce qui accroît encore le fossé entre ces esclaves modernes et leurs homologues occidentaux... lesquels perdent souvent leur emploi en raison des délocalisations.

Lorsqu'on se souvient qu'en Chine, comme dans beaucoup d'autres pays émergents, les syndicats sont une vue de l'esprit, on comprend qu'il appartient aux bien-pensants, souvent près de leurs sous, que nous sommes, de réagir.

Mais comment '



* Sweat-shop (littéralement : usine à produire de la sueur) désigne en anglais des ateliers, parfois clandestins, où les conditions de travail sont particulièrement éprouvantes.