Le retour du Paradise

Perdre la mémoire, ce n'est franchement pas quelque chose que je vous conseillerai. Les gens peuvent vous faire croire n'importe quoi et vous pouvez ensuite vous retrouver dans des situations compliquées et pas très enviables, comme être au volant d'un taxi alors que vous êtes dresseur de phoque à l'origine, par exemple.

Prenez la jeune Ann Smith. A la suite d'un crash de l'avion qui la conduisait au chevet de son père, en Mauranie, elle s'est retrouvée amnésique. Fort heureusement pour elle, le prince de Madargane la recueille dans son harem, d'où elle aura pourtant tôt fait de vouloir partir, cherchant à retrouver la mémoire, libre de ses faits et gestes. A ses côtés, un léopard qui semble beaucoup tenir à elle, et qui détient peut-être la clé de ses souvenirs. Elle tentera également de percer le mystère du roi Rodon, qu'elle ne parvient pas à croire comme étant son père, cet être faisant preuve d'une ignominie sans pareille depuis l'exil de sa femme et de sa fille en Europe.


Voilà le point de départ de cette aventure qui vous emmènera donc visiter la contrée de Mauranie, pays imaginaire et qui n'est pas le refuge de la chanteuse Maurane, pour ceux qui se poseraient la question. Last King of Africa est le portage DS d'un jeu PC sorti il y a maintenant deux ans, et qui était réalisé sous la houlette de Benoit Sokal. Ce dessinateur et scénariste belge de bande dessinée n'en était pas à son premier coup d'essai, puisque c'est également principalement à lui que l'on doit la série Sybéria ainsi que l'Amerzone, qui eut même droit à une adaptation sur Playstation (ou PSOne, si vous préférez), ma foi assez réussie.

Une adaptation revue et corrigée

Porter un point & click sur une machine telle que la DS, avec le soucis évident de visibilité et de clarté, représentait un exercice pas facile à accomplir. Il y a eu Runaway 2 sur la même console, et même Les Chevaliers de Baphomet sur Game Boy Advance, qui s'en étaient très bien tirés. Ici, les développeurs ont tenu à ce que le titre soit optimisé pour la portable de Nintendo. Exit donc les phases d'action en 3D du jeu original qui auraient peut-être été compliquées à retranscrire sur DS, pour au final ne conserver que du point & click, agrémenté de situations où le stylet vous servira par exemple à allumer un briquet, ou à actionner divers autres mécanismes. On a donc affaire à un produit qui se veut au mieux convenir au support portable. Qui s'en plaindra ?


Les graphismes également ont du être retravaillés afin de convenir au mieux à l'affichage forcément plus réduit de la DS. Le résultat n'en est pas moins fort satisfaisant, avec Ann Smith modélisée en 3D et se baladant dans des décors en deux dimensions. Même si les différents lieux traversés nous immergent sans mal dans cette Mauranie née de l'esprit de Benoit Sokal, on ne pourra s'empêcher de penser que le même soin n'a pas été appliqué à chacun des écrans. Certains paraissent fort bien détaillés, tandis que d'autres le semblent un peu moins. La pierre restera pourtant dans la poche au lieu d'atterrir sur la tête des programmeurs, car de ce côté-là, le travail accompli par les studios de Seventh Sense n'attire pas de critique particulière, sinon les honneurs.

Perdue loin d'elle

On parcourra alors différentes régions d'une Afrique qui connait des heures malheureuses, le tout en récoltant et en amassant des objets dans sa besace. Il ne faudra pas non plus oublier de parler à toutes les personnes dont vous ferez la connaissance, en prenant bien soin d'épuiser tous les sujets de conversations pour éviter d'être bloqué. C'est le propre du jeu d'aventure où on enquête en pointant et cliquant souvent. Vous ne rencontrerez certes pas beaucoup de monde, mais vous verrez du pays, d'une forêt à la végétation luxuriante, en passant par un village aux teintes boisées, pour finir par le redoutable Coffre Noir, vaisseau du roi Rodon.

Les premiers pas dans l'aventure ne sont peut-être pas ceux qui provoqueront en vous des frissons de plaisir, tant au niveau de l'introduction du scénario, que de la jouabilité. On débute en effet dans le palais du prince de Madargane après une cinématique vous présentant le crash de l'avion qui aurait du vous amener voir votre papa. La vie est mal fichue quand même. Il est alors temps de se familiariser avec la maniabilité du soft. Après avoir essayé de déplacer notre héroïne en suivant ses déplacements au stylet (guère pratique), on devient plus raisonnable en usant de la technique du... "point" & "click". La vie n'est pas si mal, finalement.

Malheureusement, le titre ne se montre pas si facile d'accès pour autant, surtout en ce qui concerne les endroits où agir et les objets à ramasser. Ceux n'apparaissent pas souvent en surbrillance, et ne sont parfois pas suffisamment distincts pour l'oeil. On se met alors à tapoter tout l'écran avec le stylet dans l'espoir de voir une interaction se déclencher. Le bon côté de la chose, c'est qu'en faisant cela, on parvient, dans un laps de temps pas si long, à avancer. Cela permet à Last King of Africa de ne pas vous mâcher le travail, mais il vous demandera de bons yeux et une bonne dose de patience pour venir à bout d'énigmes pas tout le temps évidentes. Une carte grâce à laquelle vous pourrez vous repérer est disponible sur l'écran du haut, et elle ne sera pas de trop.

Une amnésie fatale

Mais vous pourrez être assisté par de petites étoiles scintillantes apparaissant aux endroits où il vous faudra interagir, en appuyant sur la touche Select. De cette façon, vous gagnerez un temps précieux, mais celles et ceux le désirant pourront choisir de ne pas faire appel à cette aide, qui n'est de toute façon pas accessible en permanence. Nous regretterons, et là on touchera à l'un des points faibles du titre, l'absence de combinaisons avec les différents objets de son inventaire, qui auraient amené des associations farfelues et, par la même occasion, un intérêt supplémentaire au jeu. Il faudra donc se contenter de placer le bon article au bon endroit, non sans quelques difficultés à savoir de temps à autre ce que l'on nous demande de faire.


Mis à part les quelques désagréments évoqués plus haut, on avance dans l'aventure sans (trop) se prendre la tête. Un petit bug, il arrivera bien quelquefois qu'une nouvelle discussion s'engage avec un personnage lorsque vous essayerez de lui montrer ou donner un objet, mais comme on n'a pas vraiment l'utilité la plupart du temps de faire cette dernière action, ce n'est pas très gênant. Il va sans dire que sans ces nécessaires phases pendant lesquelles vous vous triturerez le bulbe, le soft demanderait une à deux heures de moins qu'en temps normal pour être terminé. Ce qui ne fait pas beaucoup, si on progresse assez vite. Au fur et à mesure, l'histoire se dévoile avec un intérêt de plus en plus présent, mais le final auquel on a droit n'est pourtant pas celui espéré.

Conclusion

Last King of Africa réussit au final à moitié son pari d'apporter un nouveau point & click intéressant à la Nintendo DS, doté d'une atmosphère peu représentée sur la machine et d'une histoire qui pousse à avancer. Cette version n'a donc pas à rougir de son homologue PC, en se montrant de plus peut-être plus agréable à manier. Benoit Sokal signe donc là une première bonne apparition sur Nintendo DS. Mais le défaut qu'on évoquera souvent est le temps passé sur sa console. On ne dépasse même pas les huit heures de jeu, et cette déception rejoint la frustration de voir le jeu se terminer sur un coup de théâtre, qui pourtant ne répond pas à plusieurs questions restées en suspens. On vit donc une expérience assez plaisante, mais qui se conclut de façon un peu trop abrupte.

Last King of Africa est disponible à partir de 36,99€.

+ Les plus

  • Une adaptation soignée
  • Un scénario intéressant
  • Bonne atmosphère

- Les moins

  • Durée de vie
  • Une fin qui laisse sur sa faim
  • Une interaction pas assez poussée