On retiendra au moins une chose du projet de loi sur les Droits d'Auteur, c'est qu'il aura fait couler beaucoup d'encre, y compris dans nos colonnes.

Interrogation point jpg Alors que la reprise de l'examen de la loi DADVSI intervient en ce moment même, on peut déjà se poser quelques questions sur le contexte dans laquelle elle se fixe.

    S'il est une loi qui aura montré la pleine puissance d' Internet autant sur le fond que sur la forme, c'est bien la loi DADVSI. Rarement les projets de loi n'avaient autant déchaîné les passions les concitoyens, avec ses vérités et contre-vérités.
Sur le fond en lui-même, le texte repose sur une reconsidération du droit d'auteur avec l'arrivée des nouvelles technologies. La montée croissante du peer-to-peer ces dernières années et les modifications que peuvent amener les DRM ( Digital Rights Management ) dans le paysage numérique de tout un chacun.

Car au delà des 8 millions de téléchargeurs, c'est tous les possesseurs de CD ou de DVD qui sont également concernés par les dispositions de ce projet de loi.  En conséquence, il n'est pas anormal de voir la loi DADVSI mobiliser autant de monde que ce soit d'un côté ou de l'autre. Le record d'audience de La Chaine Parlementaire a littéralement été explosé les 21 et 22 décembre derniers, lorsque les députés, dépassant leurs clivages partisans, ont adopté un amendement légalisant le téléchargement musical contre une rémunération forfaitaire.

Rarement la communauté des internautes ne s'était autant retrouvée à débattre sur un sujet aussi large. Car derrière le projet de loi DADVSI, c'est une pléthore d'orientations socio-politiques qui transparaissent avec des thèmes aussi divers que sont le droit d'auteur, le droit voisin, la copie privée, le DRM, le consommateur, le logiciel libre, la musique et le cinéma, le journalisme, l'industrie de l' Electronique Grand Public, jurisprudences etc...

Qui aurait pu croire qu'une simple transposition de la directive européenne EUCD de 2001 dans notre loi française allait créer un tel engouement dans cette partie de la population, que l'on soit pour ou contre le projet de loi DADVSI ' Peut-être s'en est-il fallu d'un rien pour que ce projet de loi passe sous une autre forme que celle dans laquelle il fut présenté par Renaud Donnedieu de Vabres, notre ministre de la Culture, tant décrié par les intermittents du spectacle.

A travers ce projet de loi, on peut d'ores et déjà voir en filigrane quelques uns des problèmes profonds de notre pays. Ainsi, alors que, politiquement, les Français s'abstiennent de plus en plus lors des élections, contestent de plus en plus la sénilité ou, tout du moins, le décalage de certains de leurs hommes politiques par rapport aux attentes du peuple, la loi DADVSI montre à quel point le peuple peut ne pas être écouté. La DADVSI, c'est le CPE avec la popularité en moins. A l'heure où le Contrat Première Embauche fait marcher des milliers de gens dans les rues citadines demandant son retrait, le gouvernement ne semble pas réagir face à l'opinion de ses compatriotes, à l'image du Ministre de la Culture ne prenant pas en compte les attitudes sociétales de millions d'individus. Comment alors ne pas comprendre la défiance croissante des Français envers leurs élus '

Animation dadvsi

Il faut dire que dans cette loi DADVSI, désinformation fut un mot-clé pour faire passer le texte, qui plus est en procédure d'urgence et pourtant maintes fois repoussé ces derniers mois. A titre d'exemple pour ne pas en dresser une liste rébarbative : la campagne, censée luttée elle-même contre la désinformation, circulant sur Internet contre ce projet de loi n'était qu'un artifice du texte en lui-même, à libre disposition de l'internaute qui, grâce à Internet, peut enfin exprimer son libre arbitre. Le site lestelechargements.com promettait des forums, un espace de dialogue entre internautes et créateurs. En lieu et place, blogue et commentaires fermés, voire censurés. Notons le scandale des 180.000 euros payés par les contribuables pour la création de ce site, pourtant réalisé sur la base d'un...logiciel libre et gratuit, Dotclear ( initialement non mentionné sur le site, ce qui fut moralement très mal accepté par la communauté libre ). Ne parlons pas des soudoiements intentés par des représentants des majors auprès de parlementaires, aux abords de l'Assemblée Nationale, faits relayés par l'Agence France Presse en décembre dernier.

A travers ce projet de loi, nous voyons également le problème de l'interopérabilité posés par les DRM. Là entrent en jeu des firmes comme Apple et son iTunes, Microsoft et son format Windows Media. C'est tout un pan d'Internet entre logiciels propriétaires et logiciels libres/open source qui est remis en question. En effet, le projet de loi, en tant que tel, et s'il est adopté, empêchera tout utilisateur de Linux de pouvoir être dans la légalité. De même, les logiciels libres de type Bittorrent, VLC ou eMule, fruits de l'innovation technologique de dizaines de développeurs, seraient mis à mal par la légalisation des DRM, ces mesures de protection destinées au contrôle des droits des usagers. On sait tout le mal que font ces DRM pour l'image de société telles que Sony BMG Music...

De même, c'est le droit à la copie privée et par extension ( avec les DRM et la répression des internautes contrevenants ), le droit à la vie privée qui est mis à mal par ce texte. Ainsi, comment seraient contrôlés les téléchargements illégaux ' A combien de copies aurons nous droit et comment le contrôle serait effectué ' Qui contrôlera, comment, quelles données seront collectées ' On voit donc ici plus de possibilités d'abus que de progrès.
Les fabricants de supports vierges, baladeurs, et bon nombre de fabricants d'électronique grand public étant déjà taxés pour cette même raison, sont également concernés, par la copie privée et la répartition de celle-ci aux artistes.

C'est donc un projet de loi largement modifié et corrigé auquel les députés auront à trancher. Un projet largement remanié, parfois aux limites morales discutables, comme ce fut le cas en décembre lorsque des amendements furent déposés la veille des délibérations, comme ce fut le cas hier soir, lorsque de nouveaux amendements furent ajoutés et le premier article retiré, fait extrêmement rare ( le premier cas datant de 1961 ) témoignant de la non-utilité du processus d'urgence, des conditions exécrables pour légiférer et de la fébrilité du gouvernement sur le sujet.