Des voix de plus en plus nombreuses s'élèvent dans la communauté scientifique internationale pour que l'usage des nanoparticules soit mieux contrôlé. De sérieuses questions de santé publique sont posées, à l'échelle planétaire.


Omniprésentes, et invisibles
Selon la Société Royale britannique, plus de 200 produits de grande diffusion, parmi lesquels des PC portables et des cosmétiques, feraient un large usage de ce que l'on a pris l'habitude d'appeler des nanoparticules. L'affaire tiendrait presque de l'anecdote, si l'on en savait plus sur la toxicité à long terme des technologies employées, mais comme l'amiante en son temps, de réelles inquiétudes en matière de santé publique voient le jour.

Visionnaire s'il en est, l'écrivain américain Michael Crichton avait déjà évoqué le sujet dans son roman "Prey", qui avait suscité à sa parution de vives critiques de la part des industriels et du Département américain de la Recherche. Les nano-technologies étaient alors (en 2003) en plein essor, les fonds nécessaires à leur expansion se faisaient plus rares, et les entreprises qui s'investissaient dans ce domaine si particulier se seraient bien passé de toute mauvaise publicité. Le livre en question était une oeuvre de fiction, mais comme toujours avec Crichton, la recherche scientifique qui avait précédé son écriture était particulièrement poussée. Aujourd'hui, ce sont les scientifiques eux-mêmes qui tirent la sonnette d'alarme.


Absence de transparence '
Ann Dowling, de la Société Royale britannique, déclare : "nous réclamons de l'industrie qu'elle mette en place les méthodes nécessaires pour examiner la sûreté des produits contenant des nanoparticules libres, tels que certains produits de beauté." Les nanotechnologies impliquent de manipuler et de produire des objets, animés ou non, dont l'échelle de taille se situe aux alentours du millionième de millimètre, et offrent un potentiel énorme. Les scientifiques estiment que cette technologie pourrait mener à des ordinateurs plus puissants, ou à des techniques médicales révolutionnaires, et plus durables, que celles employées jusqu'ici. Un rapport conjoint de la Société Royale et de l'Académie Royale d'Ingéniérie, daté de 2004, a conclu que la plupart des nanotechnologies ne présentent aucun risque, tout en soulignant que des incertitudes au sujet des effets des nanoparticules libres sur la santé et l'environnement demeuraient.

Les nanoparticules libres, comme leur nom l'indique, sont certes fixées sur un objet ou dans un produit, mais peuvent s'en détacher à l'occasion. La Société Royale a exprimé des inquiétudes quant au fait que les nanoparticules libres pourraient être inhalées, ingérées, ou même absorbées par le corps à travers la peau. Il faut se souvenir que leur taille est inférieure à celle de la plupart des cellules qui constituent le corps humain...


Terra (quasi) Incognita
"Les nanoparticules peuvent se comporter d'une manière inattendue et leurs propriétés sont encore mal connues," ajoute Mme Dowling. Elle encourage à une meilleure communication entre l'industrie et les scientifiques afin de mieux cerner les conséquences sur la santé et l'environnement de ces particules. De son côté, l'Alliance Européenne sur les applications commerciales des Nanotechnologies, par la voix de son président, Del Stark, a indiqué être en contact constant avec les gouvernements européens, et s'est engagée à développer de nouvelles applications nanotechnologiques d'une façon sûre et responsable. "Il existe des règlements stricts, qui incluent des essais avant d'obtenir l'approbation des pouvoirs publics. On vérifie d'éventuelles irritations de la peau, on étudie le comportement des nanoparticules par le biais de cultures de tissus en laboratoire, on mesure la manière dont la lumière naturelle les affecte, etc..."

Anthony Seaton, professeur honoraire de sciences environnementales et de médecine du travail à l'université d'Aberdeen, en Ecosse, a dit qu'il n'y avait aucune raison particulière de suggérer que les produits employant les nanotechnologies sont dangereux. Mais il a ajouté que l'industrie devrait faire preuve de plus de transparence quant à la manière dont ses essais sont conduits.

"Nous aimerions vraiment que les industriels qui incluent des nanoparticules dans des produits de grande consommation fassent preuve de plus de franchise," a-t-il concu. De son côté, le centre international de recherche Woodrow Wilson, basé aux Etats-Unis, a présenté un inventaire de plus de 200 produits qui contiennent des nanoparticules. Ann Dowling a indiqué que, cette science avançant rapidement, ce nombre est appelé à augmenter au fil des mois, sans communication préalable auprès du public. "Nous devons renforcer la coopération à l'échelle internationale pour mieux maîtriser l'évolution de ces technologies," a-t-elle conclu.

Des fois que la réalité rattraperait la fiction...


Source : eWeek