La Banque centrale européenne semble avoir surpris beaucoup d’Européens : elle recommande désormais de conserver entre 70 et 100 euros en liquide chez soi et par personne, pour pouvoir surmonter une interruption temporaire des paiements électroniques.

Depuis la publication d’une note officielle, la BCE invite désormais chaque citoyen européen à prévoir un « bas de laine » de cash à la maison. Cette annonce surprend à l’heure où les paiements dématérialisés semblent supplanter le liquide…

Officiellement, il s’agit d’une recommandation destinée à renforcer la résilience individuelle face aux crises, soutenue par l’analyse de plusieurs événements récents.

Pourquoi la BCE recommande de garder du cash ?

La BCE, dans son étude intitulée « Gardez votre calme et conservez de l’argent liquide », met en garde contre les risques de défaillance des systèmes de paiement électroniques : cyberattaque, panne majeure du réseau bancaire ou électrique, voire catastrophe naturelle.

« L'argent liquide constitue une protection à faible coût contre une instabilité systémique majeure » résume la note, citant la coupure géante du réseau électrique espagnol d’avril dernier, où de nombreux consommateurs se sont rués sur les distributeurs dès le retour du courant pour reconstituer leurs réserves.

Les autorités des Pays-Bas, d’Autriche et de Finlande appliquent déjà des consignes similaires, invitant à conserver entre 70 et 100 € par membre du foyer. La Commission européenne suggère aussi de stocker eau, nourriture… et argent liquide, pour faire face à une interruption de service public d’au moins trois jours.

Cette notion de « roue de secours » s’accompagne d’un paradoxe : alors que l'argent liquide recule dans les usages, l’attachement au cash reste fort, surtout en situation d’incertitude.

À la fois pratique (fonctionne hors ligne) et psychologique (confère un sentiment de contrôle), le liquide offre une utilité « hors du champ numérique » qui pourrait devenir un avantage en cas de neutralisation des réseaux.

Événements récents : le cash en hausse en temps de crise

La BCE a passé au crible quatre crises majeures en Europe : la pandémie de Covid-19, l’invasion de l’Ukraine, la panne du réseau électrique espagnol et la crise de la dette grecque.

Chaque fois, la demande de liquidités a bondi :

  • +140 milliards d’euros émis dans l’ensemble de la zone euro au début de la pandémie (contre seulement 55 milliards lors d’une année normale)
  • Hausse de 36 % de la demande de billets dans les pays proches de l’Ukraine dès les premiers jours de la guerre
  • Pics de retrait constatés immédiatement après la panne espagnole et dans les zones périphériques non directement touchées

« L’utilité du cash s’intensifie lorsque la stabilité est menacée », notent les auteurs du rapport. Même lors de la crise grecque, en situation de turbulence prolongée, la population a privilégié la disponibilité de billets pour se prémunir contre un effondrement temporaire des services financiers.

Comment se préparer chez soi ?

La BCE préconise une somme de 70 à 100 € en espèces et par personne, suffisante pour couvrir les achats essentiels durant 72 heures. Cette somme ne doit pas être comprise comme une réserve d’investissement mais comme une dépense d’urgence : alimentation, transports et petits services de la vie courante.

Certains pays voisins prévoient des distributeurs automatiques résistants aux cyberattaques, afin de garantir l’accès au cash même en cas de défaillance technologique.

Malgré le contexte, la BCE souligne que ce conseil « n’a rien d’alarmiste » : il s’agit seulement de renforcer la sécurité individuelle des ménages face à l’imprévu. Aucune incitation à thésauriser ou à spéculer, simplement une « règle de bon sens » issue de l’expérience des différents pays européens.

Liquidités et transition numérique : ambiguïtés et perspectives

Cette recommandation intervient alors même que la BCE elle-même travaille sur l’euro numérique, visant à moderniser et renforcer la sécurité des flux monétaires.

Mais en parallèle, la fermeture croissante des agences bancaires et la disparition des distributeurs compliquent l’accès au cash pour de nombreux citoyens. La BCE appelle donc les États et les banques à garantir la disponibilité des espèces, quel que soit le degré d’avancement du paiement sans contact.

Les crises récentes ont montré que même si l’argent physique n’est pas utilisé chaque jour, sa simple existence rassure et prépare à l’incertitude. Ce besoin de sécurité risque de perdurer tant que l’instabilité, sous ses différentes formes, pourrait menacer les infrastructures numériques.

La BCE replace l’argent liquide au centre de la préparation individuelle : un outil simple, tangible, immédiat, qui complète les innovations actuelles sans les concurrencer.