L'Empire romain a laissé derrière lui une quantité phénoménale d'écrits gravés dans la pierre, le métal ou l'argile. Des décrets impériaux en passant par les épitaphes, ces textes sont une mine d'or pour comprendre la vie quotidienne de l'époque.
Malheureusement, beaucoup sont fragmentaires, usés par le temps, rendant leur analyse complexe. Google DeepMind vient de présenter une solution qui pourrait changer la donne. Une IA baptisée Aeneas.
Une IA pour connecter le passé
Aeneas est un réseau de neurones multimodal capable d'analyser à la fois le texte d'une inscription et des images de celle-ci. Pour le former, les chercheurs ont compilé une base de données de plus de 176 000 inscriptions romaines connues.
Grâce à cet entraînement, l'IA peut proposer des restaurations pour des textes incomplets, même lorsque la longueur du passage manquant n'est pas connue. Elle peut aussi dater une inscription avec une précision d'environ 13 ans et déterminer sa province d'origine parmi 62 possibles avec un taux de réussite de 72 %.
Le but n'est pas d'automatiser le travail des épigraphistes, mais plutôt de proposer un outil qui « s'intègre aux processus de recherche existants des historiens », explique l'équipe Aeneas de Google DeepMind.
Des résultats déjà stupéfiants
Pour tester ses capacités, l'équipe a soumis à Aeneas l'une des inscriptions les plus célèbres : les Res Gestae Divi Augusti, l'autobiographie de l'empereur Auguste.
Depuis longtemps, les experts débattent de sa date de création. L'IA a produit une analyse qui reflète parfaitement ce débat, avec deux pics de probabilité correspondant aux deux hypothèses principales.
Aeneas a aussi analysé un autel votif de l'actuelle Mayence en Allemagne, révélant des similitudes linguistiques subtiles avec un autel plus ancien de la région.
Un accélérateur pour la recherche historique
Une étude menée avec 23 historiens a montré que l'outil a été utile dans 90 % des cas, augmentant la confiance et la rapidité des experts. Il leur permet de découvrir en quelques secondes des « parallèles », d'autres textes similaires, une tâche qui demandait auparavant un travail de fourmi dans les bibliothèques.
L'outil ouvre des pistes et propose des hypothèses, mais l'analyse finale et l'interprétation critique restent entre les mains des spécialistes. Le projet est disponible en open source, avec une interface interactive pour les chercheurs, les étudiants et les musées.