Introduction

Les téléphones portables sont entrés dans nos vies, c'est un fait, et ont modifié à de nombreux niveaux nos comportements sociaux et professionnels. Aujourd'hui, il semble naturel de pouvoir appeler ( presque ) au milieu de nulle part, d'échanger des messages texte et pour les plus éclairés d'accéder à Internet, d'écouter de la musique ou de visionner des vidéos.

Et pourtant, tout ceci n'a été obtenu qu'au moyen d'une entente européenne sur un standard de téléphonie, le GSM, à partir duquel s'est créé un écosystème qui touche maintenant les trois quarts des abonnés mobiles du globe.

Des premiers tatonnements de la téléphonie 1G, avec Radiocom 2000 ou le Bi-Bop, en passant par la tentative avortée du réseau par satellites Iridium de Motorola, jusqu'à la naissance en Europe du GSM puis à ses évolutions, bien des obstacles, politiques, techniques et économiques, ont dû être franchis.


Du GSM à la future 4G
C'est ce que propose de tracer brièvement cette série de "portraits" des différentes évolutions de la téléphonie mobile, des premières tentatives jusqu'aux développements futurs, post-3G et aperçu de la 4G.

Dans cette première partie, place aux pionniers et à l'installation d'une norme qui en 20 ans a conquis une grande partie de la planète et touche actuellement 2,5 milliards d'abonnés mobiles. Des radiotéléphones aux premiers téléphones bibandes, il y a déjà un grand pas.

Mais la norme GSM n'en est pas restée là. Pensée pour des communications vocales, elle a dû être adaptée pour le transfert de données, à mesure que l'Internet prenait de plus en plus d'ampleur et préparait son prolongement dans le Web mobile. C'est la naissance du GPRS.

Et déjà se profile la 3G à l'horizon. Pour assurer la transition, une autre évolution, dite EDGE, va permettre d'augmenter encore les débits en attendant une couverture suffisante pour des réseaux qui deviendront vraiment "haut débit".

Radiocom 2000, Bi-Bop

La téléphonie 1G est représentée par la période antérieure à l'établissement de la norme GSM. Il n'y a alors pas de standard établi et chacun y va de son initiative, de Radiocom 2000 de France télécom à NMT ( Nordisk MobilTelefoni ) chez Nokia et Ericsson, en passant par l'AMPS ( Advanced Mobile Phone System ) aux Etats-Unis, mise en place dès 1976.

C'est l'époque des radiotéléphones, encombrants, de faible autonomie et de courte portée. Le programme Radiocom 2000, qui exploite la bande 400 MHz, tente d'aider la France à rattraper son retard dans le domaine des télécommunications dans les années 80. La notion de réseau cellulaire prend forme et le handover ( passage d'une cellule à une autre ) fait son apparition, autant d'éléments qui seront au coeur des développements futurs.

itineris logo Puis, toujours dans la bande 400 MHz, le réseau NMT-F ( F pour France ) est déployé à partir de 1989 et se positionnera en complément / concurrent du Radiocom 2000, soutenu par un nouveau venu, SFR...
Au cours de cette période, il y aura aussi Itineris, créé en 1992 par France Telecom, qui fusionnera en 2001 avec le groupe Orange racheté un peu plus tôt à l'opérateur britannique Vodafone.


Bi-Bop : cherchez le réseau
Alors que la norme GSM naît doucement de 1982 à 1987, ce qui donnera lieu à l'éviction des réseaux analogiques précédents au profit d'un réseau numérique, certaines alternatives tentent de se frayer un chemin, comme le Bi-Bop en 1993, sorte d'émetteur d'appel ne fonctionnant que lorsque le combiné est à proximité d'une borne ( 300 mètres de portée ).

L'aventure de ce réseau particulier ne durera que quatre ans et aura quand même réussi à convaincre une centaine de milliers d'utilisateurs ( loin toutefois des projections qui tablaient sur 1 million d'utilisateurs à l'horizon 2000 ). Mais le succès grandissant du GSM, et les prouesses techniques réalisées pour obtenir des combinés suffisamment miniaturisés, aura eu raison du Bi-Bop, qui aura tenté un moment de se transfomer en téléphone fixe sans fil avant que la norme DECT ( Digital Enhanced Cordless Telephone ) ne finisse par s'imposer à son tour pour les combinés fixes sans fil.


Iridium, le réseau satellite avorté
On peut également évoquer le cas du réseau par satellites Iridium mis en service par un consortium  dirigé par Motorola et qui devait créer un réseau mobile ( voix et données ) tout autour du globe grâce à une constellation de 66 satellites en orbite basse à 800 km d'altitude.

Son coût exorbitant ( 6 milliards de dollars ) associé à une faible demande et à des terminaux chers et volumineux n'ont pas permis son exploitation dans de bonnes conditions. Moins d'un an après son lancement commercial, le consortium mettait la clé sous la porte en 1999 et bradait le réseau de satellites au groupe d'investisseurs privés Iridium Satellite LLC nouvellement créé pour un prix de...25 millions de dollars.

Le système a toutefois continué d'exister avec son nouveau propriétaire qui compte environ 200.000 abonnés en 2007. Des projets sont en cours pour réhabiliter le réseau Iridium et tenter de l'intégrer à d'autres constellations.

GSM

Le GSM ( intialement Groupe Spécial Mobile, avant de devenir Global System for Mobile Communications ) est né en 1982 à l'initiative de la CEPT ( Conférence Européenne des administrations des Postes et Télécommunications ) et marque la naissance de la téléphonie 2G. C'est le 7 septembre 1987 qu'une quinzaine d'opérateurs en ont fixé le cadre technique. En 20 ans, cette norme s'est étendue sur presque tous les continents et est employée par plus de 700 opérateurs dans le monde.

Mais tout n'a pas été simple pour en arriver jusque là.

En 1991, la première communication expérimentale est réalisé par le groupe GSM. Les bandes 900, puis 1800 MHz sont progressivement choisies tandis que les premiers appareils mobiles bibande font leur apparition et que sur le continent américain, le choix se porte sur les bandes 850 et 1900 MHz.


Quand la voix ne suffit plus
Mais le réseau GSM est pensé pour les communications téléphoniques vocales et fonctionne selon un schéma proche de celui des lignes fixes et de ses réseaux commutés. Rien n'est spécialement prévu pour des transmissions de données. Or, entre-temps, l'Internet "grand public" prend forme et laisse entrevoir de nouvelles possibilités.

C'est pourquoi l' ETSI ( European Telecommunications Standards Institute ) met en place un nouveau protocole plus adapté au transfert de données, qui va permettre de passer d'un débit fourni par la norme GSM d'une dizaine de Kbit/s à 115 Kbit/s maximum théorique et environ 40 Kbit/s en maximum pratique : c'est le GPRS ( General Packet Radio Service ).


Son point fort : l'architecture cellulaire
L'un des points forts du réseau GSM par rapport aux réseaux précédents repose sur sa structure en cellules, avec pour chacune un choix de fréquences ne risquant par d'interférer avec ses voisines.

Les cellules se recouvrent partiellement et permettent le passage de l'une à l'autre de façon transparente ( handover ), un élément fondamental qui va permettre de maintenir la communication même en déplacement. La répartition des cellules est variable selon la topographie et les usages : nombreuses et de faible portée en zones urbaines ( liées à la densité de population et aux nombreux obstacles gênant la diffusion du signal ), plus rares et avec une couverture plus importante en zone rurale.

L'architecture en cellules repose sur l'implantation de stations-relais mobiles BTS ( Base Tranceiver Station ) de différentes puissances

L'utilisation de téléphones GSM est associée sur le réseau à plusieurs identifiants, comme la carte SIM ( Subscriber Identity Module ), qui définit les conditions d'accès de l'utilisateur mobile, et le numéro IMEI ( International Mobile Equipment Identity ) propre à chaque téléphone et obtenu en tapant *#06#.


Le GSM, vecteur de développement économique
C'est à partir de ces éléments mis en partage que la téléphonie GSM a pu se développer selon une ligne commune en Europe, au contraire des Etats-Unis qui n'ont pas tranché pour une norme et possèdent des réseaux GSM et CDMA non compatibles entre eux.

Aujourd'hui la norme GSM ( dans toutes ses variantes ) touche 2,5 milliards d'abonnés mobiles ( sur 3 milliards en tout ). Il existe plus de 700 réseaux GSM dans le monde, répartis dans plus de 200 pays. Et l'immense majorité du milliard de téléphones qui seront vendus au cours de l'année 2007 fonctionnera sur les réseaux GSM...

Le rôle de la téléphonie mobile dans l'accélération des échanges économiques n'est plus à démontrer et c'est ce principe que cherchent à développer divers programmes d'aide au développement des pays émergents en implantant des réseaux GSM en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

Le GPRS

ETSI logo Alors que la 2G était surtout liée à la voix, le GPRS ( General Packet Radio Service ) amorce le virage de la transmission de données. Pour le distinguer, il est qualifié de technologie 2,5G, même si cette dénomination n'est officiellement définie, et son principe est codifié par l' ETSI ( European Telecommunications Standards Institute ).

Extension du GSM, il utilise un mode de transmission par paquets, adapté au transfert de données et n'utilisant les canaux que lorsque c'est nécessaire, contrairement au mode commuté du GSM qui réserve un canal entier le temps de la communication, que celle-ci soit active ou pas.

L'un des avantages de ce système réside dans le fait que les canaux peuvent être exploités par plusieurs personnes en même temps et qu'il devient possible de facturer à la quantité de données transmises et non plus en fonction du temps.


Transmission de paquets et protocole IP
Le GPRS facilite notamment l'accès aux réseaux utilisant un protocole IP ( Internet Protocol ). L'introduction de cette technologie a également permis de développer l'usage des SMS, ces messages textes si populaires auprès de l'ensemble de la population et des jeunes de 12 à 24 ans en particulier ( plus de 4,5 milliards de SMS échangés chaque trimestre en France ).

Le GPRS offre des débits quatre fois supérieurs à ceux du GSM, passant d'environ 10 Kbit/s à 40 Kbits/s ( maximum théorique 115 Kbit/s ). Avec lui vont pouvoir se développer de nouveaux usages, notamment celui de la réception d'emails ou de la consultation de pages Web, tandis que le WAP ( Wireless Application Protocol ) sur GSM a eu du mal à convaincre, malgré l'élaboration d'un premier modèle économique.

Bien que le débit et le temps de latence rendent difficile ou impossible l'exploitation des nouveaux services mobiles, la norme GPRS a l'avantage de profiter de l'implantation du réseau GSM et donc de bénéficier de la même couverture réseau.

En outre, elle reste tout à fait utilisable pour la réception et l'émission d'emails sans pièces jointes et continue donc de jouer un rôle dans les échanges personnels ou professionnels. Elle constitue en quelque sorte le dernier recours lorsque les autres réseaux font défaut, ou le principal moyen d'échange de données pour tous les terminaux d'entrée de gamme.

Fort de plus de 700 réseaux GSM dans le monde entier, le GPRS reste également un moyen essentiel de réaliser du trafic data sur les marchés émergents, dans des pays où l'accès à Internet passe presque uniquement par les réseaux mobiles.

EDGE

La technologie EDGE ( Enhanced Data Rate for GSM Evolution ), rencontrée aussi sous l'acronyme EGPRS, constitue une évolution de la norme GSM et se présente comme un intermédiaire entre les réseaux 2G et 3G, d'où son appellation 2.75G. Elle repose sur une infrastructure matérielle GSM mais modifie la façon dont le signal est codé pour optimiser le débit descendant.

Son débit maximal théorique est de 384 Kbit/s et son débit maximal pratique est fixé à 200 Kbit/s (réception fixe) ou 144 Kbit/s (réception en mouvement). Dérivée du GSM, elle utilise la même infrastructure TDMA ( Time-Division Multiple Access ) et le même réseau cellulaire que celui employé pour les transmissions GPRS.


Aux frontières de la 2G, à l'avant-poste de la 3G
EDGE offre un débit plusieurs fois supérieur à celui du GPRS et est généralement vu comme une technologie intermédiaire entre la 2G et la 3G. Elle est souvent mise en valeur comme complément au déploiement du réseau 3G. Son avantage est de pouvoir utiliser le réseau en place GSM, lui conférant une couverture théorique de plus de 98% de la population là où la 3G peine encore à dépasser les 65%.

Les opérateurs français ont pris différentes positions vis à vis de la technologie EDGE. Bouygues Telecom l'utilise comme réseau "haut débit" en attendant le lancement de son offre HSDPA prévu pour la fin de l'année 2007. Orange joue sur une stratégie mixte EDGE / 3G, l' EDGE permettant d'obtenir des débits corrects même en dehors de la couverture 3G. SFR, enfin, a préféré tout miser sur la 3G et ses évolutions, faisant l'impasse sur le EDGE qui ne présentait pas suffisamment d'intérêt.

Autant de scénarios différents reposant sur divers modèles économiques, le plus souvent en contre-point du développement de réseaux 3G. La technologie EDGE est un bon point de départ pour nombre d'opérateurs afin d'améliorer le débit en transmission et pouvoir proposer ainsi de nouveaux services aux utilisateurs.


Intérêt économique et évolution
Selon la GSMA, association regroupant plus de 700 opérateurs mobiles, la plupart de ceux-ci font migrer leur réseau en EDGE avant de passer à la 3G. D'autre part, elle présente également un intérêt pour les marchés émergents qui peuvent faire évoluer leur offre sans avoir à bâtir un coûteux réseau 3G.

Mais la technologie EDGE pourra elle-même encore progresser. Plusieurs améliorations sont possibles et envisagées, comme le GERAN ( GSM Edge Radio Access Network ) qui permettrait d'obtenir des débits de l'ordre de 400 Kbit/s, ou encore le projet EDGE Evolution soutenu par Ericsson, annoncé comme pouvant atteindre 1 Mbit/s d'ici 2009, soit plus encore que la 3G ( 384 Kbit/s ) !

Si le premier réseau EDGE a vu le jour en 2003 chez l'opérateur américain Cingular Wireless ( devenu depuis AT&T ), on comptait en juillet 2007 près de 220 réseaux GSM / EDGE répartis dans 140 pays et au moins autant en cours de développement, avec plus de 500 terminaux mobiles compatibles disponibles sur le marché. L'évolution EDGE est appréciée des marchés émergents qui peuvent offrir un débit amélioré sans nécessiter d'investissements aussi lourds que le déploiement d'un réseau 3G.

C'est pourquoi, malgré la cadence de développement des réseaux 3G et HSDPA, la norme EDGE a encore de belles années devant elle.

Conclusion

Le développement de la téléphonie mobile a nécessité la mise en place d'un cadre technique commun fondé par le GSM et accepté par un ensemble d'opérateurs. Les initiatives solitaires ont laissé place à l'établissement de réseaux couvrant la quasi-totalité de la population.

Mais bientôt aux services voix vont se superposer le transfert des données et l'accès à Internet. Pour accompagner cette évolution, le GPRS apporte une première réponse et ouvre de nouveaux usages : consultation d'emails, surf sur Internet, consultation WAP...

Et déjà on entrevoit qu'il est possible de faire beaucoup plus et de proposer des services adaptés à l'univers de la téléphonie mobile : musique, vidéo...Mais pour cela il faut des débits plus importants. On imagine déjà une nouvelle génération de téléphonie mobile dont les vitesses de transferts se rapprocheraient de celles observées avec les PC reliés au Net.

Avant d'arriver à cette nouvelle étape, la technologie EDGE va permettre d'augmenter sensiblement le débit mobile sans nécessiter de nouvelles infrastructures. Son double rôle de transition avant les réseaux 3G et de "bouche-trou" en attendant une couverture 3G satisfaisante place cette évolution au coeur des modèles économiques de nombreux opérateurs.

Cette position est d'autant plus importante que la 3G va tarder à arriver et avoir du mal à répondre aux attentes dans les premiers temps, du fait d'une faible couverture et de terminaux ayant du mal à tenir leurs promesses.

C'est que la 3G, ou UMTS pour le GSM ( puisqu'il existe plusieurs formes de 3G ), repose sur le standard WCDMA et nécessite de recréer un réseau complet de stations-relais et a coûté des centaines de millions d'euros en licences que les opérateurs vont bien devoir amortir, ce qui va gonfler le prix des abonnements.

Cette nouvelle étape de la téléphonie mobile sera détaillée dans un prochain dossier.