L'ONG International Rights Advocates lance une nouvelle action en justice contre Apple à Washington. Elle accuse la firme d'utiliser des minerais issus de zones de conflit en RDC et au Rwanda, malgré ses démentis.

La plainte vise les pratiques marketing jugées trompeuses et met en lumière les défis éthiques persistants de la chaîne d'approvisionnement technologique.

L'organisation non gouvernementale International Rights Advocates (IRAdvocates) a déposé une plainte devant la Cour Supérieure du District de Columbia, affirmant qu'Apple continue de s'approvisionner en minerais liés à des violations des droits humains en République Démocratique du Congo (RDC) et au Rwanda, et ce, en dépit de ses dénégations répétées.

Un passif judiciaire qui refait surface

Ce n'est pas la première tentative d'IRAdvocates de mettre Apple face à ses responsabilités. Le groupe avait déjà poursuivi le fabricant de l'iPhone, ainsi que Tesla et d'autres grands noms de la tech, sur la question spécifique de l'approvisionnement en cobalt.

Cette affaire avait cependant été rejetée par les tribunaux américains l'année dernière. L'écosystème judiciaire européen a également montré des résultats mitigés pour les accusateurs.

iPhone Air démonté (credit : iFixit)

En décembre, la justice française a classé sans suite une plainte similaire déposée par le Congo contre des filiales d'Apple, invoquant un manque de preuves tangibles.

Un dossier pénal connexe reste toutefois en cours d'instruction en Belgique, maintenant une pression juridique sur le continent. La nouvelle action judiciaire américaine cible donc un angle différent : celui de la protection des consommateurs et du marketing potentiellement trompeur d'Apple sur l'éthique de ses minerais de conflit.

Des accusations précises visant des fonderies chinoises

La nouvelle plainte soutient que la chaîne d'approvisionnement d'Apple intègre toujours du cobalt, de l'étain, du tantale et du tungstène (les fameux "3TG") extraits dans des conditions assimilables au travail forcé et au travail des enfants.

Selon l'ONG, ces activités minières illégales servent directement à financer des groupes armés qui déstabilisent l'est de la RDC, une région qui concentre environ 70 % des réserves mondiales de cobalt.

Pour étayer ses dires, IRAdvocates met en lumière le rôle de trois fonderies chinoises : Ningxia Orient, JiuJiang JinXin et Jiujiang Tanbre. S'appuyant sur des rapports d'enquêteurs de l'ONU et de l'ONG Global Witness, la plainte allègue que ces entreprises ont traité du coltan (minerai de tantale) sorti en contrebande du Congo via le Rwanda, après que des milices se sont emparées de plusieurs mines.

Une étude de l'Université de Nottingham, publiée en 2025, est également citée pour lier des sites miniers congolais, où le travail forcé a été documenté, à des fournisseurs d'Apple.

La défense d'Apple face à une pression constante

De son côté, Apple nie fermement ces allégations. La firme de Cupertino a toujours maintenu qu'il n'existait "aucune base raisonnable" permettant de conclure que ses fondeurs ou raffineurs finançaient directement ou indirectement des groupes armés.

L'entreprise met en avant ses audits rigoureux, son code de conduite des fournisseurs et ses objectifs ambitieux en matière de développement durable. Elle prévoit notamment d'utiliser 100 % de cobalt recyclé dans toutes ses batteries conçues en interne d'ici la fin 2025.

Face à l'escalade du conflit régional et aux rapports faisant état de contrebande, Apple a même indiqué en juin 2024 avoir explicitement demandé à ses fournisseurs de cesser tout approvisionnement en 3TG provenant de la RDC et du Rwanda.

La plainte d'IRAdvocates, qui ne réclame pas de dommages financiers mais une injonction pour stopper ce qu'elle qualifie de marketing trompeur, remet en question l'efficacité réelle de ces mesures.

La question reste donc entière : les audits et les politiques d'Apple suffisent-ils à garantir une chaîne d'approvisionnement totalement éthique ? Le verdict du tribunal de Washington sera, sans aucun doute, scruté de très près.