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Jugements désormais sans appel

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Jacques Lavau
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06


ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre
2005 qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil,
et qui est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles,
difficilement intelligibles, il ressort une modification en profondeur
de la justice civile, c'est-à-dire la principale justice des Français,
celle qui tranche notamment le contentieux des familles, du travail,
des affaires, des baux, des assurances, de la Sécurité sociale, celle
qui rend près de 2 millions de décisions par an !

Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont
innombrables, le remède administré par le gouvernement aggrave la
pathologie plutôt qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice
d'accélérer les procès est une bonne chose. Mais le prix payé pour y
parvenir est abusif : le procès juste et équitable est sacrifié sur
l'autel de la célérité. Les exemples pourraient être multipliés, mais
on n'en prendra qu'un seul, emblématique des risques que fait peser
pour le justiciable la confusion entre rapidité et précipitation.

Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra
désormais rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au
propriétaire plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui
dégraisse si le conseil des prud'hommes y a vu un licenciement réel et
sérieux ; payer la somme octroyée par le tribunal de commerce, etc.
Autant dire que dans la plupart des cas l'appel ne présentera plus
qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ;
tout va donc se jouer désormais en première instance.

Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la
justice et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner
plus de poids aux décisions de première instance ? La question peut
être effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la
refonte totale de la première instance. On ne peut pas à la fois
priver cette justice des moyens d'être rendue dans des conditions
convenables et donner à ses décisions une portée quasi irréversible.
Lorsque l'on sait les conditions dans lesquelles les décisions de
première instance sont rendues, par un tribunal d'instance ou de
grande instance (pour ne pas parler des tribunaux de commerce),
statuant le plus souvent de manière non collégiale, par des magistrats
accablés de travail, démoralisés et déconsidérés, y compris par le
pouvoir politique, il n'est pas possible de subordonner l'appel à
l'exécution du jugement.

Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans
des situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en
première instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le
demander à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le
procès. Curieuse manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette
réforme n'est que le dernier avatar de la destruction lente de notre
justice à laquelle, plutôt que de donner les moyens dont elle a
impérativement besoin, on invente des cache-misère qui s'ajoutent les
uns aux autres pour tenter d'occulter la dégradation continue du
service dû aux justiciables. Après l'introduction du catastrophique
juge de proximité qui tranche en matière civile des litiges allant
jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.

Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient
insusceptibles d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions.
Voilà donc le juge (qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que
ce sont surtout des retraités de la police ou des avocats en mal de
clientèle qui occupent cette fonction) qui sert désormais de référence
au procès civil. Un juge inapte qui rend des jugements sans appel, tel
est le modèle de procès que promeut le gouvernement.

Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave
critique encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux
qu'un décret pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de
cette importance n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue,
soupesée ? Sans doute le gouvernement ne souhaitait pas donner trop de
publicité à un décret qui remet en cause des droits aussi
fondamentaux, après plusieurs réformes inquiétantes sur le plan des
libertés publiques.

Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution
de la Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la
procédure pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir
législatif. C'est une illustration supplémentaire de la crise de notre
démocratie qui, chaque jour davantage, éloigne les décisions de ceux
pour qui elles sont prises. Lorsqu'une question aussi considérable que
l'appel des décisions de justice, qui va concerner des millions de
Français, ne fait l'objet d'aucune discussion publique, c'est le
signe, encore une fois, que la crise de la démocratie est là. Un sujet
de cette importance a sa place naturelle au Parlement, qui devrait
être le seul lieu de débat en matière de justice.

Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau
qu'il est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du
règlement dans la Constitution de la Ve République, laquelle montre
une fois de plus son obsolescence. Cessons de mépriser la procédure,
cette soeur jumelle des libertés, rappelle-t-on souvent. C'est
pourquoi, en toute logique, la faire relever de la loi plutôt que du
décret est une des réformes qui figurent dans le projet de VIe
République, plus moderne, plus transparente et surtout plus
démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle République advienne.

Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président
de la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la
VIe République, Odile Jacob, 2005.

ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06

--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr

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joel
"Jacques Lavau" a écrit dans le
message de news: 44208376$0$1155$
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06


ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !

Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.

Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.

Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.

Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.

Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.

Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.

Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.

Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.

Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.

ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06

--
La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
experts sont faillibles, que les connaissances transmises peuvent
contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
la peine de vérifier, par des expériences.
-- Jacques Lavau (retirer les anti et les spam pour le courriel)
http://lavaujac.club.fr





je vous rappelle que ce texte ne s'applique que s'il y a execution
provisoire de la decision de 1ere instance
l'appelant peut toujours demander la suspension de cette execution en vertu
de l'art 524 du ncpc
ou bien si la radiation de l'instance est demander par l'intime (car cette
radiation pour defaut d'execution du jugement ne peut etre prononce d'office
par le conseiller de la mise en etat) le conseiller de la mise en etat peut
refuser de rendre cette ordonnance de radiation s'il ya impossibilite ou
difficulté d'executer la decision.
enfin l'execution d'une decision de justice est poursuivi au risque de celui
qui en demande l'execution, la Cour de Casstion a encore recemment rappeler
qu'en cas d'execution forcee s'il ya reformation ou infirmation l'appelant
est en droit de demander reparer des prejudices causés par cettte execution
( il s'agissait pour ce cas du remboursement du pret y compris les interets
qui avait ete monté pour financer le cout de cette execution).
il s'agit d'une reforme à manier avec beaucoup de precaution et à en mesurer
les consequences surtout pour celui qui demande l'execution.
Avatar
ast
"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$


Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première instance.




Mr Lavau,

Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.

Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.

Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions. Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le contredit
dans près d'un cas sur deux.

Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon à accélérer sensiblement
la justice.
Avatar
Emma
ast a écrit :

"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$


Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.





Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.

Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.

Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions. Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.
C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le contredit
dans près d'un cas sur deux.



vous avez des stat' vérifiables
je pensais que le risuqe de voir la peine aggarvée (pour avoir dérangée
la justice pour rien ) était suffisament disuasif

Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon



à accélérer sensiblement
la justice.




accélérer la justice : ça me donne déjà froid dans le dos
sensiblement : ça fait mal

Emma
Avatar
Hugo
ast a écrit:

Il est en effet anormal que dans 40% des cas, le jugement en appel inverse
la décision prise en première instance. C'est a se demander à quoi sert
le premier jugement si l'appel le contredit dans près d'un cas sur deux.



Je n'y connais rien en droit, mais ce pourcentage ne me semble pas si
anormal que ca, dans la mesure ou les affaires qui vont en appel sont des
affaires ou une des parties au moins pense que la decision de justice n'est
pas conforme a la (sa) realité des faits et qu'avec un autre éclairage, en
orientant differement son plaidoyer (?), la decision peut être en sa
faveur.

Il faudrait voir le pourcentage d'affaire qui ne donne pas lieu a un appel,
mais admettons que ce soit 30% pour l'exemple, cela veut dire que dans 30%
des cas la première instance suffit, et que dans 60% des autres cas, la
decision de la première instance est confirmé. Ce qui n'est pas si
négligeable que cela.

--
Hugo
Avatar
svbeev
"ast" a écrit dans le message de news:
4421016d$0$29219$

"Jacques Lavau" a écrit
dans le message de news: 44208376$0$1155$


Ce décret sonne le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer
désormais en première instance.




Mr Lavau,

Le principal problème de notre justice est son extrème lenteur. Il faut
des années, oui des années pour régler le moindre litige, y compris le
plus insignifiant.



Je ne suis pas sur que vous soyez très bien informé(e)

-durée moyenne d'une procédure devant le TI 4,7 mois
- durée moyenne d'une procédure devant le TGI 7 mois
- durée moyenne d'une procédure devant la Cour d'Appel 15,3 mois

Certes, je vous accorde bien volontiers que ces moyennes reflètent des
réalités très différentes et que certaines juriridictions (notamment
certaines Cour d'Appel) sont largement sinistrées et que les problèmes de
délais existent mais il faut quand même savoir de quoi on parle.

Il faut aussi dire que les délais ne sont pas uniquement le fait de
l'engorgement judiciaire et que les parties elles-même ont leur part de
résponsabilité dans le délai de traitement des dossiers.

Allez à l'audience de n'importe quel tribunal d'instance et comptez le
nombre de renvois ordonné à la demande des parties elles-même.

Je vous rappelle que l'article 2 du NCPC dispose que les parties conduisent
l'instance sous les charges qui leur incombent et qu'il leur appartient
d'accomplir les actes de la pocédures dans les formes et délais requis.

La durée des pocédures est donc un cocktail complexe.

Certes il est toujours possible de dire qu'il faut plus de moyen pour la
justice, plus de magistrats, plus de tribunaux mais malheureusement
l'état des finances de notre pays ne le permet pas.



C'est une plaisanterie j'espère.

Non seulement comme vous dites "c'est toujours possible de le dire" mais
c'est une réalité qui crève les yeux.
J'ai déjà eu l'occasion en ces lieux de rappeler quelques chiffres récents
(année 2004)
7.500 magistrats dans les services judiciaires;
Justice civile ; 2.079.997 décisions rendues en 2004
Justice pénale : Affaires traitées 5.004.768
Procédures alternatives aux poursuites 388.916
Compositions pénales 25.777
Poursuites devant les juridicitions répressives
674.522

Si cela ne vous effraie pas avec un nombre de magistrats qui n'a pas
augmenté depuis 150 ans, alors tout va bien.

Je ne partage pas cet optimisme.

Il s'agit _exclusivement_ d'un choix politique et non d'une fatalité. Le bon
fonctionnement de la justice n'a JAMAIS interressé le pouvoir politique et
vous pouvez à cet égard comparer la part en pourcentage du budget de l'état
consacré à la justice par rapport à nos voisins européens et vous verrez que
c'est édifiant.

On peut faire toute les commissions d'enquête parlementaire du monde, sans
moyens supplémentaires le système ne fonctionnera pas mieux.


Aussi je pense que la limitation du droit d'appel va dans la bonne
direction,
à la condition cepandant que la décision prise en première instance le
soit dans de meilleures conditions.



Et vous croyez vraiement que c'est le cas ?

L'instauration du juge de proximité à laquelle l'immense majorité des juges
d'instance était opposée donne lieu à un bilan fort intéressant.

Les recrutements ont commencé il y a deux ans et sur les 3.500 prévus, 400
ont été effectivement recrutés et 100 (soit la bagatelle de 25 %) ont déjà
démissionné.Les premières statistiques tendent à démontrer que le délai de
traitement des juridicitions de proximité est supérieur à celui des
tribunaux d'instance ce qui est pour le moins cocasse et totalment contraire
à l'idée ui à présider à leur création.
Pour le reste, je ne ferai pas de commentaire sur la qualité des décisions
rendues sans appel possible juqu'à 4.000 euro.
Cela m'apparait un total mépris des gens modestes qui ont à faire juger des
"petits litiges" mais ces petits litiges peuvent avoir pour eux des
conséquences considérables et je ne vois pas pourquoi ils doivent subir un
traitement différents de ceux qui sont plus fortunés et qui achètent un
véhicule neuf à 20.000 euros plutot qu'une voiture d'occasion à 3.800 euros.
C'est ensuite penser qu'un litige à 4.000 euros et, en droit, plus facile à
résoudre qu'un litige à 100.000 euros. C'est une pure idiotie.

Il est en effet anormal que dans 40%
des cas, le jugement en appel inverse la décision prise en première
instance.



Et pourquoi anormal, c'est la raison d'être d'un double degré de
juridicition.
Et c'est oublier une peu vite que le jugement de première instance est
motivé. Or lorsqu' un plaideur est débouté pour la raison extraordinairement
simple qu'il n'a pas apporté au juge de première instance des éléments de
peuve suffisants, rien ne l'empêche, fort heureusement, de compléter son
dossier et de présenter à la Cour d'Appel des éléments de preuve
supplémentaires.
Autrement dit ce n'est pas parce qu'un jugement est infirmé en appel que le
premier juge avait forcément mal jugé puisque les deux juridicitions ne se
prononcent pas nécessairement au vu des mêmes pièces.

C'est a se demander à quoi sert le premier jugement si l'appel le
contredit
dans près d'un cas sur deux.



Voir ci-dessus.....Il faut donc être prudent dans ce type d'affirmation...

Et puis tant que la justice sera humaine (et je souhaite qu'elle le reste)
elle sera imparfaite de sorte que deux regards successifs valent mieux
qu'un.

Donnons plus de temps au tribunaux en première instance pour étudier les
affaires et prendre les bonnes décisions, puis limitons voire supprimons
le droit
d'appel pour toutes les procédures ordinaires de façon à accélérer
sensiblement
la justice.



D'une part les objectifs fixées avec la LOLF ne vont pas du tout dans ce
sens car on demande sans cesse aux magistrats, qui traitent de plus en plus
d'affaires puisque le contentieux augmentent et que le nombre de juges reste
le même, de réduire leurs délais. La tendance actuelle hélas ne nous emmène
pas vers un justice de meilleure qualité.

Ainsi par exemple l'objectif clairement affirmé pour les TI est de faire
passer le délai moyen de 4,7 mois à 3, j'attends qu'on m'explique comment
faire à moyens constants...

Le justiciable ne sait pas qu'on créé des juridictions de proximité sans
prévoir un seul greffier supplémentaires....et que les JP fonctionne avec
les moyens du TI alors que cela crée des audiences supplémentaires pendant
lesquelles le greffier du TI ne peut pas faire son travail...

A quoi sert une justice plus rapide (elle ne l'est d'ailleurs pas) si elle
est de moins bonne qualité. Il faut évidemment poursuivre des deux objectifs
de front et privilégier l'un par rapport à l'autre est inacceptable.

Les solutions mises en place sont les pires de toute.

Mais puisque tout le monde s'en fout, tout va bien. Nous aurons droit à deux
ou trois réformettes à moyens constants lorsque la commission d'Outreau aura
terminé ses travaux puis toute cela replongera gentiment dans l'oubli dans
l'indifférence générale....
Avatar
hallograf
il ne faut pas se jeter sur une analyse aussi rapide du decret .
rappelons d'abord que les decisions de premiere instance pouvaient etre
assorties de l'execution provisoire , certaines l'etaient meme de droit (ord
de refere, decisions du JAF etc )
ils etaient alors possible meme si il y avait appel de faire executer la
decision ( expulsion , saisies etc...)
la suspension de cette execution etait possible dev ant le premier president
de la Cour suivi des cas bien precis
maintenant cette suspension est toujours possible et meme si le premier
president ne la suspend pas , le conseiller de la mee s'il est saisi afin
de prononcer a la radiation de l'affaire pour defaut d'execution peut apres
debat contradictoire considerer que cette execution n'est pas possible
actuellement ou trop diffcile a faire etc et rendre une ordonnance
deboutant la demande de radiation , l'appel continuant à suivre son cours.

il faut rappeler que l'execution provisoire en cours d'instance est
poursuivi au risque de celui qui en demande l'execution.
la cour de casstion a en fevrier rappelé ce principe et condamne un
"executant" a rembourser à "l'execute" tous les frais d'execution y compris
le pret souscrit pour pouvoir executer la decision

joel
"

Jacques Lavau" a écrit dans le
message de news: 44208376$0$1155$
Jugements désormais sans appel, par Arnaud Montebourg
LE MONDE | 21.03.06


ntre Noël et le Jour de l'an, entre la dinde et le champagne, le
gouvernement a publié un décret au Journal officiel du 29 décembre 2005
qui bouleverse les règles multiséculaires de notre procès civil, et qui
est en vigueur depuis le 1er mars ! De ses 89 articles, difficilement
intelligibles, il ressort une modification en profondeur de la justice
civile, c'est-à-dire la principale justice des Français, celle qui tranche
notamment le contentieux des familles, du travail, des affaires, des baux,
des assurances, de la Sécurité sociale, celle qui rend près de 2 millions
de décisions par an !

Même si les maux qui affectent l'institution judiciaire sont innombrables,
le remède administré par le gouvernement aggrave la pathologie plutôt
qu'il ne la soigne. Certes, l'idée directrice d'accélérer les procès est
une bonne chose. Mais le prix payé pour y parvenir est abusif : le procès
juste et équitable est sacrifié sur l'autel de la célérité. Les exemples
pourraient être multipliés, mais on n'en prendra qu'un seul, emblématique
des risques que fait peser pour le justiciable la confusion entre rapidité
et précipitation.

Avec le nouveau décret, l'appel d'une décision de première instance ne
sera possible, dans la plupart des cas, que si cette décision a été
préalablement exécutée. Avant de pouvoir faire appel, il faudra désormais
rendre l'appartement loué si le jugement a donné raison au propriétaire
plutôt qu'au locataire ; quitter l'entreprise qui dégraisse si le conseil
des prud'hommes y a vu un licenciement réel et sérieux ; payer la somme
octroyée par le tribunal de commerce, etc. Autant dire que dans la plupart
des cas l'appel ne présentera plus qu'un intérêt marginal. Ce décret sonne
le glas de l'appel de droit ; tout va donc se jouer désormais en première
instance.

Et finalement, pourquoi pas ? Face aux lenteurs endémiques de la justice
et à ses dysfonctionnements chroniques, pourquoi ne pas donner plus de
poids aux décisions de première instance ? La question peut être
effectivement posée. Mais elle n'est légitime qu'au prix de la refonte
totale de la première instance. On ne peut pas à la fois priver cette
justice des moyens d'être rendue dans des conditions convenables et donner
à ses décisions une portée quasi irréversible. Lorsque l'on sait les
conditions dans lesquelles les décisions de première instance sont
rendues, par un tribunal d'instance ou de grande instance (pour ne pas
parler des tribunaux de commerce), statuant le plus souvent de manière non
collégiale, par des magistrats accablés de travail, démoralisés et
déconsidérés, y compris par le pouvoir politique, il n'est pas possible de
subordonner l'appel à l'exécution du jugement.

Il est vrai que le nouveau texte prévoit lui-même un garde-fou : dans des
situations extrêmes, il sera possible à celui qui a perdu en première
instance de solliciter le maintien de son appel, même en cas
d'inexécution. Mais pour obtenir ce sursis, encore faudra-t-il le demander
à... la justice. Il y aura donc en plus un procès sur le procès. Curieuse
manière d'accélérer le processus judiciaire. Cette réforme n'est que le
dernier avatar de la destruction lente de notre justice à laquelle, plutôt
que de donner les moyens dont elle a impérativement besoin, on invente des
cache-misère qui s'ajoutent les uns aux autres pour tenter d'occulter la
dégradation continue du service dû aux justiciables. Après l'introduction
du catastrophique juge de proximité qui tranche en matière civile des
litiges allant jusqu'à 4000, on met maintenant fin à l'appel de droit.

Le juge de proximité est d'ailleurs épargné par la réforme. Logique,
puisque le gouvernement, anticipant sans doute sur le décret du 28
décembre 2005, avait déjà prévu que ses décisions seraient insusceptibles
d'appel en matière civile, sauf très rares exceptions. Voilà donc le juge
(qui n'en est pas vraiment un puisque l'on sait que ce sont surtout des
retraités de la police ou des avocats en mal de clientèle qui occupent
cette fonction) qui sert désormais de référence au procès civil. Un juge
inapte qui rend des jugements sans appel, tel est le modèle de procès que
promeut le gouvernement.

Sur la forme, le texte du 28 décembre 2005 encourt une plus grave critique
encore. La fin de l'appel de droit méritait sans doute mieux qu'un décret
pris pendant la trêve des confiseurs. Une question de cette importance
n'aurait-elle pas pu être discutée, débattue, soupesée ? Sans doute le
gouvernement ne souhaitait pas donner trop de publicité à un décret qui
remet en cause des droits aussi fondamentaux, après plusieurs réformes
inquiétantes sur le plan des libertés publiques.

Si un tel oukase a pu être possible, c'est parce que la Constitution de la
Ve République prévoit que la procédure civile, à l'inverse de la procédure
pénale, peut être réformée sans recourir au pouvoir législatif. C'est une
illustration supplémentaire de la crise de notre démocratie qui, chaque
jour davantage, éloigne les décisions de ceux pour qui elles sont prises.
Lorsqu'une question aussi considérable que l'appel des décisions de
justice, qui va concerner des millions de Français, ne fait l'objet
d'aucune discussion publique, c'est le signe, encore une fois, que la
crise de la démocratie est là. Un sujet de cette importance a sa place
naturelle au Parlement, qui devrait être le seul lieu de débat en matière
de justice.

Ce "décret des confiseurs", adopté en catimini, souligne à nouveau qu'il
est nécessaire de repenser la répartition de la loi et du règlement dans
la Constitution de la Ve République, laquelle montre une fois de plus son
obsolescence. Cessons de mépriser la procédure, cette soeur jumelle des
libertés, rappelle-t-on souvent. C'est pourquoi, en toute logique, la
faire relever de la loi plutôt que du décret est une des réformes qui
figurent dans le projet de VIe République, plus moderne, plus transparente
et surtout plus démocratique. Il est grand temps que cette nouvelle
République advienne.

Arnaud Montebourg est député (PS) de Saône-et-Loire et vice-président de
la commission des lois. Il est le coauteur de La Constitution de la VIe
République, Odile Jacob, 2005.

ARNAUD MONTEBOURG
Article paru dans l'édition du 22.03.06

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La science se distingue de tous les autres modes de transmission des
connaissances, par une "croyance" de base : nous croyons que les
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contenir toutes sortes de fables et d’erreurs, et qu’il faut prendre
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