S'il était pressenti que le quatrième opérateur mobile des Etats-Unis, T-Mobile USA ( détenu par Deutsche Telekom ) faisait l'objet d'une tentative de rachat par un gros opérateur du pays, ce n'est pas AT&T qui était attendu sur cette opération.
Le marché télécom US se joue entre quatre opérateurs principaux et des opérateurs régionaux, et sur les quatre gros acteurs, les deux principaux, AT&T et Verizon Wireless, ont commencé à prendre le large.
La semaine dernière, la rumeur voulait que ce soit le troisième opérateur, Sprint Nextel, qui s'intéresse à T-Mobile USA ( ce dernier jouant le rôle du quatrième opérateur US ) dans la mesure où cela lui permettrait de revenir sur les deux leaders et de constituer un marché national à trois acteurs.
Mais le fait que ce soit AT&T qui se présente comme repreneur potentiel fait surgir la crainte d'un marché polarisé autour de deux acteurs seulement, tandis que le troisième en ressortirait affaibli, avec le risque de formation d'un duopole.
La régulation entourant la proposition d' AT&T, qui s'élève à 39 milliards de dollars, promet donc d'être longue et tatillonne tant elle a pris de court les observateurs et législateurs. De son côté, AT&T ne s'est sûrement lancé à la légère et a déjà mis en place une argumentation portant non pas sur les aspects nationaux mais sur les incidences régionales, suggérant qu'avec l'émergence des opérateurs low cost, chaque zone du territoire américain comporte un nombre suffisant d'acteurs pour un jeu de la concurrence efficace.
Un pari audacieux mais pas rejeté par les investisseurs
Si l'acquisition n'était pas validée, cela pourrait coûter à AT&T environ 3 milliards de dollars, sans compter la nécessité de trouver de nouvelles ressources spectrales. Car derrière l'acquisition de T-Mobile USA se cache aussi cet aspect, alors que les opérateurs sont confrontés à l'augmentation rapide de la consommation data mobile et ont besoin de capacités supplémentaires.
Pour AT&T, c'est l'occasion de récupérer les fréquences 3G de T-Mobile USA en vue de préparer son plan de déploiement d'un réseau 4G LTE, qui devrait intervenir quelque part en 2011, alors que son concurrent Verizon a lancé le sien en décembre 2010 et commence à accueillir ses premiers smartphones LTE.
Malgré ces possibles écueils régulatoires, le titre en Bourse d' AT&T a légèrement progressé tandis que celui de Deutsche Telekom, détenteur de T-Mobile USA, s'est envolé de plus de 10%, la filiale constituant depuis longtemps un point noir dans son bilan financier.
En revanche, la situation est plus délicate pour Sprint Nextel, qui déploie non sans difficultés son réseau WiMAX et risque fort de se trouver distancé dans l'opération. Son cours en Bourse a perdu jusqu'à 15% lors de l'annonce, tant les observateurs pensaient que c'est lui qui rachèterait T-Mobile USA, et au vu des risques encourus si AT&T réussit son pari.
Sprint a publié un communiqué dans lequel il se dit inquiet de l'évolution possible du marché qui ferait d' AT&T et de Verizon des acteurs très dominants, maîtrisant plus de 80% du marché des abonnements à eux deux.
L'entité rassemblant AT&T et T-Mobile USA pèserait trois fois plus que Sprint et aurait beaucoup plus de moyens pour négocier avec les équipementiers, laissant peu de solutions pour le troisième opérateur. Sprint va donc exprimer ses inquiétudes auprès de la FCC ( le régulateur télécom américain ) et du Department of Justice, qui doivent se prononcer sur l'acquisition, concernant le maintien des capacités d'innovation et de la concurrence dans un tel contexte.