Quand on parle du Puy du Fou, l'image traditionnelle du parc monté il y a 40 ans fait immédiatement surface. On pense ainsi aux spectacles de fauconnerie et de combats de chevaliers, ce qui était vrai il y a quelques années n'est plus forcément le principal axe de développement du parc qui n'a eu de cesse que de monter en puissance jusqu'à s'imposer aujourd'hui comme le 2e parc le plus fréquenté de France avec plus de 2,3 millions de visiteurs en 2018.

Puy du fou

Il est vrai que le parc a fait le choix d'orienter ses spectacles vers des adaptations historiques plus ou moins libres, ce qui ne pousse pas d'emblée à imaginer l'usage des nouvelles technologies. Et c'est là que le parc séduit rapidement les technophiles avertis : on assiste en permanence à de véritables prouesses techniques profitant des dernières innovations sans même s'en apercevoir.

Le Parc du Puy du Fou revendique réinvestir chaque année l'ensemble de ses bénéfices dans le développement de son site et les innovations technologiques au service du spectacle. Une situation qui se confirme en constatant le gigantisme des attractions et des moyens déployés.

 

Spectacles et attractions.

Le Puy du Fou, c'est un parc atypique logé dans un écrin de verdure de plus de 70 hectares qui propose des décors abordant 6 grandes époques : Antiquité, Moyen-âge, Renaissance, Grand Siècle, 18e siècle et Belle époque. Au total, ce sont 6 grands spectacles qui sont joués jusqu'à 7 fois par jour au sein du parc avec des durées moyennes de 30 minutes, le tout étant associé à des "spectales immersifs" : des zones dans lesquelles les spectateurs se déplacent librement, suivant un chemin au cours duquel une histoire leur est contée avec l'aide de projections, animatronics et acteurs réels, si bien que l'on ne dissocie rapidement plus le vrai du faux.

La nature est omniprésente dans le parc, mais rapidement on s'aperçoit de l'orientation vers les technologies : les espaces consacrés à l'hôtellerie voient ainsi la pelouse tantôt tondue naturellement par des moutons d'Ouessant, tantôt par des tondeuses robotisées entièrement automatiques.

Et cette première impression de mélange des genres se poursuit tout au long du parc et se confirme avec les techniciens que j'ai eu la chance de pouvoir rencontrer à la fin de certains spectacles. Disons le clairement, il n'y a pas assez d'un week-end pour profiter de l'intégralité des attractions du parc dans des conditions idéales et notre choix s'est donc porté sur les attractions les plus innovantes du parc et celles mettant en oeuvre les technologies les plus intéressantes à nos yeux.

L'application mobile : un modèle à suivre.

Avant même d'aborder les technologies déployées au fil des spectacles, il est bon de parler de l'application mobile du Puy du Fou qui donne tout de suite le ton : du jamais vu me concernant tant elle se montre dense en informations et utile.

Si l'ensemble du parc est plutôt bien fléché, les utilisateurs ne pourront ainsi pas se perdre grâce à l'application gratuite (associée au WiFi gratuit couvrant l'intégralité du parc également), qui propose de vous géolocaliser sur une carte du parc faite sur mesure.

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L'utilisateur peut ainsi choisir d'afficher sur son smartphone les éléments de son choix sur la carte selon plusieurs catégories : spectacles, restaurants, villages, nature, hôtels et services. Dans chaque catégorie on pourra sélectionner chaque emplacement pour n'afficher au final que les centres d'intérêt de son choix.

Chaque point est accompagné d'un descriptif, des horaires et informations principales (prix des restaurants par exemple).

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Un "programme" est également proposé, affichant chaque jour les heures de représentation pour chaque spectacle ou ouverture de spectacle immersif. Son avantage est qu'il est possible de sélectionner chaque spectacle et de le verrouiller pour organiser sa journée et se faire un programme personnalisé. Si deux spectacles se chevauchent, l'application l'indique et propose ainsi de changer d'horaires.

L'application se montre très facile à prendre en mains, très utile sur place et très bien conçue, un véritable modèle à suivre pour l'ensemble des parcs à thème.

Pendant notre séjour, nous avons pu assister à quelques spectacles principaux et en immersion : le dernier Panache, le Mystère de La Pérouse, le Premier Royaume ainsi que la Cinéscénie.

Le dernier Panache

Notre visite a débuté avec l'un des spectacles les plus impressionnants intitulé "Le dernier Panache" qui prend pour toile de fond l'histoire de François-Athanase Charette de la Contrie, officier de marine français, héros de la Guerre d'indépendance américaine et son implication dans la guerre civile de Vendée.

Le Dernier Panache 1 - Alain Monéger Le Dernier Panache 6 - Alain Monéger

Le spectacle se joue en intérieur dans une salle de 7500 m², les 2400 spectateurs étant installés sur un gradin lui-même monté sur une plateforme pivotante à 360 degrés. Ces derniers font face à une scène à 360 degrés également, parcourue de rideaux blancs (sur plusieurs épaisseurs et plusieurs degrés de transparence), permettant d'organiser une projection en 4K via 8 projecteurs principaux ( DL7S) et 18 projecteurs secondaires (DL4S) conçus par Robe. Le choix s'est porté sur des projecteurs LED afin de minimiser la maintenance, le spectacle étant joué jusqu'à 7 fois 33 minutes par jour, le matériel étant quant à lui fixé à 13 m de hauteur.

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Pendant 33 minutes, les spectateurs profitent ainsi d'un mélange de projection Ultra HD mêlée à des ouvertures de rideau donnant sur des scènes réelles avec des décors reconstruits pour l'occasion, des acteurs évoluant librement et une projection qui vient poursuivre la continuité des décors avec une précision au centimètre près.

Mieux encore, le gradin pivote sur lui même avec les spectateurs afin de les positionner en face des différents tableaux masqués par les rideaux le temps des projections, passant ainsi de l'arrière d'un navire de guerre à une salle de bal de château ou à une plage bien réelle avec sa mer et son ressac.

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Si la projection impressionne autant que les décors, c'est le système de pivotement du gradin, mais aussi le système sonore qui impressionne : le spectacle s'appuie sur un ensemble de 24 enceintes qui s'adaptent en temps réel au déplacement des tribunes pour toujours suivre le spectateur qui, sans s'en rendre compte, profite d'un son toujours idéal sans aucun déplacement quelconque perceptible.

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Pour réaliser cette prouesse, le Puy du Fou a travaillé main dans la main avec L-acoustics, fabricant d'enceintes et système de son en France, mais aussi la société Modulo qui a développé un outil sur mesure devenu une référence pour d'autres spectacles à travers le monde : Kinetic. Le logiciel a été développé pour le Puy du Fou et ajusté en fonction des besoins qui apparaissaient au gré de l'avancement du projet. Il aura fallu plusieurs années pour réussir ainsi à gérer les déplacements du son de façon optimale tout en gérant la projection et les déplacements du gradin pour un résultat magique.

Preuve que la technologie remplit parfaitement son office ici : on passe rapidement de l'effet de projection à une immersion totale, oubliant la frontière entre le réel et le factice. Le spectateur est plongé tant dans l'histoire prenante qui est racontée que dans les effets déployés et la beauté de ce qui se déroule sous ses yeux pour ressortir bouleversé.

Le Mystère de La Pérouse.

Notre visite s'est poursuivie avec la visite d'un des nombreux "spectacles immersifs" du parc, soit un environnement intégrant décors et acteurs dans lequel le spectateur évolue librement.

Ici, on nous propose de retracer le voyage de Monsieur de La Pérouse en montant à bord de "La Boussole", un voilier d'exploration disparu en 1788 et retrouvé en 1826 au large des îles Salomon.

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Le spectateur est donc invité à suivre un tracé qui le plonge au coeur du bateau et des différentes zones parcourues. On profite de décors fourmillant de détails dans lesquels se mêlent accessoires traditionnels et projections de lumière et d'ombres. Le tout est renforcé par le jeu des acteurs avant que la technologie ne vienne une fois de plus ajouter un autre niveau de réalisme à l'ensemble.

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Ainsi, si le sol reste bien fixe, la "coque" de cette gigantesque scène qui se déroule au fil de plusieurs pièces est montée sur des vérins électriques et pneumatiques empruntés à l'industrie automobile. Les murs et plafonds se soulèvent ainsi et s'enfoncent pour donner l'illusion du tangage du bateau. Certains murs se gonflent et ruissellent d'eau... on grelotte une fois arrivé à l'avant du navire lorsque la  Boussole approche le cercle arctique et que l'on discerne des icebergs par les hublots, on s'inquiète face à la projection d'une mer déchainée et des mouvements du bateau... Les effets sont saisissants de réalisme et on se prend rapidement à chanceler, déstabilisés par le ballotement incessant de l'environnement, jusqu'à en perdre tout repère.

Le son est à nouveau un élément clé de ce spectacle : outre les performances des acteurs, ce sont 175 pistes audio qui diffusent en permanence dans l'espace visité avec des bruits de craquement, de vent, de vagues...

 

Le Premier Royaume

Le Premier Royaume est le tout nouveau spectacle du Puy du Fou pour l'année 2019, il se concentre sur l'histoire de Clovis, premier roi des Francs.

Là encore, il s'agit d'un spectacle immersif qui propose aux visiteurs de suivre à leur rythme l'histoire qui leur est proposée, à savoir celle de Clovis et la création du royaume des Francs. Le Puy du Fou annonce avoir mené des recherches historiques sans précédent pour mener à bien ce projet et proposer une expérience enrichissante et éblouissante aux spectateurs. Un pari réussi grâce à la mise en oeuvre de différentes technologies empruntées au cinéma, notamment avec de nombreux animatronics.

Le Premier Royaume 2 - Alain Monéger_1 Le Premier Royaume 4 - Alain Monéger_1

Une des premières scènes nous plonge directement dans l'ambiance : entre projections visuelles sur les murs et jeux d'ombre, on évolue au milieu d'un scriptorium mérovingien rempli d'animatronics. Il s'agit ni plus ni moins de robots automatisés dotés de dizaines de servomoteurs leur permettant de proposer des animations complexes et fidèles à la réalité. Nous en croiserons plusieurs lors de cette expérience si bien qu'à un moment, il devient difficile de les différencier des acteurs réels qui animent également continuellement le spectacle.

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Certaines scènes sont éblouissantes comme celle de l'épisode du vase de soissons, ou encore la visite des entrailles de la Terre avec sa lave suspendue dans les airs (technologie misant sur l'effet stroboscopique associé à de l'eau). Une scène est particulièrement bluffante : elle plonge le spectateur en lévitation dans l'eau avec un décor animé grâce à des vérins permettant aux éléments de se déplacer lentement comme au fond de l'eau avec des projections lumineuses pour parfaire le tout. Le point d'orgue est atteint avec la scène du baptême avec Clovis à genoux, encerclé par un rideau d'eau violet interrompu par des dizaines de motifs en fleur de lys exploitant une technique assez simple, mais très impressionnante dans les dimensions ici présentées.

Au total, ce sont 150 pistes audio qui sont diffusées en continu pendant le spectacle pour une immersion à 360 degrés. Les effets audio ont été spécialement développés avec la société Française L-Acoustics via le système L-Isa. Le tout est également sublimé par de la vidéoprojection en mapping 3D afin de permettre de déformer des décors réels ou de les animer.

Cinéscénie : les drones Neopter.

C'est le spectacle qui a fait connaitre le Puy du Fou à travers la France et le monde entier depuis sa création en 1977. Il s'agit là de reprendre plusieurs éléments abordés à travers le parc et toujours orientés vers le peuple de Vendée pour en retracer l'histoire.

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Le spectacle est indépendant de l'accès au Parc du Puy du Fou, il regroupe plus de 2200 comédiens bénévoles qui jouent pendant 1h30 devant plus de 13 000 personnes. Et depuis quelques années, ce spectacle nocturne est appuyé par la présence des drones Neopter.

J'ai donc pu approcher ces fameux drones et visiter la régie qui gère ces drones assez particuliers.

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Le drone Neopter est un projet lancé en 2014 et qui a nécessité plus de 50 ingénieurs et 6,5 millions d'euros d'investissement. Au total, ce sont 30 drones qui sont ainsi capables d'évoluer de façon synchronisée et de transporter des décors de plus de 2,4 kg pour organiser une chorégraphie aérienne taillée au millimètre.

Les Neopter ont été intégralement développés par la société Nantaise Pixiel : la société n'a pas repris un châssis déjà existant, mais est bel et bien partie de zéro pour proposer un aéronef perfectionné répondant à divers critères stricts imposés par la DGAC (Direction générale de l'aviation civile), mais aussi au cahier des charges du Puy du Fou pour une intégration au sein d'un spectacle assez particulier.

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On distingue deux modèles différents : le Neopter standard qui transporte des décors et le NeoLight, un drone équipé d'une poursuite, un énorme phare destiné à éclairer un personnage particulier pendant le spectacle. Le responsable Neopter nous explique qu'il répondait ainsi au besoin de disposer d'un point lumineux supplémentaire pour donner plus de présence à l'acteur qui se veut éloigné des poursuites traditionnelles positionnées à l'arrière des gradins. Disposer d'un point lumineux à une dizaine de distance permet ainsi de donner plus de relief à l'ensemble et de ne pas donner l'impression d'écraser l'acteur avec un spot standard.

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Les drones sont constitués de carbone et d'aluminium aéronautique, ils pèsent chacun environ 4,6 kg avec leurs batteries (d'une autonomie d'environ 20 minutes) et peuvent transporter des charges allant jusqu'à 2,4 kg. Ils disposent de 6 rotors et d'un ensemble de technologies avancées afin de se conformer aux exigences de la DGAC.

Ils sont ainsi systématiquement reliés au réseau satellite GPS et GLONASS pour une géolocalisation précise au centimètre. Le tout est associé à un système de barrière géolocalisée (geofence) qui verrouille le périmètre d'action des drones afin qu'ils ne survolent à aucun moment ni les acteurs ni le public. Une surveillance visuelle horizontale et verticale est également en place pour éviter qu'un drone ne dépasse son périmètre d'action, deux options imposées par le régulateur.

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En marge de tout cela, les drones sont capables de voler en nuée, mais si l'on pensait tout de suite à un système identique à celui proposé par Intel avec ses drones et son IA, la technologie adoptée est un peu plus basique pour des raisons techniques. Ainsi, chaque drone est associé à un numéro au sein d'une chorégraphie qui est lancée de façon synchronisée. Une fois les drones lancés, ils exécutent la chorégraphie selon les instructions chargées dans leur mémoire.

Cela a plusieurs intérêts : d'une part cela permet de gérer 30 drones en simultanée avec une équipe relativement limitée d'opérateurs. Si l'équipe Neopter compte 30 membres par soirée, seul un opérateur est nécessaire à lancer la chorégraphie des 30 drones. Deux opérateurs se chargent de surveiller la télémétrie renvoyée par les drones en temps réel. C'est là l'autre intérêt de cet automatisme : la DGAC demandait à ce qu'il soit possible de récupérer des informations en temps réel de chaque drone afin d'en vérifier plusieurs aspects. Avec le système d'Intel, il était impossible de récupérer la télémétrie en temps réel avec ce niveau d'exigence. Ici, on peut à tout moment savoir à quelle vitesse se déplace un drone, où il se situe, quelle est son autonomie, la qualité de réception GPS, les efforts subits...

Pendant le spectacle, chaque drone effectue 4 tableaux différents en transportant tour à tour des bougies de plus de 2m de hauteur qui s'allument et sont auto alimentée, des drapeaux français de 4x3m ainsi que des silhouettes d'ange illuminés. Chaque décor ainsi transporté est suspendu à plus de 6m du drone en lui même et l'on imagine le travail en amont afin d'équiper chaque drone pour chaque tableau. L'espace aérien du Puy du Fou fait l'objet d'une interdiction stricte de survol afin de protéger les spectateurs et l'évolution des drones Neopter. Pendant le spectacle, on nous a assuré que les drones eux-mêmes seraient invisibles et inaudibles et force est de constater que cela a été le cas.

Là encore, sans se montrer véritablement, la technologie des drones a réussi à apporter une nouvelle dimension à la Cinéscénie. Occuper l'espace aérien sur les 23 hectares réservés à la Cinéscénie représente un gros challenge, et les drones Neopter réussissent parfaitement leur objectif même si l'on aurait aimé en profiter davantage. Malheureusement, l'autonomie encore limitée des batteries d'aujourd’hui fait qu'il est compliqué d'envisager de proposer un ballet plus poussé, mais gageons que le Puy du Fou restera à jour sur le sujet pour faire évoluer son spectacle.

Cette escapade au Puy du Fou nous a particulièrement séduits à plusieurs niveaux. Pour en rester sur l'aspect technologie et innovations, le contrat est plus que rempli. Personnellement, je ne m'attendais pas vraiment, et c'est sans doute le cas de beaucoup, à être impressionné par la débauche technologique dans ce parc en particulier. Le plus bluffant reste sans doute la simplicité avec laquelle toutes les innovations viennent s'inscrire naturellement dans l'esprit du parc. La technologie est ainsi employée au service de l'émotion et pour donner une nouvelle dimension aux tableaux et oeuvres proposées, sans jamais s'imposer en tant que tel. Le fait que ces innovations soient pour la plupart invisibles aux yeux du public démontre qu'elles remplissent parfaitement leur rôle et c'est sans doute la plus grande prouesse du parc : réussir, l'espace d'une visite à nous transporter dans un univers particulier avec une impressionnante sensation d'immersion.