Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr
Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première instance.
Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première instance.
Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première instance.
"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions. Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon
à accélérer sensiblement
la justice.
"Jacques Lavau" <Nolavauspamjac@klube_internaite.effaire> a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$7a628cd7@news.club-internet.fr...
Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions. Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon
à accélérer sensiblement
la justice.
"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions. Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon
à accélérer sensiblement
la justice.
Il est en effet anormal que dans 40% des cas, le jugement en appel inverse
la décision prise en première instance. C'est a se demander à quoi sert
le premier jugement si l'appel le contredit dans près d'un cas sur deux.
Il est en effet anormal que dans 40% des cas, le jugement en appel inverse
la décision prise en première instance. C'est a se demander à quoi sert
le premier jugement si l'appel le contredit dans près d'un cas sur deux.
Il est en effet anormal que dans 40% des cas, le jugement en appel inverse
la décision prise en première instance. C'est a se demander à quoi sert
le premier jugement si l'appel le contredit dans près d'un cas sur deux.
"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Mr Lavau,
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions.
Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le
contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon à accélérer
sensiblement
la justice.
"Jacques Lavau" <Nolavauspamjac@klube_internaite.effaire> a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$7a628cd7@news.club-internet.fr...
Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Mr Lavau,
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions.
Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le
contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon à accélérer
sensiblement
la justice.
"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.
Mr Lavau,
Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.
Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.
Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions.
Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le
contredit
dans près d'un cas sur deux.
Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon à accélérer
sensiblement
la justice.
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06
ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !
Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.
Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.
Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.
Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.
Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.
Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.
Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.
Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.
Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.
ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06
--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr