Comme prévu, après l'Assemblée nationale la semaine dernière, c'est le Sénat qui vient d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant sur la création d'une taxe nationale sur les services numériques.

Le texte, qui vise les géants mondiaux du numérique, est donc définitivement adopté par le Parlement. Les géants américains du numérique sont tout particulièrement concernés, ce qui a déclenché une première forme sinon de représailles, du moins de menace des États-Unis.

Avant même l'adoption définitive par le Parlement français, les États-Unis ont annoncé hier l'ouverture d'une enquête au sujet de cette taxe à la française. Elle est placée sous l'égide du Bureau du représentant américain au commerce (USTR).

" Les États-Unis sont très préoccupés par le fait que la taxe sur les services numériques qui devrait être adoptée par le Sénat français cible injustement les entreprises américaines. Le Président (ndlr : Donald Trump) nous a ordonné d'enquêter sur les effets de cette loi et de déterminer sur elle est discriminatoire ou déraisonnable et si elle entrave ou restreint le commerce des États-Unis ", a déclaré Robert Lighthizer, le représentant américain au Commerce.

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Ministre français de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire a souligné que c'est la première fois que l'administration américaine décide d'ouvrir une telle procédure à l'encontre de la France.

Il a ajouté : " Je crois profondément qu'entre alliés, nous pouvons et nous devons régler nos différends autrement que par la menace. La France est un État souverain. Elle décide souverainement de ses dispositions fiscales. "

Le cas échéant, la procédure lancée par les États-Unis pourrait aboutir à des droits de douane sur des produits français, voire des mesures coercitives similaires sur le plan commercial.

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Actualité publiée le 5 juillet 2019

Adopté en première lecture à l'Assemblée nationale en avril puis au Sénat en mai, le projet de loi portant sur la création d'une taxe sur les services numériques est passé entre les mains d'une commission mixte paritaire.

La version harmonisée du texte entre les deux chambres parlementaires a été adoptée hier par les députés. Avant adoption définitive par le Parlement, le texte sera soumis aux sénateurs le 11 juillet prochain. D'ores et déjà, le ministre de l'Économie et des Finances clame que la France est " la première nation européenne à adopter une taxation des géants du numérique. "

Si les sénateurs avaient introduit en première lecture un amendement précisant le caractère temporaire de la taxe jusqu'au 1er janvier 2022, cette disposition a disparu du texte de la commission mixte paritaire. Pour autant, Bruno Le Maire souligne une nouvelle fois (PDF) que la France renoncera à cette taxation nationale, dès qu'il y aura " une solution satisfaisante au niveau international. "

Comme voulu par les parlementaires, un rapport annuel sur l'état d'avancement des négociations internationales sera remis, et ainsi " les perspectives de suppression de la taxe nationale. "

Cette taxe nationale va toucher les géants mondiaux du numérique (près d'une trentaine d'entreprises) avec un chiffre d'affaires sur les activités numériques de 750 millions d'euros dans le monde et de plus de 25 millions d'euros en France.

Les activités concernées englobent la publicité ciblée en ligne, la vente de données d'utilisateurs à des fins publicitaires et l'intermédiation des plateformes. La taxe - rétroactive depuis le 1er janvier 2019 - sera à hauteur de 3 % du chiffre d'affaires réalisé en France. Contrairement à l'impôt sur les sociétés, elle n'est donc pas appliquée sur les bénéfices.

" Nous devons bâtir la fiscalité du XXIe siècle. Cette fiscalité doit être plus juste et doit tenir compte de cette création de valeur par la donnée ", déclare Bruno Le Maire. La taxe pourrait rapporter 400 millions d'euros en 2019, puis 650 millions d'euros en 2020. Elle touche particulièrement des géants du numérique américains, ce qui irrite le gouvernement des États-Unis.

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Dans une annexe d'une étude, le cabinet Taj (Deloitte) avait listé les entreprises potentiellement touchées par la taxe en les regroupant selon les catégories : vente de biens, intermédiation et publicité en ligne. La liste en annexe (ci-dessus) a toutefois été retirée de la version finale de l'étude (PDF).