Les chiffres en France sont implacables. Près de 150 000 AVC et 80 000 infarctus ont lieu chaque année. Pendant des décennies, la médecine a désigné un coupable unique : le caillot sanguin, un amas de plaquettes qui bouche les artères. Mais une étude publiée dans la revue Nature change tout. Des chercheurs viennent de mettre au jour un mécanisme radicalement différent. Une découverte qui pourrait expliquer de nombreux échecs thérapeutiques et transformer la prise en charge des patients.
Un nouveau coupable : la "colle biologique" des globules rouges
L'ancienne hypothèse adoptée par l'ensemble du corps médical vacille. Une nouvelle étude révèle un processus qui change la donne, loin de la coagulation classique. Que se passe-t-il ? Lors d'un AVC ou d'un infarctus, la paroi des vaisseaux sanguins est abîmée. Cet environnement hostile fait éclater les globules rouges. C'est ce que l'on appelle l'hémolyse. Leurs débris forment alors une sorte de "colle biologique". Cette colle vient boucher les plus petits vaisseaux, les capillaires. Le professeur Shaun Jackson, l'un des auteurs de l'étude, parle d'un "tout nouveau mécanisme de coagulation sanguine qui n'a rien à voir avec le système traditionnel impliquant les plaquettes ou la fibrine". Il précise que "les cellules mourantes provoquent l'éclatement des globules rouges, et leurs membranes agissent comme une colle biologique, obstruant les vaisseaux endommagés et bloquant la circulation du sang vers des organes vitaux." Le résultat est direct. L'obstruction des micro-vaisseaux prive les tissus d'oxygène. Cela entraîne leur asphyxie, l'inflammation, puis leur destruction.
L'angle mort des traitements actuels
Les implications de cette découverte sont immenses. Elle explique pourquoi certains patients subissent des défaillances d'organes, même sous traitement. Ce phénomène a été observé chez des patients décédés du Covid-19. Ils présentaient des blocages massifs des petits vaisseaux, malgré les anticoagulants. La raison est maintenant claire : les thérapies actuelles ciblent uniquement les caillots classiques.
- Les thrombolytiques, qui visent à dissoudre le caillot déjà formé.
- Les anticoagulants, qui préviennent la formation de nouveaux caillots.
- Les antiagrégants (comme l'aspirine), qui empêchent les plaquettes de s'agglutiner.
Ces stratégies sont donc sans effet contre cette "colle" de débris. Ce mécanisme représente un véritable angle mort thérapeutique. Beaucoup de patients, victimes d'un infarctus ou d'autres pathologies, restaient sans solution pour limiter les dégâts.
Vers une nouvelle ère pour les maladies cardiovasculaires
Cette identification ouvre un champ de recherche immense. Les scientifiques envisagent maintenant des stratégies radicalement nouvelles, au-delà de la simple coagulation. Le Dr Lorenzo Alberio, co-auteur, résume bien l'enjeu : "nous avons besoin de traitements qui s’attaquent à la racine du problème : la protection de l’endothélium et la stabilité des globules rouges". Cette vision pourrait tout changer pour la prise en charge des maladies cardiovasculaires. Les futures pistes de recherche se concentrent sur la protection des cellules des vaisseaux et des globules rouges eux-mêmes. L'objectif est simple : intervenir plus tôt pour empêcher les blocages. Et ainsi protéger les organes et sauver des vies. C'est un espoir immense pour tous les patients qui répondent mal aux traitements actuels. Un nouveau chapitre de la biologie vasculaire vient de s'ouvrir.