Fuite vers l'avant

La société de développement Daedalic Entertainment, connue pour ses très bons point & click sur PC, nous propose un nouveau genre dans leur éventail de possibilités : le jeu de rôle au tour par tour. C'est avec Blackguards que le studio nous offre une immersion dans la licence l'Oeil Noir ( The Dark Eye ). Cette dernière, connue par les amateurs de jeux de rôle papier depuis 1984, propose un univers médiéval-fantastique largement basé sur le célèbre Donjons & Dragons. La licence s'est rapidement déclinée en jeu vidéo, à partir des années 90. Par ailleurs, ce n'est pas le premier coup d'essai de Daedalic pour cette franchise, puisqu'il a déjà publié L'Oeil Noir : Les Chaînes de Satinav en 2012.

Alors que le jeu de rôle au tour par tour est toujours destiné à un marché de niche et ce, malgré quelques jeux indépendants exploitant récemment ce filon, Blackguards a pour objectif de séduire les amateurs du genre. Si le scénario pouvait laisser présager quelque chose d'assez dense et immersif, le titre peine toutefois à démarrer. Dès le début de l'aventure, le héros voit son amie et princesse dévorée par un puissant loup, avant d'être jugé coupable et emprisonné. Sans le sou, il faudra tout d'abord chercher à s'échapper de notre geôle et chercher à nous venger notre bourreau visiblement bien trop insistant pour demeurer innocent dans cette sombre affaire.

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L'aventure débute avec un trio de héros : notre personnage – qu'il est possible de créer selon trois classes de personnages : guerrier, mage ou archer – un nain puissant au corps-à-corps et un mage plutôt hautain à l'accent italien fort indigeste. D'autres protagonistes se joindront progressivement à notre quête. Fort malheureusement, en dépit d'un univers existant depuis les années 80 plutôt riche en atmosphère, le travail de Daedalic demeure en demi teinte. En effet, la mise en scène du jeu se révèle assez fade en définitive, arborant des cut-scenes sans grande immersion, aux dialogues peu éloquents et doublés sans profondeur, ainsi qu'une progression désespérément linéaire. Bien sûr, il existe quelques chemins alternatifs de temps d'une quête secondaire, mais le voyage au travers de la carte du monde présente majoritairement des trajets expéditifs et unilatéraux.

Cette approche plutôt austère réduira très clairement les ardeurs de la plupart des joueurs, puisque le schéma ville / combat se répétera sans cesse au fil de la progression in-game. De plus, aucune liberté de déplacement précise n'est au centre du gameplay, la plupart des actions s'effectuant directement à la souris dans les lieux visités. Il conviendra souvent d'interroger les autochtones pour débloquer des quêtes optionnelles, parler au guérisseur pour soigner ses blessures, à l'aubergiste pour dormir et récupérer ses points de vie / magie, ou encore tailler une bavette avec le forgeron ou marchand du coin pour faire du commerce d'équipements et objets. En sus de ce schéma plutôt répétitif, le jeu de Daedalic se veut très frustrant. Assurant des premières heures pénibles en raison d'un manque de spécialisation des personnages, le titre démolit rapidement tout espoir en raison d'une probabilité injuste et une progression qui ne décole qu'à partir du troisième chapitre. Aussi, seuls les plus téméraires apprécieront davantage le jeu, suite à une bonne dizaine d'heures de quasi-supplice.

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Vivre à la dure

En termes d'approche, Blackguards est un jeu de rôle tactile, proposant des combats au tour par tour régis par des déplacements par cases, à la manière d'un damier. Chaque tour de jeu permet de se déplacer dans un certain rayon d'action ( selon les caractéristiques des personnages ), mais aussi d'attaquer selon la distance vous séparant des adversaires. Si vos combattants disposent d'une arme au corps-à-corps, il conviendra alors de se déplacer à proximité de ses ennemis, alors que l'usage d'un arc, une arbalète ou un sort magique permet de s'attaquer aux affreux à distance. Les tours d'action sont déterminés par l'ordre des vignettes en bas de l'écran, permettant d'établir une stratégie selon les futures actions des adversaires. Malgré tout, les combats montrent une très grande frustration en raison de la probabilité mal calibrée. Imaginée comme un jet de dés, il est possible de rater ses attaques et ce, même si les chances de toucher se révèlent élevées. De même, les dégâts sont souvent assez incertains, pouvant rapidement changer l'issue d'un affrontement.

Cette frustration est extrêmement présente au début du jeu, mais tend à se réduire au fil des heures de gameplay et, surtout, à partir du troisième chapitre. En effet, il est possible de mieux spécialiser ses personnages dans des classes précises à partir de cette partie du jeu, permettant ( enfin ! ) de mieux profiter des possibilités offertes par Daedalic. En attendant, nous sommes souvent amenés à redémarrer à plusieurs reprises des combats, surtout en cas de mauvaises combinaisons de déplacements et attaques des ennemis. Malgré tout, les développeurs ont tenté d'introduire une interaction avec certains éléments du décor pour assurer un avantage ( ou désavantage ) en cours de jeu. Dans les faits, il devient très difficile de remporter un combat sans exploiter ces astuces, comme la chute de caisses pour faire un barrage défensif, tirer dans une ruche pour libérer des abeilles, ou encore enflammer des poches de gaz dans des marais. Malgré l'usage de la touche dédiée pour mettre en surbrillance les objets interactifs, il n'est pas souvent évident de savoir comment en tirer profit sans commettre des erreurs et ainsi perdre l'issue de l'affrontement.

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Par ailleurs, la prise en main des combats se veut plutôt pénible, prioritairement en raison d'une caméra difficilement paramétrable. Bien qu'il soit possible de la déplacer pour se concentrer en arrière plan de la zone de jeu et jouer sur l'angle, il est difficilement possible de discerner correctement certains détails pratiques. Il aurait été notamment intéressant de pouvoir bouger librement la caméra à la souris, voire disposer d'un angle optionnel strictement aérien, afin de profiter d'un affichage stratégique plus clair et confortable. De même, la roue des actions n'est pas toujours très optimisée et souvent assez peu claire. Par exemple, les pouvoirs magiques disposent de plusieurs niveaux représentés par des quarts de cercles peu ergonomiques, ajoutant une arborescence d'action supplémentaire à sélectionner.

Dans sa globalité, l'interface du jeu n'est pas vraiment au point. Malgré plusieurs détails textuels affichés dans les différents menus, l'ensemble se veut visuellement dissuasif pour les néophytes en raison d'un cruel manque de design. En conséquence, l'ensemble se montre assez indigeste, parfois très peu confortable ( notamment pour dérouler les informations d'un équipement ). Toute cette confusion peut se répercuter sur des caractéristiques - pourtant majeures – qui passent à côté de notre attention. Le gain de points d'action au fil des combats peuvent par ailleurs être dépensés pour améliorer ses compétences, caractéristiques de spécialisation et pour apprendre de nouveaux sorts avec les professeurs disposés dans certaines villes du jeu. Aussi, c'est à la sueur de son front qu'il sera possible de combiner des équipements efficaces avec des compétences complémentaires pour assurer des affrontements suffisamment rythmés.

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Loin de la perfection

Vous l'aurez compris, Blackguards dispose de bonnes idées, mais plusieurs éléments viennent entacher l'expérience de jeu au travers de quelques défauts de gameplay et une très grande frustration lors des premières ( longues ) heures de jeu. Outre la prise en main, le soft de Daedalic Entertainment pêche également par sa réalisation technique. Très clairement, la modélisation n'est pas le point fort du studio, occasionnant des cut-scenes sans saveur et mal animées. Aussi, il devient très difficile de puiser du charisme dans notre fine équipe. C'est plutôt dommage, d'autant plus que le scénario ne dispose pas d'accroche suffisamment fournie pour accrocher les joueurs. L'univers se veut également bien trop dirigiste pour nous permettre de flâner allègrement. En effet, les déplacements entre les villes et autres zones du jeu s'effectuent uniquement au travers d'un simple itinéraire dirigé.

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La partie sonore du jeu présente quant à elle une réalisation de qualité honorable, si l'on fait abstraction des doublages réellement peu pertinents. En revanche, les thèmes sonores sont très corrects et sont en adéquation avec les lieux visités ainsi que les événements abordés. Dans les combats, les musiques s'ajustent selon l'état de votre équipe, ajoutant un soupçon d'immersion.

Dans l'absolu, Blackguards propose une durée de vie de très bonne facture. Démarrant péniblement avec un rythme très lent en raison d'un tutoriel à rallonge pour cerner les différentes approches de gameplay, le titre prend sa vitesse de croisière qu'après quelques heures de jeu et une difficulté parfois injustement élevée. En dépit d'une grande linéarité dans la progression, le soft propose une durée de vie pouvant excéder la trentaine d'heure, selon votre façon d'aborder l'aventure. De plus, plusieurs fins sont disponibles, selon vos actions dans l'aventures. Cela offre le choix de procéder à une nouvelle aventure... si vous en avez le courage.

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+ Les plus

  • Bonnes idées de gameplay
  • Prise en main rigoureuse
  • Durée de vie très correcte
  • De bonnes musiques dans l'ensemble

- Les moins

  • Très grande linéarité
  • Graphismes moyens
  • Rythme très lent au début du jeu
  • Doublage décevant
  • Interface peu ergonomique
  • Soucis de caméra
  • Difficulté trop basée sur la probabilité