Au cœur de la 101ème

Après avoir commercialisé deux épisodes globalement corrects et surtout originaux de part leur concept tactique, Gearbox Software s’attaque au troisième volet, Brothers in Arms : Hell’s Highway. En dépit d’une longue attente, ce nouvel épisode ne dérogera pas aux fonctionnalités qui ont fait l’essence de la licence, permettant de se marginaliser des grosses pointures telles que Medal of Honor et Call of Duty. Conservant un enrobage FPS, Brothers in Arms profite d’une dimension tactique particulièrement bien pensée bien qu’aussi restrictive que les précédents épisodes. Le potentiel est cependant suffisamment important pour hisser la série au stade d’incontournable. Pour cela, il faudrait que ce nouveau volet tourné vers les dernières consoles de salon soit à la hauteur de nos attentes de joueur.

Pour ceux et celles qui auraient suivi la saga depuis Road to Hill 30, vous ne serez pas surpris de renouer avec toute l’équipe de la 101ème aéroportée incluant le charismatique Matt Baker. Rassurez-vous, vous ne vous retrouverez pas encore une fois à débarquer tête baissée sur les plages normandes, puisque le jeu traite en grande partie de l’Opération Market Garden de la façon la plus fidèle possible. Vous l’aurez compris, nous passerons la majeure partie du jeu à charcuter du nazi dans les contrées hollandaises. En dépit d’une approche somme toute assez classique pour le genre, les objectifs qui vous seront confiés ne seront pas toujours des plus communs. En effet, la trame scénaristique du soft se plaît à s’immiscer  dans certains détails a priori anodins mais finalement primordiaux pour préserver une forte atmosphère. On se retrouve par exemple à aider un jeune résistant en proie d’une tripotée de soldats, ou encore à retrouver son frère d’arme bien décidé à sauver une civile dont il est éperdument tombé amoureux.


Dirigeons-nous donc directement à la puissance maîtresse de ce nouvel épisode : sa scénarisation. Sans être une véritable œuvre d’originalité, le soft peut se targuer d’offrir une dimension totalement immersive, à l’aide de nombreuses cut-scenes davantage basées sur les relations humaines que sur les manœuvres militaires. On retrouve ainsi une atmosphère et surtout des mouvements de caméra du même acabit que la série Band of Brothers (Frères d’Armes) de 2001. Le scénario se basant sur les états d’âme des soldats et surtout les situations qu’ils ne peuvent plus gérer, difficile de rester de marbre. On perd donc l’extrême froideur de background des autres licences basées sur la Seconde Guerre Mondiale. Par contre, certains entrecroisements des phases de gameplay et des cut-scenes se montrent parfois quelque peu brutales et assez maladroites, mais la qualité de ces dernières pardonne cette légère lacune.

Le côté impressionnant est souvent mis en avant dans l’unique but de toucher le joueur, attirer toute son attention. Il n’est pas rare de vivre certaines cinématiques en vue subjective, permettant ainsi d'avoir l'impression de vivre la vie d'un membre du bataillon. Durant vos affrontements, vous comprendrez vite que Gearbox a cherché à choquer en apportant au jeu l’horreur qui a été réellement de mise. Entre le massacre des civils et les charcutages de soldats, le jeu se veut pour le moins sanguinolent, nous offrant ainsi une vision on ne peut plus horrifique. Pour rajouter une touche de gore, vos meilleurs massacres à la grenade et autres headshots au fusil garand seront affichés au ralenti, histoire de contempler les effusions d’hémoglobines.

Gardez la position !

Outre cette mise en scène clairement affichée à outrance, la mécanique de jeu se montre dans le même esprit que les précédents volets. On renoue ainsi avec le principe du FPS tactique dans lequel il est totalement inconscient de se jeter à corps perdu sur les champs de bataille. En effet, si vous comptez vous frotter aux nazis au corps à corps, préparez-vous à manger les pissenlits par la racine puisque notre héros se veut extrêmement faible une fois à découvert. Que voulez-vous, le kevlar n’était pas au goût du jour au cœur des tranchées de 1944. Cet aspect donne une dimension plus réaliste à la progression, nous poussant à se mettre souvent à couvert. Comme vous ne disposez pas de barre de vie, une fonction de détection du danger vous incitera à vous mettre à l'abri. En effet, plus vous êtes susceptible de vous faire tuer (lorsque l'ennemi n'est pas sous feu allié), l'écran vire progressivement au rouge. Pratique.

Les niveaux sont de toute façon conçus de manière à se dissimuler derrière une multitude de décors. Des clôtures, en passant par les murets, véhicules et autres bâtisses, vous n’aurez que l’embarras du choix pour vous protéger des incessants assauts ennemis. Bien évidemment, vous n’agirez presque jamais en solo puisque vos frères d’armes viendront vous apporter leur soutien. Destinés à être dirigés, ces derniers appartiennent à différents groupes : appui-feu, assaut, ou artificier. De multiples configurations sont donc possibles pour déloger la vermine, toujours réfugiée derrière des tranchées, parfois équipée de mitrailleuses lourdes et autres canons de 88. Le jeu propose un petit didacticiel qui vous donnera des indications permanentes en cours de partie, nous informant ainsi sur la manière d’appréhender au mieux le soft.


En effet, la tactique de Brothers in Arms : Hell’s Highway n’est pas des plus aisées à prendre en main, surtout lorsqu’on ne connaît pas la série. Bien qu’il soit possible de tirer assez simplement et de viser via la touche de zoom, la meilleure façon de s’en sortir indemne est de se se retrancher derrière les décors via la touche prévue à cet effet. De cet endroit, la vue passera à la troisième personne, offrant ainsi un plan de vue plus confortable pour visionner efficacement les positions ennemies. De là, vous pourrez donner les ordres à vos groupes selon leurs spécialités respectives. L’idéal est de les placer à couvert  (en prenant garde que les élément ne soient pas destructibles) tout en leur laissant la possibilité de nourrir le feu, obstruant ainsi toute initiative ennemie. Selon les configurations du terrain, la meilleure tactique serait de placer la section d’appui-feu en face des ennemis, puis de foncer sur le flanc avec son équipe d’assaut, permettant ainsi de prendre les malfrats à revers. Ainsi, le carnage est d’autant plus jouissif.

Seulement, derrière ce concept particulièrement alléchant se cache une certaine redondance. En effet, l'IA des ennemis se veut assez passive puisqu'elle ne se contente que d'essuyer vos assauts. Aucune offensive ne sera à attendre de leur part, les nazis s'évertueront à vous canarder à distance. De ce fait, on se voit appliquer sans cesse la technique de la diversion pour charger à revers. À ce sujet d'ailleurs, force est de constater que les possibilités offertes sur le terrain se montrent au final très dirigées. En effet, les décors, bien que visuellement étendus, montrent rapidement leurs limites via des décombres et autres barrières qui se dresseront rapidement sous vos yeux. Ce cloisonnement nous donne réellement l'impression de jouer à un FPS de couloirs qui n'offre que quelques embranchements pré-configurés dans le cadre où l'on veut se la jouer tactique. Bref, nous étions en droit d'attendre que Gearbox casse les limites de terrains mais il n'en est rien. Fort dommage, surtout que le plan de reconnaissance laissait présager de réelles possibilités stratégiques vu qu'il affiche les troupes ennemies, les objectifs et la structure du terrain.

Galerie d'images

Bourbier graphique

Comparé à ses prédécesseurs, Brothers in Arms : Hell's Highway offre un rendu graphique clairement revu à la hausse. Cela dit, la réalisation générale reste en deçà de ce que fait la concurrence. En effet, le titre souffre de quelques défauts de conception, notamment au niveau des décors. On se retrouve dans un travail inégal qui regroupe à la fois des passages particulièrement réussis et des environnements semble-t-il réalisés à la va-vite. Pour illustrer ces accusations, il suffit de comparer les campagnes hollandaises et sa palette de couleurs de bonne facture avec certains intérieurs affichant des textures salement dépouillées. On notera tout de même quelques exceptions, notamment sur le niveau de l'hôpital délabré qui se présente comme un niveau excellent en terme d'ambiance et de finesse graphique. Et rien que pour ce niveau, le jeu mérite d'être pratiqué. On notera également la pertinence des effets lumineux, offrant des scènes parfois étonnamment réalistes.

D'autre part, force est de constater que le titre souffre de multiples saccades lors de certaines scènes et autres animations, réduisant considérablement le confort de jeu. Le gameplay en pâtit sérieusement, surtout lors d'échanges musclés sur la zone de combat. On sent que l'optimisation a été difficile sur le soft, sûrement l'une des raisons de ses reports à répétition. Toujours est-il que le résultat n'est pas des plus reluisants, d'autant plus que cela gâche quelque peu les cut-scenes et ses animations pourtant bien conçues. Bref, le résultat final se montre assez mitigé et ça ne pardonne vraiment pas en cours de partie.


Au final, que penser de ce Brothers in Arms : Hell's Highway ? Résolument orienté vers le solo (le mode multijoueur reste particulièrement anecdotique), ce nouvel épisode de Gearbox peut se targuer d'un scénario bien ficelé à l'aide de cut-scenes de qualité, se focalisant sur les sentiments des soldats, leurs joies et leurs peines. Bien plus charismatique dans son background par rapport à la concurrence, la production tire également son épingle du jeu dans la conservation de son aspect tactique affilié à son orientation FPS. Sans plonger dans l'utopie d'un soldat dézinguant du nazi à tour de bras, nous avons ici l'opportunité de contrôler des groupes d'infanterie et d'établir des stratégies de diversion.

Exigeant mais surtout bien trop dirigiste, le jeu laisse vite place à un sérieux manque de liberté. Outre son enrobage de bonne facture, on soulignera avec une certaine pertinence les saccades liées à un moteur graphique pourtant honorable, laissant le confort de jeu au placard. Ce résultat somme toute assez mitigé plaira tout de même aux aficionados de productions liées à la Seconde Guerre Mondiale prônées par des mises en scène cinématographiques et privilégiant la campagne solo aux pérégrinations en multijoueur.

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Brothers in Arms : Hell's Highway est disponible à l'achat à partir de 44,99 €.

+ Les plus

  • Une mise en scène bien menée
  • La subtilité stratégique
  • Certains effets graphiques de bonne facture
  • Atmosphère bien retranscrite

- Les moins

  • Moteur graphique parfois agonisant
  • Gameplay légèrement rigide
  • IA aux fraises
  • Level design inégal
  • Cloisonnement des niveaux
  • Multijoueur anecdotique