Google lancera en avril prochain un programme très particulier. Pas un programme informatique, non. Plutôt un programme financier. On n'est jamais si bien servi que par soi-même...


Justice sociale
Dans un souci affiché (notez la nuance) d'équité entre employés récents et anciens, Google va mettre en place un service interne sur le principe des Transferable Stock Options *, par le biais duquel tous les salariés non-cadres de l'entreprise pourront vendre leurs actions Google au plus offrant, selon le principe de la vente aux enchères. Traditionnellement, en pareil cas, deux possibilités s'offrent au titulaire de stock-options : les vendre sur les marchés financiers, puis reverser à l'entreprise la différence entre prix de vente et prix d'achat de l'option, ou les conserver en attendant des jours meilleurs. Si, comme c'est le cas de Google, le titre maison est en hausse constante, les personnes entrées récemment dans l'entreprise sont lésées, puisqu'elles "touchent" leurs stock-options à un prix élevé, et ont donc peu d'espoir de réaliser une plus-value en les revendant. Car même chez Google, où l'on est persuadé de savoir marcher sur l'eau, on sait bien que ce qui monte doit descendre ; c'est un vieux principe de physique, qui s'applique aussi aux titres côtés en bourse...

A Mountain View, on a donc décidé de créer un site interne (sans "t" à la fin, donc), sur lequel tout employé ne jouissant pas du statut de cadre pourra se manifester, nommément ou par le biais d'un pseudonyme, et donner ses conditions pour la vente de ses actions Google. Comme le premier moteur de recherche mondial n'a guère d'expérience en la matière, il s'est tourné vers un authentique spécialiste de la chose boursière, en l'occurrence Morgan Stanley, qui a procédé à une sélection de sociétés financières par le biais desquelles les transactions s'effectueront. Précision de taille : seules les actions Google émises après l'entrée en bourse de la firme seront prises en compte, histoire de ne pas brouiller les cartes. Car c'est ici que cela devient technique. Accrochez-vous...


Plus par plus donne plus ; moins par moins aussi...
Imaginons que vous travailliez chez Google depuis moins d'un an, et que vous souhaitiez vous défaire de vos stock-options pour une raison quelconque (travaux à faire chez vous, naissance, décès—pas le vôtre, j'espère--, etc...). Le cours actuel de l'action Google frôlant les 500 dollars US, et en supposant que vous l'ayez "touchée" à 400, vous réaliseriez une plus-value de 100 dollars US, ce qui est plutôt bien. Supposons maintenant qu'un organisme financier, tablant sur une hausse future de votre action (et se prémunissant contre une éventuelle baisse, comme nous le verrons plus loin) vous offre non pas 100 dollars US par action (la différence entre prix d'achat et prix de vente), mais 150 ; vous auriez tout intérêt à traiter avec cette firme-là, plutôt que de passer par les marchés financiers traditionnels, non ' Les options expirent après quatre ou dix ans, selon les cas, et sont donc de toute façon versées aux employées d'une manière ou d'une autre après l'un de ces deux termes. Google espère donc que des banques et institutions financières de toutes sortes saisiront leur chance d'accéder au capital de l'entreprise à moindre coût. Reste à savoir si les employés y verront un avantage, sachant que l'action Google semble partie pour battre des records d'ascension. Ou devrais-je écrire "d'Ascension" '...

Google a discuté la chose avec la très redoutée SEC (Securities and Exchange Commission), l'autorité de régulation boursière, outre-Atlantique, laquelle n'y a rien vu de contraire aux lois en vigueur. Les financiers, quant à eux, seront "bordés", de toute façon, et souscrivant des garanties contre une baisse éventuelle des cours par le biais des traditionnels "shorts", des transactions complexes, impliquant plusieurs parties, et par lesquelles on peut gagner de l'argent en en perdant (je schématise). Le directeur financier de Google estime que l'opération n'affectera pas l'équilibre de l'entreprise, bien au contraire : à chaque fois qu'un employé voudra céder quelques actions, il le fera à ses propres risques, mais les dangers de dilution de capital ou de prise de contrôle déguisée sont infinitésimaux. Tous les experts qui se sont prononcés sur le sujet ont trouvé l'idée de Google "innovante et créative", mais les avis sont partagés quant à la conduite qu'adoptera le personnel de Google : vendra-t-il en masse afin de réaliser des bénéfices rapides et indolores sur le plan fiscal, ou tablera-t-il au contraire sur une poursuite à la hausse du cours de l'action Google ' Réponse à partir d'avril prochain.


* Principe non prévu par le droit européen, mais admis aux Etats-Unis.